Printemps
1999

Le simulateur de pesanteur

Sommaire
des projets



BOREL Pascal (TC04) - MARTIN Jérémie (TC05)


INTRODUCTION

I. LES ENJEUX
    1. Quels enjeux pour la conquête de l'espace ?
    2. Les effets neurophysiologiques de la pesanteur sur les êtres humains

II. LA TECHNIQUE : le simulateur de pesanteur
    1. Réussir une action en microgravité
    2. Redonner un poids au corps
    3. Communiquer au corps sa réelle posture
    4. Utilisation du simulateur

III. CONSÉQUENCES COGNITIVES
    1. L'adaptation à la microgravité
    2. Limites et effets négatifs
    3. Évolution possible de la technique et de sa mise en œuvre
    4. Spéculations

CONCLUSION





INTRODUCTION



    L'Homme s'est toujours ébahi du spectacle que lui propose le ciel. Source de mystères et de mythologies, on le craint comme on le vénère ; il représente l'intouchable et nous transcende.

    Cependant, l'Homme a réalisé son fantasme : il s'est échappé de sa planète et a enfin pu " transpercer " le domaine des Dieux pour découvrir un nouveau monde, l'espace ; ceci accompagné d'une nouvelle appréhension de l'espace due à l'apesanteur ou plus précisément à la microgravité.

    La pesanteur est le seul facteur de l'environnement qui soit resté constant depuis l'origine de la Terre. Les êtres vivants ont adapté leur morphologie, leur squelette et leur appareil musculaire à la pesanteur… Aussi la sensation d'apesanteur s'apparente à une impression de liberté totale dans ses mouvements et donne un écho au plus vieux rêve de l'Homme : voler. Mais derrière ces image idyllique d'aisance et de liberté, l'Homme qui s'arrache à sa " maternelle " gravité s'expose à un incontrôlable remaniement physiologique qui le " métamorphose ". Sans elle, son corps est maladroit et mal à l'aise, il perd ses repères.

    Nous nous proposons donc de remédier à cela par une combinaison associée à diverses techniques qui devrait aider le corps à retrouver un certain équilibre.




I. LES ENJEUX


1. Quels enjeux pour la conquête de l'espace ?

      Nous allons débuter par exposer tous les enjeux de l'exploration spatiale et montrer ainsi l'importance de notre produit.


      L'exploration de l'espace est l'une des entreprises majeures de notre temps. A l'origine des découvertes, il y a toujours un Eldorado, une pierre philosophale et ce sont ces grandes questions qui constituent pour l'homme la plus grande motivation, dès qu'il possède la moindre liberté ; mais il faut aussi des raisons plus concrètes.

      A l'origine, la conquête de l'espace est née de la guerre froide et de la course au nucléaire. Le défi fut lancé par Krouchtchev avec la mise en orbite de Spoutnik 1 en 57 puis de Vodstock avec Gagarine, le premier Homme dans l'espace ; en fait, on ne savait pas si un homme serait capable de survivre dans ces conditions alors on a envoyé un chien d'abord. Cet exploit des soviétiques servait avant tout à démontrer la supériorité de la technologie et du système social soviétique ; ce à quoi les Américains répondirent en 69 par l'envoi du premier homme sur la Lune. Mais l'usage principal de l'espace pendant la guerre froide était de maîtriser les lanceurs et les trajectoires, décisives en cas de guerre nucléaire.

      Cependant, en parallèle, on a commencé à étudier les conséquences physiologiques de séjours prolongés dans l'espace avec la mise en orbite de stations russe puis américaine en 71 et 73. De plus, on put effectuer un réel travail d'observation de la Terre par satellites afin de détecter des ressources naturelles exploitables ; les applications se multiplient avec le lancement du satellite français Spot en 86 : cartographie, bilans écologiques, prévisions agricoles, gestion des ressources, études atmosphériques.... Mais le secteur d'activité qui s'est le plus développé est celui des télécommunications, avec la télévision par satellite, la téléphonie et les satellites de navigation.

