Automne
1998

Le mensonge

Sommaire
des projets



Auteurs ?


INTRODUCTION

I. LE MENSONGE
       1. Le mensonge : approche philosophique
       2. Considérations générales sur le mensonge
       3. Pourquoi rechercher la vérité ?

II. LE DÉTÉCTEUR DE MENSONGE : PRÉSENTATION TECHNIQUE
       1. Le concept
       2. Détecter un mensonge
       3. Les techniques existantes
       4. Notre technique

III. UN MONDE SANS MENSONGE ?

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE




INTRODUCTION

Ces derniers temps l'actualité internationale a amené en première page des journaux une question fondamentale : la question du mensonge. Référence est faite ici à l'affaire Bill Clinton où l'homme le plus puissant du monde risque d'être destitué pour avoir menti.

A ce sujet un article du nouvel observateur du 22 octobre 1998, annonçait que 74% des français estiment qu'un dirigeant politique ne doit jamais mentir. Ils pensent tout comme Kant que " l'homme qui ne croit pas ce qu'il dit est moins qu'une chose ".

Les exemples ne manquent pas, tant en politique que dans la vie quotidienne, pour nous montrer que le mensonge nous entoure. En effet qui n'a jamais menti ?

Pourtant cette question du mensonge est bien moins simple qu'elle ne paraît. Cela fait plus de 2000 ans que philosophes et moralistes se penchent sur le mensonge ses vices et ses vertus.

Etant donné l'importance du mensonge dans notre vie quotidienne nous avons souhaité nous intéresser à la possibilté d'un détecteur de mensonge " démocratisé ", impliquant la possibilité d'un monde, restreint ou non, sans mensonge.


I. LE MENSONGE

1. Le mensonge : approche philosophique

Le mensonge paraît répréhensible en tant qu'énoncé et non comme acte : mentir pour obtenir quelque chose semble pire que le demander " normalement ".

Mais le mensonge n'est pas seulement un énoncé faux, il est lié à un but une intention. C'est elle que l'on peut à première vue qualifier de bonne ou de mauvaise suivant des critères moraux. Or si on s'intéresse a ce contexte, on néglige alors l'énoncé en tant que tel, on opère donc une dissociation du mensonge et de son but ou de ses conséquences. Cela conduirait donc à accepter le mensonge commis dans une bonne intention.

Pourtant personne n'aime découvrir qu'on lui ment, ou qu'on lui a menti : " Tu as bien fait de me mentir " est un énoncé paradoxal voire assez inhabituel. De même personne n'aime non plus être pris en flagrant délit de mensonge ; c'est une situation embarrassante.

Donc cela laisse supposer qu'il est mal vu de mentir, bien que ce soit un exercice courant dans les conversations quotidiennes.

Le mensonge, inséparable de la question de la vérité et du partage vrai/faux, est un des premiers sujet d'intérêt de la philosophie. Mais le mensonge n'est bien évidemment pas seulement le faux. En effet, je peux dire faux sans mentir. Pour mentir il faut donc être faux volontairement, et par conséquent connaître avant tout la vérité. C'est pourquoi le mensonge fascine celui même qui ment car en se plaçant à la frontière du vrai et du faux, il donne l'illusion au menteur de maîtriser le langage. Il est vrai que le mensonge requiert certaines compétences, pas seulement l'habileté du trompeur mais surtout celles nécessaires à l'énonciation du vrai. " Ainsi c'est le même homme qui n'est capable de mentir et de dire vrai " dit Socrate (Hippias mineur 367c). Ceci conduirait à une conclusion paradoxale : celui qui ment, donc en connaissance de cause, comme celui qui dit vrai est meilleur que celui qui tout bêtement est dans l'erreur, si l'on considère que la connaissance de la vérité est ce qui est le bien.

On peut donc en conclure que ce qui fait du mensonge une mauvaise action, ce n'est pas seulement qu'il soit faux, mais délibéré.

