Glossaire

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A
Abstraction.

Tout contenu numérique est abstrait selon un modèle formel. On y accède toujours par l'intermédiaire d'un calcul : c'est pourquoi il est possible de dégager des formes d'abstraction a priori d'un contenu, permettant d'accroître les potentialités du calcul.

Cette abstraction permet une séparation contenu/présentation. Ainsi le format de stockage diffère du format de présentation, un calcul permettant de passer du premier au second. L'écriture numérique, sur la base de cette séparation, permet le polymorphisme (ex. le langage XSL-XSLT permet de transformer un contenu XML en HTML pour le web ou en XSL-FO pour l'impression ; ex. l'adaptation des contenus à la taille des écrans), l'approche déclarative (ex. le langage de présentation à balises – HTML, LaTeX –) ; le dessin vectoriel (ex. SVG) ; la publication multimédia (ex. SMIL).

Cette abstraction permet une modélisation du contenu. Celle-ci permet une écriture contrôlée par un modèle (ex. éditeur XML), elle permet de jouer sur la profondeur ou les niveaux de détails de la lecture d'un même contenu numérique (vidéo, texte, carte, etc.), ainsi qu'une dérivation ou expression différentielle d'un autre contenu (ex. exprimer une musique en flux d'images).

Adressabilité

L'adressabilité désigne d'abord le fait que toute unité d'information, tout document électronique a une adresse. Les entités qui composent un document numérique étant indépendantes et distinguables de manière univoque, il est possible de leur attribuer une adresse unique. Cette adresse ouvre la possibilité d'accéder directement n'importe où dans le contenu.

L'adressabilité s'actualise dans la fonction d'indexation qui permet d'associer des métadonnées (par exemple des commentaires dans un traitement de texte) à n'importe quelle partie d'un document numérique, y compris le mot d'un texte ou l'image d'une vidéo.

L'adressabilité du support numérique permet à la fois son hypertextualisation et son intégration dynamique.

Ex. Mashup qui permet de construire un contenu web composite par intégration de morceaux d'autres sites web ;

Ex. Netvibes qui permet de créer un portail donnant accès aux contenus de sites tiers ;

Ex. GoogleMap qui permet d'intégrer des ressources web distantes.

Algorithme

L'algorithme est une suite finie de règles formelles que l'on applique à un nombre fini de données, afin de résoudre des classes de problèmes semblables. L'algorithme est une opération itérative et répétable, qui s'enchaîne selon des règles précises sans place pour l'interprétation. Ex. Chercher un mot dans le dictionnaire, effectuer une addition, trouver le trajet le plus court sur une carte, tels sont des algorithmes.

L'algorithme désigne aujourd'hui un programme informatique (la liste d'instructions commune à tous les calculs d'un même type s'appelle précisément un algorithme, soit une série d'opérations élémentaires retranscrites par un code), mais le programme informatique n'est qu'un exemple d'algorithme. La programmation informatique n'épuise pas la question de l'algorithme, en ce sens que l'on ne programme que ce qui relève déjà du champ de l'algorithme, de l'automatisable ou du calculable. Ex. Dans les services téléphoniques, il est possible de remplacer un opérateur humain par une machine à condition qu'on ait programmé les questions/réponses, c'est-à-dire qu'on ait formalisé le script de la conversation.

Analogique/numérique

L'analogique et le numérique sont deux procédés pour transporter et stocker des données (audios, photos, vidéos...). Après un transport et un stockage en numérique, tout signal (vidéo ou audio) devra revenir à sa forme analogique de départ. Dans le domaine de l'audio et de la vidéo, le numérique ne sert donc qu'au transport, au stockage et au traitement des données. Pour mesurer, évaluer ou capter un phénomène, il est obligatoire de disposer d'une interface analogique.

  • Ex. Un microphone, le dispositif optique d'une caméra, d'un microscope, une unité de radiologie... sont autant de dispositifs analogiques.

  • Ex. Même sur un appareil photo numérique, l'analogique demeure pour capter l'information.

  • Ex. Un signal audio est toujours reconverti de numérique en analogique pour ensuite être amplifié. Nos oreilles ne peuvent pas entendre en numérique !

L'analogique est une technique qui utilise la variation d'une grandeur physique, par exemple la tension électrique ou les variations de pression acoustique, et la reproduit de manière analogue à la source.