      C'est à partir de 84 que la situation change radicalement : alors qu'on s'était jusqu'ici essentiellement consacré à utiliser l'espace pour des applications purement terrestres, on commence à voir plus loin et c'est l'astronomie qui va en bénéficier. En visitant la Lune et les proches planètes, l'Homme pourra mieux comprendre la structure des corps célestes, s'assurer de leur origine et dévoiler quelques pans de l'histoire du système solaire. Ainsi on commence à envoyer des sondes partant à la rencontre de la comète de Halley , de Vénus, Mars, Saturne et Pluton. Ces sondes prennent donc des mesures atmosphériques, captent des ondes prélèvent des échantillons, livrent des images de l'espace et de son activité pour comprendre comment notre monde s'est formé et comment il se déformera. De plus, les observatoires spatiaux sont bien plus efficaces, d'un point de vue sans aucun voile, sans absorption, dans toute l'étendue des rayonnements.

      On a donc vu les enjeux purement terrestres puis astronomiques mais l'objectif primordial est maintenant la colonisation pure et simple de l'espace à long terme. Pourquoi une colonisation d'autres planètes ? Avant tout, le désir d'aller toujours plus loin est encré dans l'esprit de l'homme. Il a cette volonté de toujours repousser les limites, d'explorer l'inconnu, de réaliser ses rêves. Ensuite, cette question de la colonisation de l'espace peut s'expliquer en simples termes de survie de l'espèce humaine : on sait maintenant que l'homme ne pourra vivre éternellement sur Terre, en raison d'abord de la durée de vie du Soleil, des possibilité de catastrophes naturelles, mais aussi du danger que représente l'homme pour sa planète avec l'arsenal nucléaire à sa disposition, la pollution qu'il crée, les catastrophes écologiques qu'il peut engendrer. L'homme a le devoir d'envisager son expatriation vers une autre planète pour permettre la survie de son espèce. Ainsi la première étape de la colonisation serait la Lune, point de transit nécessaire pour se lancer vers d'autres planètes avec ses ressources en oxygène abondantes permettant un approvisionnement en carburant et sa gravité 6 fois moins importante que sur Terre facilitant le décollage des fusées. De plus la face cachée de la Lune serait l'endroit parfait pour accueillir des radiotélescopes protégés ainsi de la pollution hertzienne provenant de la Terre. Puis la deuxième étape de cette colonisation serait Mars, mais on se heurte pour l'instant à d'insurmontables obstacles : le principal obstacle est physiologique car un vol durerait au moins six mois durant lesquels les spationautes seront amenés à vivre en microgravité étant donné le manque de moyens pour reproduire artificiellement une gravité dans un vaisseau spatial. Avec les moyens actuels, les spationautes arriveraient très mal en point sur Mars alors qu'une forme parfaite leur sera indispensable. C'est sur cet aspect de l'exploration spatiale que nous avons donc choisi de développer notre projet. Je mets l'accent sur l'importance de maîtriser la vie en microgravité car elle est nécessaire pour accomplir le but numéro un de l'exploration spatiale : la colonisation d'une autre planète. On peut ajouter à cela le problème de l'expositions à des radiations nocives qui n'est pour l'instant pas résolu.

      La colonisation de l'espace nécessite donc des laboratoires spatiaux pour pallier à ces problèmes physiologiques évoqués auparavant. Ces laboratoires orbitaux représentent ainsi un grand intérêt car on peut mener des expériences dans des conditions d'apesanteur non-reproductibles au sol. L'enjeu est fondamental dans le domaine de la biologie : il s'agit de comprendre comment la gravité intervient dans le développement et le fonctionnement des êtres vivants - végétaux, animaux et humains. Les retombées médicales sont énormes, trouvant même des applications dans le traitement des maladies cardio-vasculaires ou osseuses par exemple. Ainsi, l'enjeu de ces travaux physiologiques est double : améliorer les conditions de vie des spationautes dans un but de colonisation spatiale mais aussi faire évoluer la médecine en général avec des traitements applicables sur Terre.

      Deux autres enjeux découlent directement des objectifs précédents. L'enjeu technologique et donc industriel, doublé d'un enjeu pour la science formelle. D'une part, les contraintes de sécurité impliquées par la présence de l'Homme dans l'espace apportent progrès et inventions technologiques transposables ensuite à l'aviation, aux modes de propulsion, au domaine médical (ex : électronique, télécommunications, miniaturisation) etc... Cela représente un enjeu hégémonique car mettant en jeu des intérêts économiques immenses. D'autre part, l'exploration spatiale apporte un gain de rigueur exceptionnel pour la science en général car les travaux spatiaux nécessitent une qualité exceptionnelle de la démarche et du protocole expérimental.