Kant rejette dans son essai consacré à la question du mensonge le prétendu droit de mentir. En effet la vérité, dit il, n'est pas un bien que l'on possède et sur lequel un droit serait reconnu à l'un et refusé à l'autre. Ainsi le mensonge pour être reconnu comme condamnable n'aurait pas besoin d'être défini comme nuisible à autrui : le mensonge est mauvais en soi. Par la même Kant détruit les deux illusions du mensonge involontaire et du mensonge bien intentionné. Un mensonge est un mensonge. Si je ne dis pas la vérité et même si je dis quelque chose dont je ne suis pas certains, fait que Kant inclus dans le mensonge, je trahis un engagement. Il considère que si l'on tolère le mensonge, il n'y a plus de promesse possible. Mentir ressemble à trahir une promesse, celle de la vérité, que je dois. La véracité étant un " devoir formel de l'homme à l'égard de chacun ". C'est ce devoir qui fait du mensonge une action. Comme la promesse le mensonge est un acte d'engagement.

Ceci nous amène à une définition générale du mensonge qui serait :

Acte par lequel un locuteur déforme ou dissimule volontairement ce qu'il sait être la vérité, le mensonge met en jeu ce que la linguistique repère comme fonction appellative du langage, c'est à dire cherchant à interpeller l'auditeur, en voulant provoquer chez lui des sentiments ou une adhésion que le locuteur ne partage pas.



2. Considérations générales sur le mensonge

Le mensonge est bien plus répandu dans la vie de tous les jours qu'on veut bien le croire. Il joue dans notre existence un rôle considérable mais en grande partie clandestin. En effet, non seulement il doit être ignoré de ceux à qui nous mentons, mais de plus pour pouvoir en utiliser toutes les ressources il faut que nous soyons nous même abusés sur sa nature et sur ses mécanismes. Ainsi le mensonge admet les trois mécanismes suivant pour se manifester :

une connaissance assez exacte du réel ;

une discrimination entre l'objectif et le subjectif (ce qui n'est pas encore le cas chez l'enfant) ;

une imagination suffisante pour construire la fable et préparer les parades éventuelles

On peut s'apercevoir de manière courante que le mensonge existe, mais aussi que les procédés mensongers sont extrêmement variés. On peut mentir par exemple : Les mobiles sont également aussi nombreux que les différentes raisons que le sujet peut avoir de mentir, comme par exemple : l'intérêt, la cupidité, la haine, la vengeance, la passion, la défense, le sacrifice, le besoin de se valoriser…

On distingue deux cas dans l'étude du mensonge : l'aspect non pathologique et l'aspect pathologique, chez l'adulte et chez le jeune (enfant et adolescent).

On admet communément que le mensonge correspond à une altération des faits, et rend responsable le langage verbal. Il s'agit selon DROMARD d'une simulation et dissimulation de la pensée ; c'est en ce sens qu'on le distingue, selon lui, de l'hypocrisie qui est une simulation et dissimulation des sentiments.


a. Aspects non pathologiques du mensonge

Selon Frobourg Blanc le mensonge intégral : " C'est le mensonge répondant au sens commun du mot, la falsification consciente, voulue par des adultes au psychisme normal, d'une vérité bien établie. Son mécanisme est simple. Il naît du désir bien arrêté de tromper dans un but éminemment utilitaire. Il est soigneusement préparé, médité. Le menteur sait à qui il s'adresse , quels sont les meilleurs moyens qu'il a d'être cru, quelle forme il doit employer pour mieux capter la confiance de celui qu'il veut tromper. "

Les mobiles du mensonges peuvent varier selon les critères suivants :


b. Caractéristiques particulières du mensonge chez le jeune



c. Mensonge non pathologique chez l'adulte

C'est un acte qui va se caractériser par une déformation volontaire de la vérité, donc de la réalité. Cet acte peut être volontaire, mais il peut aussi survenir par inattention, sans qu'il n'y ait cause pathologique.

D'une manière générale il existe diverses situations et comportements à travers lesquels vont s 'exprimer les mensonges. Le mensonge est à distinguer de l'hypocrisie et de l'erreur.