Un système analogique convertit les informations en une autre valeur qui varie de façon analogue à la source, alors qu'un système numérique convertit les informations en une liste prédéfinie, échantillonnée, et donc limitée de valeurs. Une grandeur physique, telle qu'un signal électrique ou la hauteur du mercure dans un thermomètre, peut être représentée numériquement, par quantification et échantillonage.

Architexte

L'architexte est une écriture de l'écriture, une écriture des conditions de l'écriture, une mise en forme de celle-ci.

On doit le terme d'architexte à Gérard Genette qui signifiait par là des modèles généraux de production de textes. La notion fut réélaborée par Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier à propos de logiciels informatiques.

« Du banal traitement de texte au logiciel d'écriture multimédia, on ne peut produire un texte à l'écran sans outils d'écriture situés en amont. Ainsi le texte est-il placé en abîme dans une autre structure textuelle, un "architexte", qui le régit et lui permet d'exister. Nous nommons architexte (de arkhè, origine et commandement), les outils qui permettent l'existence de l'écrit d'écran et qui, non contents de représenter la structure du texte, en commandent l'exécution et la réalisation. Autrement dit, le texte naît de l'architexte qui en balise l'écriture.

Structure hybride, héritée tout à la fois de l'informatique, de la logique et de la linguistique, l'architexte est un outil d'ingénierie textuelle qui jette un pont nécessaire entre la technique et les langages symboliques.

Un traitement de texte, qui intègre des outils d'écriture, des polices typographiques, des mises en page automatiques, ou des correcteurs de textes, un navigateur qui structure les modalités d'accès à des ressources documentaires, un "logiciel auteur" multimédia qui gère les rapports de l'image et du texte, les "cookies" qui enregistrent les choix du lecteur pour lui proposer préférentiellement certains textes... autant d'architextes qui régissent les niveaux les plus divers du circuit de l'écrit : rédaction, édition, documentation, lecture... » (Souchier, Jeanneret, Le Marec, 2003, pp. 23-24)

L'espace de mise en forme de l'écriture qu'est un architexte est à la fois technique, sémiotique et social.

B-D
Carte heuristique du numérique

L'étude des fonctions d'écriture à partir des propriétés du numérique est une des voies que nous explorons pour anticiper et éclairer l'usage et la conception des applications informatiques. Pour cela nous avons produit une carte (http://precip.fr/map, réalisée par Stéphane Crozat) qui correspond au niveau 2 de notre modèle dit des 3 niveaux. Cette carte propose 3 sous-niveaux :

  • le niveau 2.1 présente des tropismes, des tendances inhérentes aux propriétés fondamentales du numérique. Ces propriétés ont un caractère tropistique au sens où l'écriture numérique tend vers elles. Si elle ne sont pas nécessairement l'apanage exclusif de l'écriture numérique, si elles existaient sous des formes primitives dans l'écriture non numérique, elles sont considérablement amplifiées et modifiées par celle-ci, comme l'oralité l'a été par l'écriture. Il y a 5 tropismes : Manipulabilité, Abstraction, Adressabilité, Universalité, Clonabilité.

  • le niveau 2.2 instancie ces tropismes en principes, c'est-à-dire en potentiels techniques ouverts pour les applications d'écriture (le champ du possible).

  • le niveau 2.3 décline les principes en fonctions, c'est à dire en modalités effectives d'écriture rendues disponibles par les applications (le champ de l'utile, avéré ou supposé).

Notre méthode est de travailler et de faire travailler les trois niveaux de la carte pour prendre conscience des tropismes de l'écriture et ainsi développer des connaissances méta-scripturales spécifiques au numérique. Cette carte heuristique est indissolublement pratique et théorique, elle nous permet non seulement d'analyser les pratiques d'écriture numérique mais aussi de les apprendre ou de les inventer.

  • Ex. Dans nos modules, il s'agit de faire travailler les apprenants aux trois niveaux de la carte selon le déroulement suivant : l'exposition d'un principe au niveau 2.2 (par exemple le multimédia) ; un travail pratique de manipulation d'une fonction aux niveaux 2.3 et 3 (par exemple l'intersémiotisation travaillé avec le dispositif Webradio) ; la critique de ce travail et la prise de recul aux niveaux 2.1 et 1 (l'universalité propre au numérique reposant sur le principe du codage binaire de toute forme sémiotique). La seconde séquence consiste en un retour au travail pratique pour évaluer et renforcer la réflexivité qu'a dû développer la première séquence.