      Pour finir, on peut remarquer que l'entreprise spatiale a été la première coopération d'hommes non interchangeables, tous nécessaires et dévoués à une même cause : ce projet rassemble dans un but pacifique énormément de nations (avec l'ISS, la station orbitale internationale), ce qui est encourageant. De plus, cela a permis de développer le génie collectif s'opposant au génie individuel qui avait été jusqu'ici le principal moteur des découvertes.



2. Les effets neurophysiologiques de la pesanteur sur les êtres humains

      Tout d'abord, on peut voir rapidement les effets directement décelables par le spationaute : il se sent constamment immobile, fait des erreurs sur les positions relatives des différentes parties de son corps, ses muscles n'ont plus à se contracter pour entraîner un mouvement, il fait des erreurs d'appréciation sur la force à fournir et enfin a des illusions d'orientation (auto-inversion).

      Le stress est en fait une composante commune à tous ces phénomènes ; c'est une réponse de l'organisme aux facteurs extérieurs d'agressions physiologiques et psychologiques, ainsi qu'aux émotions qui nécessitent une adaptation.

      Quels sont donc les effets de l'apesanteur? Certes, les nombreux vols habités réalisés et notamment les vols de plus de trois cents jours (Moussa Manarov et Vladimir Titov en 1988) montrent que les astronautes conservent des capacités motrices et psychiques compatibles avec la poursuite des activités de la vie courante et la réalisation de programmes scientifiques ou techniques souvent complexes; cependant l'apesanteur provoque d'importantes modifications physiologiques qui se manifestent essentiellement au niveau des appareils cardio-vasculaire, vestibulaire et locomoteur, c'est-à-dire au niveau des trois systèmes dont les activités au sol sont étroitement soumises à l'influence de la pesanteur.

Sur l'appareil cardio-vasculaire

      En position verticale, la masse sanguine tend à s'accumuler vers les positions basses du corps, provoquant une chute passagère de la tension artérielle dans la région sus-diaphragmatique du corps. La stimulation de zones sensibles dites barorécepteurs, situées dans les parois de l'aorte et de la carotide interne, provoque alors une série de réflexes: vasoconstriction au niveau des membres inférieurs, accélération du rythme cardiaque, qui permettent le maintien d'une répartition homogène de la masse sanguine. Dans l'espace, la disparition de l'attraction gravitationnelle va se traduire par une redistribution de cette masse sanguine, un demi à deux litres de sang abandonnant les parties inférieures du corps pour s'accumuler au niveau des régions céphalique, cervicale et thoracique. Au niveau du cœur, les oreillettes se dilatent. Leur paroi comporte des volorécepteurs, c'est-à-dire des zones sensibles au changement du volume sanguin; les volorécepteurs "interprètent" ce phénomène comme une surcharge sanguine et entraînent, selon le réflexe de Henry-Gauer, une brutale diminution de la sécrétion post-hypophysaire de l'hormone antidiurétique. Une accentuation de l'élimination urinaire en résulte; associée à une diminution de la soif, elle provoque une perte liquidienne qui persistera pendant toute la durée du vol. Par ailleurs, si de nouvelles réactions hormonales traduisent secondairement l'adaptation du système cardio-vasculaire et neuroendocrinien à l'apesanteur, si les techniques d'exploration utilisées chez les astronautes ne permettent pas de déceler de modifications importantes du rythme cardiaque, de la tension artérielle ou de l'électrocardiogramme, il n'en reste pas moins que l'appareil cardio-vasculaire fonctionne dans des conditions anormales pendant toute la durée du vol spatial: le débit cardiaque et la rigidité des parois du système vasculaire périphérique sont augmentés, comme l'a montré l'expérience Échographie qui a permis la mesure transcutanée du débit carotidien par ultrasons (échographie Doppler). En outre, les réactions vasculaires au changement de position corporelle ne peuvent se produire. Cela explique les petits troubles, vertiges, tendances syncopales, caractéristiques d'un déconditionnement cardio-vasculaire qui apparaît et persiste pendant les premiers jours après le retour sur Terre des astronautes.

