Printemps
1998

Montre biologique

Sommaire
des projets



REBOLLO Julie (GC05) - TERRER Yann (TC02)


INTRODUCTION

I. JUSTIFICATION
    1. Le temps social et les horloges biologiques internes
    2. La température corporelle
    3. Intérêts et limites de la corrélation du rythme veille/ sommeil et de la température corporelle

II. TECHNIQUE
    1. Fonctionnement
    2. Utilisation

III. CHANGEMENTS COGNITIFS
    1. Changement du rapport à l'espace-temps
    2. Problème de synchronisation

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE




INTRODUCTION



      Rien ne nous semble plus ordinaire que l'alternance du sommeil et de la veille qui inlassablement rythme notre vie. Tandis que la terre tourne, notre conscience poursuit ses propres révolutions, passant des rêves, mystérieux et solitaires, à l'éveil, avec ses activités sociales et professionnelles. A l'occasion, nous avons tous modifié le rythme quotidien de nos activités et nous savons que notre rythme interne n'est pas strictement synchronisé sur l'alternance du jour et de la nuit. Nous savons aussi que nous pouvons échapper au sommeil bien longtemps. Cependant l'horloge interne fonctionne en permanence et joue un rôle essentiel dans la vie quotidienne.

      Dans le rapport qui suit nous allons mener une étude sur les rythmes veille/sommeil corrélés avec les variations de température corporelle. Pour cela, après une justification de cette étude, nous allons développer une technique nouvelle qui permettra de contrôler le cycle de température au cours de la journée. Puis nous allons étudier les changements cognitifs qu'une telle technique implique.

      La création d'une montre " biologique ", qui permet de suivre à tout moment l'évolution de sa propre température est donc la technique correspondant à notre étude. Elle se présente sous forme d'une montre bracelet; la température est prise à même la peau, puis représentée sur le cadran sous forme d'une courbe du type T=f(t) où T est la température et t le temps en heure.







I. JUSTIFICATION


1. Le temps social et les horloges biologiques internes

      Le temps social n'est rien d'autre que la succession régulière des secondes, des minutes, des heures, des jours, des années... Le temps social est le même pour tous. Il est référencé sur un cycle de 24h et suit plus ou moins les cycles de rotation de la Terre : Une journée est a peu près égale la rotation de la terre sur elle même et une année correspond à la durée d'une révolution de la Terre autour du soleil. Le temps social nous est imposé et il varie peu selon les saisons (une heure de décalage entre l'heure d'été et l'heure d'hivers). Il sert de référence extérieure immuable pour l'organisation de la vie en société.[1]

      Les horloges biologiques internes sont les rythmes auxquels notre corps fonctionne. Il n'existe pas à proprement parlé une horloge biologique interne centrale qui orchestrerait les nombreux cycles vitaux à l'organisme, mais bien plutôt de plusieurs rythmes biologiques internes interdépendants. En effet, dans un organisme vivant les rythmes biologiques ont des échelles très différentes (cycle hormonale, de l'ordre de plusieurs jours; périodicité du fonctionnement moléculaire de l'ordre de la fraction de seconde). Il est encore difficile de nos jours, de déterminer précisément ces cycles, nous pouvons seulement affirmer que " un rythme est à l'oeuvre derrière l'apparent désordre des mesures ".[2]

      En tant qu' " animal social ", nous devons tous nous soumettre à des horaires et des contraintes temporelles pour la moindre de nos activités (pointage, horaires d'ouverture des magasins, rendez-vous chez des docteurs, etc.). Parfois ces contraintes sont mal vécues, elles deviennent alors handicapantes pour l'individu. Ces difficultés à vivre selon des rythmes imposés ne sont que les conséquences d'une incompatibilité entre notre horloge biologique interne et le temps social. En effet, comme le traduisent les expressions : " des gens du matin " et " des gens du soir ", nous n'avons pas tous les mêmes horloges biologiques internes.[3]






2. La température corporelle

      Notre rythme veille/sommeil est basé sur un cycle circadien d'environ 25h. Selon les individus, ce cycle est compris entre 25 et 26 heures. On considère généralement que ce cycle correspond à l'alternance du jour et de la nuit. Cependant, on peut aussi qualifier de circadien d'autre fonctions physiologiques : la température corporelle, les variables endocriennes, les variables neurovégétatives, etc.[4]