Clonabilité

La clonabilité d'un document électronique, à la différence de la clonabilité d'un mammifère, est parfaite. La copie d'une information numérique est toujours soit parfaite (si la séquence binaire est identique) soit fausse (si le support présente un défaut physique par exemple, ou qu'un algorithme de copie n'a pas fonctionné). La validité d'une copie peut être vérifiée et, si une copie est bonne, rien ne permet de la distinguer de l'original. La notion même d'original n'a plus de sens autre que chronologique.

Cette clonabilité de l'écriture numérique permet de dupliquer/modifier, déplacer, de conserver la mémoire des étapes d'élaboration d'un document et éventuellement de les synchroniser ensuite (ex. des wikis). Le support numérique permet à un même contenu d'être présent à plusieurs endroits en même temps, il a le don d'ubiquité. On peut ainsi en permettre une diffusion multiple, sans perte et sans coûts, une écriture collaborative.

Discrétisation

On parle de discrétisation car le numérique est fondé sur des unités d'information délimitées et indépendantes.

Il n'y a donc pas de réelle continuité dans un ordinateur (hormis le temps) : une ligne numérique est une suite de points discontinus, discrets, comme lorsqu'on écrit des chiffres ; tandis que vous ne parviendrez pas à isoler ces points sur une ligne tracée sur un papier à l'aide d'un crayon...

Selon Bruno Bachimont, le premier niveau du numérique (niveau théorique) se caractérise par deux principes fondamentaux : la discrétisation et la manipulation.

Dispositif

Un dispositif peut être défini de manière minimale comme une technique de spatialisation du temps ; il détermine, par sa configuration spatiale, un comportement temporel. En règle générale, un dispositif technique est reproductible, planifié, manipulable.

Les dispositifs techniques structurent et sont structurées par les usagers effectuant des stratégies d'appropriation qui sont autant de stratégies de déplacement et de détournement.

Un dispositif peut être également entendu comme un agencement socio-technique ;c'est une machine à faire voir, une machine à faire sens, une machine à faire dire. Le dispositif étant un écheveau de dits et de non-dits (Foucault), il s'oppose à la conception logocentrée de la communication et à la conception langagière de la délibération. Le concept de dispositif accompagne un attachement à la dimension technique des objets concrets matérialisant les processus communicationnels.

Document (numérique)

Un document est une inscription de contenus sur un support pérenne, établie dans un contexte de production et pour un contexte de réception.

Le document est pourvu de deux facettes : c'est un objet technique et c'est un objet culturel

  • Ex. Ce glossaire est un document.

Un document est  pourvu des trois propriétés suivantes : il est délimité dans le temps et dans l'espace, il est intentionnel et il est publié.

Le Web pose des difficultés à la notion de document : la finitude spatio-temporelle est mise à mal avec l'hypertextualisation ; le rythme permanent des mises à jours met à mal celui de publication.

Dans le numérique, c'est le même support qui permet de lire un document et de l'indexer. Ce pourquoi, entre autres, le collectif de recherche dit Roger T. Pédauque parle de la redocumentarisation du monde.

Données/métadonnées

Une métadonnée est une donnée sur un document (par exemple une fiche de bibliothèque). Avec le numérique les métadonnées ne sont pas seulement documentaires, mais aussi machiniques ou automatiques.

Le document et sa fiche sont liés par le même identifiant (par exemple le numéro d'inventaire d'un livre).

Sur internet : application centrale de la notion d'identifiant (ex. uri, code abstrait qui ne renvoie pas nécessairement à un url).

Les méta-données peuvent être détournées.

E
Echantillonage

La qualité du signal numérique dépend de deux facteurs :

  • La fréquence d'échantillonnage (appelé taux d'échantillonnage) : plus celle-ci est grande (ex. plus les échantillons sont relevés à de petits intervalles de temps) plus le signal numérique sera fidèle à l'origine.

  • Le nombre de bits sur lequel on code les valeurs (appelé résolution, quantification) : il s'agit en fait du nombre de valeurs différentes qu'un échantillon peut prendre. Plus celui-ci est grand, meilleure est la qualité.

Ainsi, grâce à la numérisation on peut garantir la qualité d'un signal, ou bien la réduire volontairement pour :

  • Diminuer la taille de stockage.

  • Diminuer le coût de la numérisation.

  • Diminuer les temps de traitement.