Sur l'appareil vestibulaire

      L'appareil vestibulaire règle notre équilibre et participe au maintien de notre posture. Il partage ce rôle avec l'appareil de la vision et l'appareil de la proprioception; des informations venues de l'oreille interne, de l'œil et de récepteurs cutanés, musculaires et articulaires, sont ainsi transmises aux centres cérébraux et cérébelleux. La partie de l'appareil vestibulaire sensible à la pesanteur est l'appareil otolitique situé au niveau de l'utricule et du saccule. Ces deux vésicules de l'oreille interne sont tapissées par un épithélium cilié surmonté d'une membrane, la membrane otolitique. De petits cristaux de carbonate de calcium ou otolithes s'appuient sur cette membrane; ils se déplacent sous l'influence de la pesanteur lors des mouvements de la tête ou à l'occasion d'accélérations linéaires, provoquant l'inclinaison ou mieux le cisaillement des cils des cellules sensorielles. Stimulées, ces cellules sont le point de départ d'influx nerveux qui renseignent l'organisme sur ses déplacements et sa position par rapport à la verticale, vecteur référentiel fourni par la pesanteur.

      En apesanteur, la pression sur certaines terminaisons nerveuses, comme les terminaisons plantaires ou certaines terminaisons articulaires, disparaît; il en est de même du poids des otolithes. Ces derniers peuvent encore se mouvoir lors des déplacements de l'astronaute, mais les influx créés normalement sous l'influence de la pesanteur n'apparaissent plus. Inversement, la vision persiste. Les centres nerveux reçoivent, dans ces conditions, de nouvelles informations, non conformes aux programmes préétablis, innés ou progressivement acquis depuis la naissance. Cette situation conflictuelle explique les sensations de déséquilibre ou de flottement ressenties par les astronautes et, plus encore, l'apparition du mal des voyages qui frappe environ un tiers des astronautes, malgré une sélection soigneuse et un entraînement sévère dans les mois précédant le lancement. Ces troubles vestibulaires sont cependant éphémères, ce qui témoigne des capacités d'adaptation de l'appareil de l'équilibre à l'apesanteur.


Sur l'appareil locomoteur

      Notre squelette, colonne vertébrale, os de la ceinture pelvienne et des membres inférieurs, supporte le poids de notre corps. Le déplacement des objets sur Terre demande un travail musculaire. On conçoit dès lors que l'absence de pesanteur puisse entraîner de profonds changements:       On observe ainsi un effet inverse à celui de l'entraînement sur Terre. La pratique quotidienne d'exercices physiques associés à un régime riche en calcium peut diminuer l'importance de ces modifications; cependant, une mobilisation du calcium osseux persiste lors des vols spatiaux. Ainsi, on peut craindre, à long terme, l'apparition de fractures spontanées ou de calcifications hétérotopiques (en dehors des pièces osseuses) qui pourraient aboutir notamment à la formation de calculs rénaux.

      Les effets de l'apesanteur ne se limitent pas aux trois appareils déjà cités.
      Sur le plan sanguin, on a pu noter une réduction du nombre des hématies (globules rouges), associée à de fréquentes anomalies de la forme de ces cellules. Sur le plan immunologique, il semble que l'on assiste à un accroissement des processus de défense immunitaire, comme l'a montré le test de transformation lymphoblastique réalisé après vol, à partir de rats embarqués à bord de Cosmos-782.

      Sur le plan psychologique, le confinement créé par les vols de longue durée pourrait être à l'origine de situations conflictuelles, de troubles du comportement. Les séjours en apesanteur sont en fait bien supportés et l'on s'efforce de respecter le plus possible le rythme habituel de vie et de sommeil.

      Sur ce dernier point, d'importantes variations individuelles ont été observées: si le sommeil reste normal chez certains astronautes, pour d'autres, au contraire, il est perturbé et demande l'emploi de somnifères.





II. LA TECHNIQUE

Parmi toutes les pathologies, liées à la microgravité, nous nous sommes intéressés au problème du mouvement.

1. Réussir une action en microgravité

Lorsqu'il vit sur Terre, l'homme reçoit des informations sensorielles qui le renseignent en permanence sur sa posture, l'effort musculaire qu'il fournit, ses mouvements….. Ces informations sont capitales car elles permettent de connaître la position du corps et d'apprécier justement les forces à mettre en jeux pour bouger, deux paramètres dont la connaissance et l'exactitude déterminent la précision d'un mouvement.

Évaluer les forces, apprécier son propre poids

      Pour exercer une force sur un objet, un individu doit prendre en compte son propre poids. En gravité, les muscles devront développer une force supérieur si le mouvement est dirigé vers le haut et une force inférieur si le mouvement est dirigé vers le bas. Pour ce faire, le cerveau doit posséder une représentation interne du poids de chaque partie du corps qu'il met en mouvement. Actuellement , la théorie la plus acceptée suggère que le cerveau mesure ce poids à partir de la force musculaire qu'il oppose à la gravité.