Si l'on se penche sur la question du mensonge, on réalise qu'il occupe dans nos sociétés organisées une place très importante. En effet dans une société qui tend souvent à substituer au moi individuel un moi collectif, alors que chaque individu possède une partie de lui même antisociale, la plus ancienne, la plus résistante, la plus vivace, il lui faut dès lors qu'il accepte de vivre avec ses semblables, sacrifier cette facette antisociale. Combien de fois chaque jour adultes et enfants sacrifient-ils à l'ambiance, aux maîtres, aux parents, aux amis, et à beaucoup de monde leurs propres désirs ou convictions par crainte de l'opposition et par conformisme ? Combien de fois inventons-nous des mensonges vis-à-vis de nous même pour ne pas penser différemment de notre entourage ? Et quand parfois il nous arrive d'avoir une idée qui n'est pas la notre, nous nous appliquons alors avec la plus grande hypocrisie, à refouler au fond de nous-mêmes une vérité que nous recouvrons d'un voile selon les conventions.

La liberté de pensée, elle même si farouchement défendue dans nos sociétés, peut sous l'influence du milieu, devenir paradoxalement source d'une véritable tyrannie. Il est fréquent de constater que les gens sont bien souvent pris dans une sorte de carcan qu'ils n'osent pas briser de peur d'être ridicules et de devenir la risée des autres.

Par exemple, un homme est libre de se marier à l'Eglise comme il est libre de ne pas le faire. Cependant cette liberté devient une tyrannie dès l'instant ou l'entourage juge la religion comme un signe d'honnêteté ou à l'inverse d'hypocrisie. Celui qui est religieux s'expose aux railleries des uns et au mépris des autres, et dans tous les cas à l'hostilité d'une bonne partie de son entourage. Le résultat de ces situations est que bien souvent on peut voir des personne pratiquant avec beaucoup de zèle une dévotion qui ne comporte en elle aucune foi sincère, ou bien à l'inverse le cas du " Mangeur de curés " qui est croyant en son for intérieur.

L'établissement de telles relations de fausseté entretenue, peut avoir des conséquences désastreuses. A titre d'exemple, il est unanimement reconnu qu'il faut dire la vérité sur ses origines à un enfant adopter, et ce le plus rapidement possible. En effet le camouflage de la vérité peut avoir des conséquences néfastes sur l'enfant en entretenant des illusions préjudiciables à son bon développement. C'est là le rôle des parents adoptifs, et c'est à ce prix que peuvent s'instaurer des rapports affectifs francs et réciproques évoluant dans un registre de sincérité et non pas de fausseté.



d. Aspects pathologiques du mensonge

Là aussi il faut distinguer le mensonge pathologique chez le jeune et chez l'adulte.



3. Pourquoi rechercher la vérité ?

Le mensonge est omniprésent. C'est un élément récurrent des relations humaines. Il s'immisce partout...

A ce propos, DROMART écrit : " Quand nous cherchons à voir clair dans nous-mêmes et le reste du monde, nous respirons une atmosphère déplaisante de feintes ridicules et d'amères duperies. Supposez un homme assez sage, et peut-être assez fou d'ailleurs, pour peser, une journée durant, la vérité des êtres et des choses qui lui font escorte, et dites-moi si cette expérience ne suffirait pas à lui présenter le mensonge comme un mal foncier, un mal de nature, qui naît et qui prolifère universellement, corrompant à sa source toute expression humaine, et couvrant de sa végétation traîtresse tout ce qui vit et qui s'anime. Nous mentons sans cesse par la parole et par l'écriture, par le geste et par l'attitude, et nous mentons aussi dans les vêtements qui nous parent et les meubles qui nous entourent... à la maison, le journal nous ment, et dans la rue les affiches également nous mentent qui sont accolées au mur, les enseignes nous leurrent qui sont au dessus des boutiques, et derrière les vitrines(...) ".

Le mensonge concerne autant de sujets que la confiance, l'honnêteté, la lâcheté, la justice... La connaissance de la vérité intéresse de nombreuses professions. Dans cette partie, nous tenterons de répondre à la question " pourquoi rechercher la vérité " en désignant " qui recherche la vérité ".