  • Tenir compte du nombre de valeurs nécessaires selon l'application.

  • Tenir compte des limitations matérielles.

Un signal numérique n'est pas forcément un signal de qualité.

Ecrits d'écran

L'expression écrits d'écran a été proposée par Emmanuël Souchier (Souchier, 1996).

Il s'agit de considérer l'informatique avant tout comme une pratique d'écriture.

Ecriture

Écrire c'est d'abord inscrire sur un support.

  • En grec, "γράφειν", traduit communément par notre verbe "écrire", signifie plus précisément écorcher, égratigner, tracer des signes, graver.

  • En latin, "scribere" a le même sens, c'est l'action de rayer avec un objet pointu, de tracer, de graver, de creuser avec un poinçon (le "scrupus" est la petite pierre pointue avec laquelle on raye la pierre, le bois ou la cire).

Le terme d'écriture désigne à la fois l'action d'écrire, ce qui est écrit, et le système dans lequel on écrit. Ce système n'est pas seulement symbolique, il est matériel, car l'écriture est technique. Toute écriture, en tant qu'elle est produite, dépend d'un système technique dont la maîtrise est requise et doit être apprise. Un contenu est la forme d'expression interprétable associée à un véhicule matériel ; une inscription est le contenu fixé sur un support ; et un document est l'inscription dans un contexte de production et de réception.

L'écriture dépend de son support (ex. argile, métal, tableau noir, tissu, mur, etc.) ; les différents supports ne définissent pas un même usage de l'écrit. Notre approche de l'écriture (et de la lecture) est issue d'une certaine philosophie qui, pour le dire vite, pense la connaissance à partir de son inscription technique. L'anthropologue Jack Goody qualifiait déjà l'écriture de « technologie intellectuelle », une technologie qui n'est pas seulement un moyen de la parole mais un mode de la pensée. L'écriture, à l'instar de toute technique, est ce qui, en nous plutôt que devant nous, supporte nos actions et nos connaissances.

Ecriture numérique

L'écriture peut être définie comme l'ensemble des moyens que l'homme a trouvé pour rendre sa langue visible (Anne-Marie Christin). Mais l'écriture n'est pas une simple retranscription de la parole. Étudier l'écriture c'est donc étudier les relations entre 1) des supports matériels ou techniques ; 2) des formes symboliques déployés dans l'espace visuel, convoquant le regard du lecteur ; 3) la langue ou la pensée. L'écriture est donc à la fois un objet matériel, une production de modes de pensée, et une médiation entre les hommes.

Nous nommons écriture informatique l'écriture du code et écriture numérique l'écriture au moyen d'un média numérique (cette redondance entre moyen et média se résumant en français sous le nom de "milieu").

  • L'expression « écriture informatique », qui date de la fin des années 1980, pourrait prêter à confusion, car elle renvoie plutôt à une pratique d'écriture du programme (l'activité du programmeur).

  • L'expression « écriture numérique » renvoie quant à elle à une pratique d'écriture avec un programme (ex. elle ne désignerait pas tant l'écriture de l'architexte que l'écriture architextuelle).

    Le terme « informatique » renvoie à la programmation, tandis que le terme « numérique » renvoie plus généralement au codage – binaire – permettant de rendre manipulable des contenus. C'est cet aspect numérisé, binarisé du contenu qui lui donne toutes ses propriétés. L'expression « écriture numérique » nomme, faute de mieux, une écriture sur un support numérique (et donc modifié par lui), une écriture en milieu numérique.

F-H
Flux et stock

Le flux télévisuel se distinguait de l'archive télévisuelle, seule véritablement considérée comme une trace. Désormais, dans le numérique, le flux et le stock tendent à se confondre. Le stock est un agrégateur de flux et le flux un indexateur de stock. La quantité de traces est d'autant plus considérable que chacune d'elles peut être réindexée, redocumentarisée. Les traces n'engagent pas seulement le stock que vous laissez mais aussi le flux que vous parcourez.

Format

Les formes de l'écriture épousent les contraintes matérielles de leurs supports. Le livre ne formate pas de la même manière que le logiciel informatique. Il est plus que jamais évident que nous écrivons toujours dans des formes qui ont été écrites par d'autres.

Il existe une articulation forte entre format technique (tel ou tel logiciel) et forme sémiotique (mise en scène de contenus).