      En microgravité, les corps n'ont plus de poids, et pourtant tout se passe comme si le cerveau avait l'illusion que son corps a toujours un poids. Il va donc agir comme si une force attirait tout vers le bas, alors que l'espace-temps y est pratiquement uniforme et que la notion de haut et de bas sont purement conventionnels dans une station spatiale ou une navette (le " bas " est peint en couleur sombre). Cela perturbe la précision et la facilité d'exécution des mouvements.


Connaître sa posture

      Sur Terre, les interactions entre la proprioception et la vision (coordination visuo-motrice) sont déterminantes dans la connaissance de la posture. Il s'agit là d'une coordination entre différents organes perceptifs. D'une part les yeux fournissent les informations visuelles au cerveau. Il sont très efficace et les informations qu'ils envoient sont fiables. Le principal problème de la vision, c'est qu'elle est directionnelle, autrement dit, les yeux ne voient qu'une petite partie de l'espace et généralement ils ne voient pas le corps ou alors qu'une petite partie du corps. D'autre part les mécano-récepteurs permettent la proprioception. Il en existe principalement de 3 types :       Cependant , lors d'un séjour en microgravité, le signal proprioceptif est affaibli et subit des perturbations. Rapidement, les interactions entre la vision et la proprioception cessent au profit du seul système visuel. Pour connaître sa posture il faut alors regarder son corps…




2. Redonner un poids au corps

      Puisque le cerveau à l'illusion d'avoir un poids, nous avons pensé rétablir une force axiale afin que le poids perçu par le cerveau ait une réalité physique.

      Cette force axiale a dans les expériences déjà effectuées pris deux formes :       On peut coupler les tendeurs avec des semelles magnétiques afin que les spationautes aient l'impression d'être à tirés par un bas ou un planché conventionnellement choisis. Mais nous avons pensé que pouvoir se déplacer un trois dimensions constituait un avantage plutôt qu'un inconvénient. Nous cherchons à simuler la pesanteur mais rien ne nous empêche de conserver les avantages de l'apesanteur.



3. Communiquer au corps sa posture réelle

Afin de pallier à la défaillance du système proprioceptif en microgravité, nous avons pensé le renforcer d'une part dans son intensité mais surtout dans ça précision. Pour ce faire, nous avons pensé à un dispositif permettant de repérer la posture exacte du corps puis la retransmettre au cerveau. Ce dispositif se compose d'une combinaison de capteurs (pour repérer la posture) et de microvibreurs permettant de transmettre un message de type proprioceptif.

Un œil interne artificiel

      La combinaison de capteurs a été imaginée sur le modèle des gants qui permettent à l'heure actuelle des simulations. Ces gants, une fois enfilés, indiquent à un ordinateur la position exacte de la main à tout instant. La forme de la main apparaît alors sur un écran. Nous n'avons pas approfondis nos recherches dans ce domaine car cette technologie est déjà utilisée.

      L'EEG représente l'état moyen d'un grand nombre de neurones, ces mêmes états électriques étant captés par une macro-électrode.
      Nous pouvons appliquer ce principe à une combinaison couvrant l'ensemble du corps ou au moins les parties nécessaires à la connaissance de la posture. Les informations sont ensuite recueillies par un ordinateur…..


Créer un message proprioceptif

      Pour communiquer au corps sa posture réelle, nous utiliserons la technique des microvibreurs.

      Cette technique est aujourd'hui utilisée dans des expériences comme générateur de " leurres proprioceptifs ". Ainsi, on parvient à générer des illusions de mouvement et de posture en faisant vibrer les muscles d'une personne. Il y a bien sur des conditions expérimentales à respecter :       Nous n'avons pas à nous soucier du fait que les astronautes utilisant le simulateur de pesanteur verront leur corps et bougeront car nous ne cherchons pas à créer une illusion posturale mais, au contraire à communiquer au corps sa posture réelle.

      Les terminaisons nerveuses primaires et secondaires des fuseaux neuro-musculaires, responsables de la proprioception, sont sensibles au étirements répétés et de faible amplitude des muscles. Dans ces conditions, ils émettent un message nerveux de même fréquence que les étirements des muscles.