      La température corporelle correspond donc au rythme circadien " naturel " de chaque individu. Ainsi, contrairement à ce que l'on pourrait penser notre température interne n'est pas fixée à 37°C, mais elle varie au cours de la journée. Par exemple, une température de 37°C, pendant la nuit est anormale alors que pendant l'après-midi celle-ci n'est pas inquiétante. De plus, la température corporelle est une variable intéressante pour l'étude du rythme veille/sommeil car elle varie selon l'état d'éveil (pris dans le sens contraire à l'état de somnolence) : plus elle est élevée, plus grande est la probabilité que l'individu soit " réveillé " et bonne forme.
      Notre température interne varie au cours d'un cycle entre 36,5°C et 37,5°C. L'allure de la variation de la température corporelle est toujours la même : elle passe par un maximum qui correspond à l'état le plus " éveillé " de la journée; ce maximum est appelé acrophase.

Représentation de la variation de la température corporelle en fonction du temps.


      Enfin, la température corporelle est une variable facilement mesurable , ce qui va nous permettre la conception d'une montre " biologique ", qui permettra à l'individu de pouvoir observer l'évolution de sa température à tout instant.






3. Intérêts et limites de la corrélation du rythme veille/sommeil et de la température corporelle

       On peut affirmer sans vexer personne que jusqu'à présent l'homme n'a eu aucun moyen d'évaluer un de ses rythmes biologiques internes au cours d'une journée et encore moins de gérer ses phases d'activité et ses phases de sommeil en fonction de l'une d'elle. L'intérêt d'une telle montre est donc de donner enfin un moyen à l'individu de gérer ses activités et son sommeil en fonction d'un paramètre qui lui est propre. Cette gestion, toute nouvelle permettra à l'individu d'être plus près de ses besoins biologiques propres et donc plus en accord avec sa nature spécifique.
      D'autre part, avoir la possibilité de gérer sa vie sociale en fonction d'un autre paramètre que le temps social, c'est commencer à " briser la dictature du temps " comme l'appelle Bruno JARROSSON.[5] En effet, pouvoir relativiser l'heure imposée c'est s'émanciper pour vivre plus en harmonie avec soi-même.

      Cependant, cette corrélation a des limites. La température corporelle n'est qu'un indicateur de l'état physique de l'utilisateur, c'est à dire que sa variation donne une indication et non pas une vérité absolue sur son état. L'utilisateur ne doit jamais perdre de vue que sa montre lui donne une indication qui peut ne pas être la bonne. En effet, la montre ne prend en compte que la température ; pour avoir un résultat plus fiable, il faudrait prendre en compte d'autres paramètres tel que la tension nerveuse, par exemple.
      D'autre part, nous ne savons pas très exactement dans quelle mesure les variations de température sont sujettes aux facteurs extérieurs. En effet, la température varie selon d'autres facteurs que l'état d'éveil ou de sommeil de l'individu (activité physique intense, température ambiante, etc.). Cependant, la constante du modèle de variation de la température en fonction du temps nous pousse à penser que cette corrélation a de bonnes raisons d'être testé. En effet, la description que nous avons précédemment faite semble être unanimement acceptée par le corps scientifique.







II. TECHNIQUE


1. Fonctionnement

      Le principe de la montre étant de pouvoir visualiser sa température, elle nécessite donc un capteur de température relié à un système à cristaux liquides capables de représenter graphiquement les différentes températures à différents moments de la journée. Afin d'avoir une certaine notion de l'évolution du rythme biologique, il serait donc intéressant de faire ces mesures sur une période de 50 heures (2 périodes biologiques).

      Il existe deux sortes de capteurs : les couples thermoélectriques et les thermomètres à résistance et thermistances. Ces deux types de capteurs ont un inconvénient :le fait qu'ils soient en contact direct avec la peau afin de prendre des mesures, peut modifier la température cutanée. Pour minimiser ce facteur, on utilise plusieurs petits capteurs pour une surface de peau assez grande.

      Les couples thermoélectriques sont constitués de deux fils de métal (fer et nickel généralement) qui forment un circuit. Si les deux extrémités ne sont pas à la même température, il y a création d'un courant électrique ; la f.e.m de ce courant est proportionnelle à la différence de température, la relation n'étant pas linéaire mais pouvant être connue avec précision. Les extrémités des fils sont souvent des soudures ; le principal inconvénient est que si on veut connaître la température cutanée d'une personne, il faut qu'un fil soit plongé dans un milieu à température connue(vase de Dewar :eau + glace pilée=0C°).