En voici une liste :

Notre démocratie est elle-même basée sur un mensonge puisqu'elle affirme donner le pouvoir au peuple et qu'elle le donne à une poignée d'élus. Dans son livre, La démocratie malade du mensonge, Alain Etchegoyen s'explique :

" Depuis ses origines, la démocratie est prise dans une contradiction (...) D'un côté, elle affirme comme son essence même le pouvoir du peuple (...) Mais en même temps, la démocratie ne cesse d'appartenir à la sphère du politique. (...) De ce fait, elle partage avec les autres gouvernements des modalités de l'action intérieure et extérieure auxquelles elle ne peut échapper. Elle n'ignore donc pas le phénomène du pouvoir qui est consubstantiel à toute forme politique. "

" C'est dire que le pouvoir du peuple comme sujet actif se réduit souvent à l'abandon de son pouvoir au profit de quelques hommes du peuple qui, dans cet abandon, prennent pouvoir sur le peuple. "

" Le citoyen est en droit d'exiger que les élus s'expliquent sur leurs changements. S'ils affirment la continuité alors qu'ils varient, le mensonge redouble. (...) Seul le pouvoir occupe et seule l'occupation du pouvoir préoccupe. "

Cette citation nous intéressera particulièrement Elle souligne l'intérêt d'un détecteur de mensonge dans la vie politique :

" Le propre des menteurs est toujours de nier qu'ils mentent, en mêlant à ces dénégations de véritables accès de sincérité. Il nous faut donc à la fois de nouveaux systèmes de contrôle des détecteurs de mensonges originaux- et des mesures qui évitent la prolifération des leurres. "


II. LE DÉTECTEUR DE MENSONGE : PRÉSENTATION TECHNIQUE

1. Le concept

La détection du mensonge repose sur une idée simple : les hommes émettent lorsqu'ils mentent des " signaux corporels remarquables". Leur sincérité deviendrait un simple paramètre à mesurer, à " lire " directement sur leur personne.

Le mensonge serait ainsi repérable par des réponses physiologiques incontrôlables qui lui seraient propres. De telles réponses n'ont pas encore été trouvées. On a néanmoins pu mettre en évidence que notre corps réagissait au mensonge d'une façon complexe. Le mensonge perturbe l' " activité normale " de l'organisme sous de nombreux aspects.

Des études intéressantes inspirées par toutes ces hypothèses ont permi l'élaboration de premiers modèles de détecteurs de mensonge.



2. Détecter un mensonge

Les différents aspects de la physiologie humaine pris en compte lors de la détection de mensonge sont :

Tous ces éléments varient lorsqu'une personne est émue (par exemple parce qu'elle ment). Ils ne sont pas " totalement " spécifiques du mensonge. Le problème pour la détection du mensonge va donc être de distinguer l'origine réelle des réactions mesurées.


3. Les techniques existantes

Nous avons retenu trois techniques existantes, qui sont le polygraphe (plus communément appelé détecteur de mensonge), le " Truster " et le " Lantern D6000L ".



4. Notre technique

Nous avons imaginé un détecteur de mensonge individuel, un détecteur de mensonge " généralisé ", accessible à tous. Peut-on, avec les moyens technologiques actuels, espérer une telle réalisation ? Peut-être pas encore. Pourtant, il semblerait qu'il existe tout un champ de recherche dans ce domaine. Quelques entreprises américaines mettent déjà en vente de tels produits. Leur fiabilité est cependant encore critiquable.

Anticipation des problèmes rencontrés :

Nous proposons d'intégrer le dispositif dans une montre. En effet, l'objet en question est un support presque idéal pour un détecteur de mensonge portatif. Il est discret car anodin, et de plus, il n'est pas rare aujourd'hui de trouver sur le marché certaines montres équipées d'un écran à cristaux liquides sur lequel, des données et conclusions des tests de vérité pourraient être affichées.

L'écran du logiciel Truster fourni en annexe donne un aperçu de ce qui pourrait s'afficher sur notre " montre détectrice de mensonge ". Un nouveau problème apparaît alors. L'utilisateur ne doit pas rester continuellement les yeux rivés sur sa montre. Il serait trop suspect et éveillerait la méfiance des personnes avec qui il parle. La " qualité " de la détection s'en trouverait diminuée. Pour remédier à ceci, nous prévoyons deux solutions. La première serait de donner la possibilité à l'utilisateur d'enregistrer une conversation pour l'étudier ultérieurement. La seconde serait d'avertir par un message " sensoriel " que des mensonges ont été énoncés. Un stimulateur situé sur le bracelet de la montre pourrait provoquer un picotement ou une légère pression. Un signal sonore est envisageable également, quoique beaucoup moins discret, même s'il existe déjà des montres munies de sonneries. Chaque mensonge entraînerait alors une stimulation plus ou moins forte. Ainsi le signal reçu par l'utilisateur pourrait être de type analogique, c'est-à-dire proportionnel à la stimulation donc au " degré de certitude " de l'appareil.