      Les terminaisons primaires sont sensibles à des vibrations d'amplitude de l'ordre du micron et réagissent à des fréquences allant de 80 à 120 Hertz et les terminaisons secondaires sont sensibles à des vibrations d'amplitudes plus importantes (de quelque microns à quelques dizaines de microns) et réagissent à des fréquences allant de quelques hertz à quelques dizaines de hertz.

      Les diverses expériences réalisées avec des microvibreurs ont permis de déterminer un code entre le signal vibratoire et la sensation posturale perçue :       Afin que le dispositif soit efficace , il faut répartir des microvibreurs sur l'ensemble des points stratégiques du corps (masse musculaire, cou etc….). Les fréquences auxquelles ils vibreront seront directement commandées par l'ordinateur qui reçoit la posture du corps.




4. Utilisation du simulateur

      Notre simulateur de pesanteur pourra s'utiliser de diverses façons. Tout d'abord, le temps d'utilisation pourra varier de quelques minutes par jour - pour effectuer des opérations spécifiques - à quelques heure par jour ou bien en permanence. En fait, le temps d'utilisation variera certainement en fonction de plusieurs paramètres. Ces paramètre sont aussi divers que la gène causée, le gain de dextérité, l'importance et la précision des opérations à effectuer, les sensations corporelles…. Et surtout du rapport entre aspect positif et négatif.

      Lors des sorties en scaphandre on pourra par exemple n'utiliser que les microvibreurs qui pourront donner de l'assurance alors que les tendeurs rendraient le scaphandre plus rigide et serait donc moins maniable. De même, il n'est pas évidant que les tendeurs apportent un meilleur sommeil au astronautes.





III. CONSÉQUENCES COGNITIVES


1. L'adaptation à la microgravité

      L'adaptation à la microgravité qui est notre objectif principal est aussi la première des conséquences de notre technique. Cette adaptation se manifeste par une plus grande dextérité (vitesse, précision) dans les mouvements aussi bien techniques (lors des expériences, missions..) que quotidiens (repas…).

      La conséquence d'une telle adaptation, si elle s'avère efficace, peut-être une diminution du stress des astronautes. D'une part parce que le fait de sentir son corps est essentiel (ne dit on pas se sentir bien dans sa peau ?) et parce que la facilité de réussir une action peut couper court à toute appréhension d'un échec ou d'une gaucherie ; ce n'est pas la moindre des conséquences quand on sait le stress que peut subir un astronaute (exposition aux rayonnements cosmique….). En fait la plupart des astronautes dorment grâce à des somnifères.

      On peut également penser qu'il y aura d'autres conséquences, notamment sur la santé, et tout particulièrement sur l'effet d'entraînement inverse. Si les astronautes ont des muscles stimulés par des tendeurs (ou autres forces) , il est possible que l'atrophie musculaire et la décalcification diminuent ou disparaissent. Il est également possible que la stimulation des voies proprioceptives permette une plus rapide réhabituation à la gravité. Grâce aux tendeurs, on conserve une répartition musculaire posturale semblable à celle qu'on a en gravité. Cela peut accélérer la réhabituation.

      Une diminution de la durée ou de l'intensité des syndromes d'adaptation à la microgravité et de réadaptation est également envisageable.




2. Limites et effets négatifs

      Le principal défaut de notre technique, c'est qu'il s'agit d'un simulateur de pesanteur et non d'une gravité artificielle. La première des limites que cela entraîne est que notre technique ne résout pas le problème de la reproduction en microgravité, qui sera une étape dans la colonisation de l'espace. En effet, si l'on considère que l'étoile la plus proche de notre système solaire est à 4,22 al (années lumières) , il est évident que certains voyages dureront plusieurs générations. Des expériences sur les oiseaux et batraciens ont put montrer l'influence essentielle de la gravité sur le développement. L'absence de gravité à certains stades de développement peut bouleverser le développement des fœtus. De cette façon, on put créer des têtards à deux têtes. Les expériences sur des fœtus humains ne sont aujourd'hui pas envisageables, car le risque de créer des monstres ou des individus non viables est trop important.

      L'efficacité du simulateur dépendra de la complexité du dispositif de tendeurs, mais également de la capacité à communiquer au corps son exacte posture. Aujourd'hui, les illusions proprioceptives que l'on peut communiquer sont complexes (on peut faire croire à quelqu'un qu'il dessine un carré), mais elles restent, quoi qu'il arrive, entachées d'une certaine marge d'erreur.