L'analyse techno-sémiotique sur la forme convoque l'analyse politique sur le formatage, ce pourquoi la question du format est une question sémio-politique. Le milieu de l'écriture est à penser dans le jeu du formatage et de la liberté avec ce formatage.

Ex. Le format technique qu'est PowerPoint donne forme à une certaine idée de la communication inventée par le monde commercial, mais qui a ensuite envahi les universités et formaté un nouveau mode d'enseignement.

Hypertexte

L'hypertexte désigne des nœuds d'information reliés par des liens. Les nœuds peuvent contenir du texte, des images, du son, de la vidéo aussi bien que des logiciels ou d'autres formes de données (on parle alors d'hypermedia).

Le Web a été conçu comme un réseau non centralisé d'hypertextes.

Le terme fut inventé en 1965 par Ted Nelson qui désignait par là une écriture non séquentielle, non linéaire.

I
Indexation

Classiquement, un index (comme le doigt de la main) est "ce qui pointe vers". Un index est un élément d'information permettant de gérer des documents dans le cadre de tâches relevant de la recherche d'information. Dans le contexte de l'hypermédiatisation des contenus, on parle plus volontiers de métadonnées.

L'indexation nomme le processus de production d'informations sur un contenu dans le cadre d'une pratique donnée ; elle nomme aussi le résultat de ce processus. En contexte numérique, l'indexation n'est plus seulement une aide à la recherche d'informations, ses usages se diversifient.

En outre, l'indexation peut être manuelle, automatique, ou supervisée (mêlant les deux précédentes).

Ingénierie des connaissances

Si toute connaissance est l'interprétation d'une inscription qui en est l'expression, si toute inscription est matérielle et peut à ce titre faire l'objet d'une ingénierie (physique), alors il doit exister une ingénierie des connaissances qui ne porte pas directement sur les connaissances, mais sur leurs inscriptions matérielles, seules manipulables.

Le numérique confère une cohérence et une unité à l'ingénierie des connaissances :

  • le support numérique est universel et tout contenu peut s'inscrire sur un tel support ;

  • le support numérique est homogène au sens où les contenus inscrits peuvent être soumis à un même système technique.

Inscription (d'un contenu)

Une inscription est un contenu fixé sur un support matériel, tel qu'il lui apporte une existence dans le temps.

  • Ex. Une définition écrite est une inscription.

  • Ex. Un enregistrement magnétique d'une transmission hertzienne d'un flux audiovisuel est une inscription.

Un contenu est une forme d'expression pourvue d'une valeur culturelle, il exprime une signification et suscite une réception et une interprétation.

Interactivité

La manipulabilité du support numérique permet de programmer des interactions avec le lecteur en vue d'adapter sa lecture du contenu. L'interactivité implique la possibilité de manipuler des contenus à la suite d'actions effectuées par le lecteur. Plusieurs notions sont liées à l'interactivité :

  • l'introduction de données, par exemple via le remplissage d'un formulaire.

  • les parcours multiples, qui font qu'un objet interactif suppose qu'il puisse être découvert selon différents scénarios et non pas un seul.

  • la manipulation de médias : un même objet peut être observé de différentes manières : on va à tel endroit de la vidéo, on fait tourner un objet 3D, on zoome sur une image ou un graphe, etc.

L'écriture numérique permet en effet : l'introduction et le traitement de donnés par le lecteur (ex. un questionnaire, par exemple, peut se comporter dynamiquement en fonction des réponses du lecteur : affichage de solutions, questions complémentaires contextuelles aux réponses) ; une pluralité de parcours, soit plusieurs façons de parcourir un contenu (ex. un scénario de lecture peut s'adapter à différents niveaux de lectures et de lecteurs) ; la manipulation de médias (ex. se positionner sur un objet temporel ou zoomer sur une image).

La propriété de la manipulabilité propose une interactivité, qui en termes de fonctions d'écriture peut prendre la forme d'une programmation de parcours multiples (ex. l'utilisateur a le choix entre plusieurs niveaux de lecture, tels un mode débutant ou un mode expert) ou encore la forme d'une introduction de données (ex. l'utilisateur est invité à entrer la réponse à une question, et le contenu est reconfiguré en fonction de la réponse).

Interconnexion

L'interconnexion désigne le fait qu'il soit possible de :

  • identifier des nœuds (adressabilité),

  • établir des liens entre eux (manipulabilité),

  • stocker et faire circuler de l'information (adressabilité, manipulabilité).