Au cas où une montre serait un support trop petit, nous pourrions imaginer une unité centrale externe reliée à la montre par un câble, camouflé dans les vêtements, qui traiterait les informations recueillies par le microphone. Elle pourrait se glisser dans la poche ou ressembler à un baladeur...

Le système d'analyse vocale du Truster permet de détecter des variations au niveau de la voix mais ne donne pas véritablement de " diagnostic ". C'est l'utilisateur qui interprète les informations que lui donne la machine. Dans notre souci de généralisation, il faudrait permettre une identification facile du mensonge ne nécessitant pas une grande expérience en matière de détection du mensonge. C'est pourquoi nous imaginons la possibilité d'entrer en mémoire dans le dispositif le " profil du menteur moyen " ou des valeurs moyennes établies sur une large population. Le dispositif se contenterait alors de comparer les informations reçues à sa banque de données.

Nous supposons que le calibrage, c'est-à-dire l'identification et l'interprétation des différentes voix, se ferait automatiquement. A chaque voix se verrait associé un profil normal par défaut. Nous pourrions permettre à l'utilisateur d'étalonner lui-même la machine en indiquant quels sont les profils normaux. En interrogeant ses interlocuteurs sur des sujets communs où ils ne risquent pas de mentir, il donnerait à la machine leur profil moyen du point de vue des critères de détection cités. Cette phase correspondrait aux questions de contrôle utilisées avec le polygraphe. On note qu'un tel appareil détecterait également les mensonges de l'utilisateur.

Notre technique semble donc réalisable. Les chercheurs américains sont apparemment déjà sur la voie du détecteur de mensonge individuel. Il est nécessaire maintenant de réfléchir aux implications d'une telle technique dans notre vie quotidienne ou professionnelle. Chaque nouveauté bouleverse nos habitudes et nos repères. L'intérêt de son utilisation doit être justifié, et ses conséquences néfastes mises à jour.

Dans notre dernière partie, nous essaierons d'anticiper les conséquences de l'application de notre technique. Nous tenterons de déterminer si cette utilisation est souhaitable ou non, ou bien avec quelles restrictions, quels " aménagements ".


III. UN MONDE SANS MENSONGE ?


Le détecteur de mensonge personnel présente un intérêt indéniable pour le système judiciaire (principalement dans des cas graves comme le trafic de drogue, le viol, le meurtre, le vol...). Son utilisation pose cependant de graves problèmes d'ordre moral dès lors qu'il s'agit de l'appliquer à la vie quotidienne.

En effet, que signifierait la pratique courante d'un tel dispositif ? La possibilité, donnée à chacun, de tout connaître sur autrui. Il suffirait d'interroger une personne pour pénétrer sans obstacles sa vie intime. En effet, une réponse mensongère détectée donnerait la possibilité à l'utilisateur de se faire une idée de la vérité, ou d'amener petit à petit son interlocuteur à dire la vérité. Que dire également d'une situation ou le sujet serait tout à fait conscient d'être soumis à la surveillance d'un détecteur de mensonge ? Ne serait-ce pas là une manière de dénaturer totalement nos habitudes de communication et l'utilisation que nous faisons du langage ? Quoiqu'il en soit, cette mise à nu serait une violation de la vie privée, de l'intégrité.

Un tel dispositif serait probablement à l'origine de nouveaux types de harcèlement. Par exemple, le harcèlement dans notre vie professionnelle. Un employé pourrait-il longtemps supporter d'être en permanence soumis à l'évaluation d'un détecteur, à la manière de Caïn voit l'œil le suivre jusque dans sa tombe? Une relation de confiance réciproque, indispensable d'ailleurs pour un travail fructueux, semble préférable à une relation d'honnêteté absolue. Pour des contrats importants ou des réunions internationales, le détecteur de mensonge pourrait bien entendu avoir une utilité si l'on considère un seul des deux partis. Les constructeurs du Truster proposent ainsi en priorité leurs services aux hommes d'affaires.