      Les gênes causées par le port du simulateur seront aussi une limite car elles conditionneront le temps d'utilisation et donc l'efficacité du système.




3. Évolution possible de la technique et de sa mise en œuvre

      Tout d'abord, nous avons prévu de nombreuses évolutions possibles dans la technique en elle-même :       Après avoir évoqué les modifications techniques, on peut se poser la question de l'adaptation du cerveau à la pesanteur, du point de vue de l'estimation des forces. En effet, on a vu que le cerveau discriminait les efforts à composante verticale selon s'ils sont dirigés vers le haut ou vers le bas. Or, en l'état actuel des choses, on ne sait pas si c'est pour lui inné ou acquis : c'est-à-dire si cette distinction est a été programmée génétiquement au fur et à mesure de l'évolution de l'espèce humaine ou si le cerveau acquiert cette capacité avec l'expérience et la stabilisations des processus sensori-moteurs. Car si cela relève de l'acquis, on peut être amené à penser qu'il pourra se réadapter après un certain temps passé en apesanteur et que le système des tendeurs deviendrait alors totalement obsolète. Dans ce cas, on diminuerait alors progressivement la force générée par les tendeurs ou la combinaison jusqu'à l'annuler. Aussi le cerveau pourrait alors s'adapter en douceur pour ne pas provoquer de séquelles.



4. Spéculations

      Notre projet pose bien entendu le problème de la prothétisation de l'Homme. Le spationaute utilisant notre technique de simulation de pesanteur sera prothétiser de façon extrêmement importante et éthiquement, il est clair que cela ne va pas sans poser de problèmes. Aussi les avis sur ce point sont-ils partagés. De toute façon - et c'est regrettable - la Science ne s'embarrasse guère de toutes ces questions : elle agit et réfléchit après aux conséquences de son action.

      A-t-on moralement le droit d'introduire de manière permanente dans le corps des objets artificiels influant directement sur le cerveau ? Il est vrai qu'on le fait déjà mais dans le cadre de réparation chirurgicale ou pour sauver une vie ; mais il s'agit ici de " tromper " le cerveau humain. Un courant de pensée considère le corps de l'Homme comme sa première technique. C'est-à-dire que l'Homme se définirait seulement par son esprit, son âme en termes religieux et que le corps ne serait que secondaire : on a une certaine hiérarchisation. Ainsi, on ne ferait qu'améliorer une technique, le corps, pour adapter l'Homme à la micro-gravité. Aussi notre technique ne poserait pas de problèmes déontologiques.

      On peut aussi se demander s'il est vain de vouloir adapter l'Homme à la micro-gravité alors que la Terre est son milieu naturel. L'histoire de l'Homme est intimement liée à celle de la Terre et il a toujours vécu avec la gravité. L'Homme dans l'espace reste-t-il un Homme ? On peut même considérer de nouvelles mutations génétiques à long terme, créant ainsi une nouvelle espèce d'êtres humains totalement adaptés à la micro-gravité ; nos lointains ancêtres se sont bien adaptés pour leur transition du milieu aquatique au milieu terrestre. Mais on est ici dans le domaine de la spéculation, comme le titre de cette sous-partie l'indique.

      Les problèmes soulevés par l'exploration spatiale et les techniques associées pour permettre l'adaptation de l'Homme sont innombrables et nous ne pouvons pas y répondre à notre niveau.





CONCLUSION


     Notre technique se propose donc de répondre à certains problèmes provoqués par la microgravité mais pas à tous, loin s'en faut. De plus, il est nécessaire de modérer l'effet des techniques utilisées. En effet, les conséquences néfastes de la microgravité sur le corps ont de multiples causes qui s'entremêlent. Aussi nous ne savons pas quel effet aura la suppression d'une des causes si on ne remédie pas à l'autre. On ne peut donc garantir la fiabilité de notre produit.

     L'homme commence à peine à entrevoir les possibilité que lui offre l'infini stellaire….Cependant, maîtriser parfaitement la gravité reste malgré tous les progrès techniques une utopie et n'est peut être pas souhaitable si l'on veut que cela reste du domaine du rêve. S'adapter à la microgravité pourrait conduire l'Homme à d'irréversibles mutations morphologiques et physiologiques, ce qui ne va pas sans poser des problèmes d'éthique. Notre simulateur de pesanteur doit donc être pensé comme une simple interface Homme-microgravité.