      La réponse de ce type de capteur est proportionnelle à la masse des fils utilisés. Pour des températures comprises entre 30 et 40C°, la f.e.m est de 42microvolts/C°,ce qui est assez faible mais on peut aujourd'hui amplifier ce signal . La température sera donc mesurée grâce à la f.e.m produite par les fils à différentes températures.

      Les thermomètres à résistance et thermistance : Certains conducteurs électriques ont la propriété d'avoir une résistance qui peut être connue par étalonnage et par conséquent, la mesure de température revient à faire une mesure de résistance électrique. Le terme de " thermomètre à résistance " s'applique au capteur constitué par un conducteur habituel, tel un fil de platine ; le terme de " thermistance " s'applique au capteur constitué d'un semi-conducteur.

      Ces deux systèmes peuvent avoir une grande sensibilité. Leur temps de réponse est fonction de leur masse, qui peut être très faible dans le cas d'un semi-conducteur. L'inconvénient réside dans le fait que ces capteurs sont fabriqués en usine, dans une configuration donnée et qu'un capteur ne peut être utilisé que dans des configurations précises. Ils sont plus chers que les thermocouples, mais l'absence d'une référence de température encombrante comme l'est le vase Dewar leur donnent un incontestable avantage.

      Les thermistances sont donc capable de fournir un enregistrement continu de la température ; le signal électrique qu'ils délivrent peut être traité directement par un ordinateur.

      Pour construire notre montre biologique le capteur le plus adapté est donc une thermistance avec semi-conducteur.




2. Utilisation

Cible : les utilisateurs d'une telle montre peuvent être : Méthode : la méthode est simple . En effet, on ne s'intéresse pas à la valeur de la température proprement dite mais bien plutôt à la variation de température : Avec l'habitude, on peut arriver à gérer son état de veille/ sommeil en faisant par exemple :







III. CHANGEMENTS COGNITIFS


1. Changement du rapport à l'espace-temps

      Grâce à cette montre, on opère un changement de référentiel intéressant. En effet, l'heure classique, telle que nous la vivons aujourd'hui, est liée à un référentiel spatial (le déplacement des planètes du système solaire) tandis que l'heure biologique mise en évidence par notre montre est référencée à la personne, à la périodicité de sa température. On peut donc penser que cette mesure est plus proche de l'homme et dons plus en accord avec lui-même.

      Il est intéressant de noter que le temps relatif aux planètes pourrait en changeant de référentiel (ici les cycles du vivant) se rapprocher de l'être vivant. Pourquoi devrait-on se repérer par rapport aux planètes si on peut le faire directement par rapport au cycle de son organisme ? L'organisme étant le point de départ et l'unique raison du repérage temporel.






2. Problème de synchronisation

      La question que l'on peut se poser, à ce stade de notre étude, est de savoir ce qu'il adviendrait si toute une population de personnes se mettait à vivre au rythme de sa température corporelle; en d'autres termes est-ce que vivre selon son propre rythme est viable dans notre société?

      L'intérêt du temps social, comme nous l'avons vu, est de donner à chacun une référence extérieure, commune à tous. Cette référence nous permet de nous comprendre lorsque nous nous donnons des rendez-vous, lorsque nous parlons de durée (une minute doit pour tous les êtres humain correspondre à la même mesure de temps). Vivre selon son cycle thermique reviendrait à dire quelque chose du genre : " On se rencontre à la BUTC lorsque je serais à l'acrophase! " ou encore : " Je vous propose un rendez-vous le 27 du mois à 37, 2°C de votre température ". On imagine facilement que les rencontres vont s'avérer difficiles, la température de chacun lui étant propre, il va être difficile de connaître le moment où les individus vont être à telle phase de leur évolution thermique ou à telle température.

      Maintenant que le problème de la désynchronisation est posé, nous nous demandons si une (re)synchronisation est possible. En effet, nos horloges biologiques, comme nous l'avons vu, suivent un rythme circadien de 25 heures environ; or, le " rythme civil " est de 24 heures; nos horloges ont donc la faculté de se " remettre à l'heure ", de se " resynchroniser " selon une référence qui lui est extérieure. Les expériences menées jusqu'à présent ont montré qu'une resynchronisation sur une période de 23 heures ou de 27 heures est encore possible mais on aboutit à un échec si on tente d'imposer des périodes encore plus courtes ou plus longues. Ainsi dans une certaine mesure, nous sommes tout à fait capable de nous re-étalonner.