L'interconnexion de réseaux, au sens informatique, a comme conséquence :

  • ubiquité

  • accès simultané en lecture

  • écriture collaborative : accès simultané en écriture

  • intertextualité sans limite a priori

  • méta-discursivité (production à l'infini de discours sur les discours)

  • autopublication (pages personnelles, blogs...)

  • édition (revues, journaux en ligne),

  • etc.

Interface

Une interface définit la frontière de communication entre deux entités.

En informatique, on appelle aussi interfaces des dispositifs fournissant un moyen de traduction entre des entités qui n'utilisent pas le même langage, comme entre un être humain et un ordinateur.

Intersémiotisation

La sémiotique est la science générale des signes. Mais les signes dépendent de leurs médias.

On parle d'intersémiotisation lorsqu'une combinaison de signes ou une forme sémiotique s'effectue à l'aide de différents médias – par exemple, lorsqu'un texte sonore et une image visuelle se nourrissent l'un de l'autre.

L'universalité du numérique lui permet de mêler indistinctement, au sein du code binaire (niveau 1), les diverses formes sémiotiques à mobiliser (niveau 3). Cette possibilité facilitée par le numérique est nommée intersémiotisation. L'art du concepteur du modèle est alors de prévoir, au niveau techno-applicatif (niveau 2), des modalités fonctionnelles qui permettent une manipulation sensée, par le lecteur, de ces diverses formes sémiotiques.

L'intersémiotisation est le fait de mettre ensemble des médias de formes différentes afin d'exprimer un contenu en profitant au mieux :

  • de la nature de chaque média : le texte pour l'explication, l'image pour la démonstration, le son pour la sensibilité, l'image animée pour le processus, ...

  • de la combinaison de ces médias : créer des ruptures de rythme, des associations esthétiques, etc.

J-L
Lecture numérique

La lecture n'est pas seulement intellectuelle et mentale, mais gestualisée, elle convoque un « engagement corporel » (Souchier & al 2003).

La lecture est une technique de soi, une écriture de soi, écrivait Foucault (Foucault, “L'écriture de soi,” 1983). Dès le Moyen-âge précoce, la lecture fut comprise comme epimeleia (soin, gouvernement), soit comme discipline, exercice, étude, méditation.

On peut schématiser l'opposition comme suit :

Livre imprimé : norme séquentielle et linéaire, structure habillée typographiquement, fixité de cette forme typographique, unicité et limitation du texte, principe d'un bon parcours de lecture, prééminence de l'auteur.

Ordinateur : norme non séquentielle, hypertextuelle, structure visible et opérable, fluidité et versatilité de la forme, texte en réseau, ouvert et illimité, multiplicité des parcours de lecture, activité et prééminence du lecteur.

Sept activités peuvent caractériser la lecture numérique : la navigation, le marquage, la copie, la prospection, l'annotation, la mémoire et la publication (Giffard, 2009). C'est d'abord l'hypertexte ou l'hyperlien qui a réellement fait exister la lecture numérique : le lecteur devient l'opérateur qui met en œuvre les virtualités du texte numérique, ce pourquoi il y a autant de textes que de versions de lectures. Cependant, le risque est grand de se perdre dans ces liens, et surtout, malgré tous ses mérites, le web est le lieu d'une fausse symétrie : le lecteur lit des textes, voire des hypertextes, sans pouvoir créer ses propres parcours. La lecture numérique est actuellement plus propice à lecture d'information plutôt qu'à la lecture d'étude. Ce qui distingue la seconde de la première n'est pas tant son activité ou son intensité, que sa finalité : la lecture d'étude est une culture de soi. La grande différence entre l'espace de la lecture classique et celui de la lecture numérique est l'absence presque totale du rôle direct d'une puissance publique dans l'institution du lecteur. De cette absence résulte le risque d'une lecture sans savoir-lire, une lecture-consommation, une lecture qui a perdu son sens originel de legere (ramasser, recueillir, parcourir, relier).

Ex. La lecture est devenue une industrie. Google est, par exemple, une industrie de lecture, un marché « double-sided » : échange d'informations sur les lectures contre des informations sur les lecteurs, échange d'informations sur les lecteurs contre de la publicité. Le web, réseau de textes, est aussi un réseau de lecture, c'est une technologie de lecture : utiliser un moteur, c'est simuler l'activité d'un bibliothécaire ; personnaliser son navigateur, c'est imiter le journaliste devant son dossier de presse ; stocker des centaines de textes sur son disque dur, c'est simuler le travail du documentaliste, etc. Le risque est que le lecteur mette en œuvre des traitements automatisés correspondant à des compétences de lecture qu'il ne possède plus. L'objectif de produire une technologie de lecture n'a pourtant jamais été sérieusement poursuivi par les industries de l'information, ce qui conduit à cette situation étrange d'une pratique technique sans technologie, ou une technologie par défaut.