On comprend que l'utilisation d'un tel appareil ne peut se faire dans un cadre " quotidien " mais doit se limiter à un cadre " exceptionnel ".

On suppose également qu'un détecteur de mensonge utilisé dans la vie quotidienne représenterait une véritable torture psychologique . Comment à chaque instant rester sincère ? Ne serions-nous pas engagés dans un combat perpétuel ? Sans cesse nous dévoilerions malgré nous à notre entourage nos convictions et aurions alors à les assumer. La communication entre les personnes se trouverait alors prisonnière d'une machine, chacun évitant alors d'aborder un sujet délicat de peur d'être confondu. Les perspectives de l'introduction d'un tel appareil au sein d'une famille ne peut que faire frémir. Nos mensonges coutumiers et autres formules de politesses plus ou moins sincères, ne sont ils pas les garants de relations assouplies, même s'il est vrai que le mensonge intéressé ou vicieux nuit plus encore au cercle familiale ?

A première vue, le détecteur de mensonge personnel n'est pas à mettre entre toutes les mains. Il faudrait déterminer dans quel cas son utilisation peut être tolérée. Dans la vie courante elle semble insupportable et injustifiée. Dans la vie professionnelle elle devrait être réservée à des cas très spécifiques (problèmes judiciaires, réunions internationales, sommets politiques).

Même si dans son application, le détecteur de mensonge pose des problèmes sérieux, ce n'est pas le cas dans son " concept ".

En effet, l'existence d'un tel objet amènerait chacun, ou du moins on peut le supposer, à une réflexion personnelle sur sa propre morale. Pourquoi est-ce que je mens? Dans quel but ? De quel droit ? Dans quels cas le mensonge est-il préférable à l'honnêteté ? Nous serions alors confrontés à ces questions de façon beaucoup plus concrète et inévitable.

Le détecteur de mensonge aurait également un effet dissuasif vis à vis de la criminalité. En effet son utilisation permanente dans le milieu carcéral ou en cours de procès bannirait radicalement toute tromperie. S'il semble utopique qu'il puisse supprimer le crime, il permettrait en tout cas d'accélérer les procédures de jugement en accédant immédiatement aux faits réels.

Pour conclure cette technique pourrait apporter le bien, si elle est utilisée sans abus. L'histoire ayant montré qu'il n'est pas le propre de l'espèce humaine d'obéir à ce genre de déontologie, notre détecteur devrait ,sans aucune hésitation, être voué à une existence limité au stade de prototype.


CONCLUSION



Le mensonge est un sujet très complexe sur lequel beaucoup ont écrit, outil social ou fléau, " mal " ou " bien ", il reste quoiqu'il en soit intrinsèque a l'être humain. Nous mentons chaque jour, de la façon la plus naturelle qu'il soit, et sans pour autant, la moindre intention de nuire. Mais en bien ou en mal, pour combien de temps encore ? En effet aujourd'hui, notre technologie nous permet de détecter le mensonge à l'aide d'une machine, et il n'est pas impossible que dans un avenir proche ou lointain, cette technologie en perpétuelle progression, démocratise l'utilisation d'un détecteur individuel de mensonge semblable à celui que nous avons proposé ici. Il est inévitable que la mise sur le marché de ces appareils modifierait considérablement les relations que nous entretenons avec notre entourage, aussi bien dans notre utilisation et dans notre apprentissage du langage , que dans notre comportement vis à vis du dialogue , de la communication avec autrui. Probablement qu'un véritable carcan moral, assimilable à une dictature de la pensée viendrait alors s'immiscer entre chacun d'entre nous, et pénètrerait notre intimité jusqu'à nous priver du plus simple droit à une vie intérieure. Pourquoi alors, ne pas réagir face à cette éventualité et proclamer, à l'inverse de la position de Kant, un " droit au mensonge ".






BIBLIOGRAPHIE



Sites Internet : (tous ces sites sont accessibles au mot clé polygraph).