      Le temps social joue donc le rôle de " Zeitgeber ", c'est à dire qu'il donne à chacun le rythme référence sur lequel nous nous synchronisons tous. En l'absence de cette référence une population vivant uniquement selon sa montre " biologique " est-elle capable, au bout d'un temps X, de se synchroniser de tel sorte que chacun ait son acrophase au même moment, et des variations de température à la même vitesse? La réponse semble être non. En effet, dans la population qui nous occupe, il n'y a pas de " Zeitgeber ". Les deux schémas si dessous vont nous permettre de mieux visualiser le problème.

Représentation d'une population avec un " Zeitgeber " et sans " Zeitgeber "


      Comme on le voit, il est très peu probable que chacun puisse s'accorder, quelle référence prendre? Il est possible que deux ou trois individus, qui vivent ensemble (membres d'une même famille par exemple) arrivent à s'imposer un rythme commun (soit un rythme moyen soit le rythme de celui qui a le plus fort ascendant sur les autres). Même dans le monde animal et végétal, il n'existe pas de synchronisation sans " Zeitgeber ".[6]







CONCLUSION


      Nous arrivons au terme de notre étude, il est donc temps pour nous de récapituler les points importants et de conclure. La montre que nous avons présentée permet d'observer la variation de sa température interne, afin de gérer ses phases d'activité et de sommeil en partant de l'affirmation suivante : " A l'acrophase, l'utilisateur est au mieux de sa forme en qualité d'éveil, d'attention ". Le modèle de variation de la température étant constant.

      Il est important de bien répéter que cette technique est loin d'être infaillible. En effet, il nous faudrait faire des études bien plus approfondies pour savoir si effectivement cette corrélation imaginée est bien judicieuse et si elle est efficace dans le cadre de la gestion de ses phases d'activité et d'éveil.

      De plus les changements cognitifs qu'apportent cette montre ne sont pas encore bien connus. Cependant, l'utilisation de cette montre nous semble ne pouvoir avoir que des effets positifs, à savoir une meilleure connaissance de sois et de ses limites, une gestion de ses activités plus en accord avec les besoins de son corps etc. Cependant, nous avons pensé, en utilisant différents ouvrages, que l'utilisation d'une telle montre ne permet pas la vie en société, cependant cette position bien que argumenté se doit être validée par une expérience.

      Enfin, en plus de tous ces travaux d'approfondissement qu'il faudrait mener on peut très bien imaginer, dans l'optique où cette montre serait commercialisée, un apprentissage de l'utilisation de cette montre beaucoup plus poussée avec la signification, par exemple, d'un retard ou d'un décalage de l'acrophase, et les solutions si ces changements s'avèrent problématiques.












BIBLIOGRAPHIE


[1] HALL Edward T., La danse de la vie, Temps culturel et temps vécu, 1983, Edition "Seuil", BD638HAL.

[2] JOLY Jean et BOUJARD Daniel, Manuel de biologie pour psychologues, 1993, Edition "Dunod".

[3] ATLAN Henri (recueil d'étude), Temps de la vie et temps vécu, 1982, Edition du CNRS, QH527TEM.

[4] HOUDAS Y. et GUIEU J.D., La fonction thermique, 1997, Edition "Simep", collection : physiologie humaine.

[5] JARROSSON Bruno, Briser la dictature du temps, Comprendre ce qu'est le temps pour mieux le vivre, 1993, Edition "Maxima", QH307.2JOL.

[6] WINFREE Arthur, Les horloges de la vie, les mathématiques des rythmes biologiques, 1987, Edition "Pour la science", QH527WIN.


Articles de journaux:

La Recherche, " L'intolérance au travail de nuit : une origine chronobiologique ", Novembre 1984, n°140, p.1458 à 1459

La Recherche, " Gens du soir, gens du soir ", Septembre 1983, n°147, p.1114 à 1116

La Recherche, " Heure d'été, heure d'hivers : nos horloges biologiques supportent bien ", Novembre 1989, n°189, p.1396 à 1397

La Recherche, " Qui dîne, dort,... ", Décembre 1980, n°117, p.1444 à 1445