Littératie

Le mot "littératie" est l'anglicisme de literacy et l'antonyme d'illettrisme et signifie, au-delà de l'alphabétisme, la capacité de mobiliser l'écriture pour accomplir ses objectifs, l'aptitude à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie courante. À côté des compétences traditionnelles lire/écrire/compter, l'"apprendre à apprendre" développe des compétences nouvelles : problématiser, chercher, évaluer, utiliser et produire de l'information.

De même qu'on peut savoir déchiffrer un alphabet (être alphabétisé) sans comprendre un texte (être lettré), de même, on peut être un alphabète du numérique, sans être un lettré du numérique. Pour le projet PRECIP, notre question première fut bien celle-ci : comment faire émerger une littératie numérique, au-delà de l'alphabétisation classiquement prise en charge par les formations traditionnelles à l'utilisation des outils ?

Littératie restreinte. Nous empruntons le concept de littératie restreinte à Jack Goody (2007), qui désigne par là l'état relatif à une écriture restreinte, notamment lorsqu'elle en est à ses débuts, que le système n'est pas totalement exploité. Nous l'appliquons à notre stade précoce d'écriture numérique, et nous parlons donc de littératie numérique restreinte. La littératie numérique que nous appelons de nos vœux, mobilisant des enjeux intellectuels mais aussi de pouvoir, n'est pas seulement pédagogique, au sens étroit, mais aussi politique, au sens large. « Media-literate » ne signifie pas seulement un savoir-faire mais aussi un savoir-vivre.

La littératie ne présuppose pas seulement une compétence scripturale, mais aussi une compétence méta-scripturale, c'est-à-dire une connaissance des spécificités de l'écrit (Dabène). Dès lors, il ne s'agit pas seulement de former aux outils (bureautique, graphisme, multimédia, etc.) mais aussi et surtout aux connaissances « méta » qui rendent possible cette écriture. Il s'agit de travailler à leur mobilisation en situation d'écriture.

Ex. Nous avons observé des étudiants ne pas savoir gérer un copier-coller de texte d'une application à une autre dont le résultat était illisible. Ils ne détiennent en effet pas les connaissances qui leur permettraient de comprendre que même si le numérique permet techniquement une duplication parfaite, l'encodage de l'information varie selon les applications. Le texte qu'ils lisent n'est pas celui stocké en mémoire et par conséquent, si une application ne gère par la conversion, le résultat sera illisible. Cette connaissance leur permettrait de poser le problème et donc de mettre en place des stratégies efficaces.

Ex. Prendre conscience des choix éditoriaux liés à la présentation de soi au sein d'un réseau, qui sont par exemple inscrits dans le formulaire de saisie du profil de Facebook, devrait conduire à mettre en place une stratégie d'écriture plus réfléchie notamment dans le choix des informations renseignées et/ou publiées.

Après l'acception première centrée sur l'usage documentaire (library literacy ou library instruction), les termes computer literacy, technology literacy, visual literacy, media literacy ou bien encore digital literacy furent également utilisés.

  • Compétence dans l'utilisation des bibliothèques: (Library Literacy) : capacité d'utiliser des bibliothèques et de savoir se servir de ses prestations.

  • Compétence en informatique (Computer Literacy) : capacité de se servir de la technologie de l'informatique et d'utiliser, par exemple, l'ordinateur et ses logiciels comme un outil.

  • Compétence numérique (Digital Literacy) : capacité de pouvoir comprendre et d'appliquer des informations présentées dans différents formats avec des ordinateurs.

  • Compétence de l'internet (Internet Literacy) : capacité d'utiliser l'internet et de connaître ses concepts essentiels ainsi que son fonctionnement.

  • Compétences des médias (Media Literacy) : capacité d'utiliser les médias et de s'en servir de manière efficace en fonction des objectifs et besoins personnels.

Littérature numérique

Parmi les œuvres numériques figurent les créations de littérature numérique.

La création littéraire avec et pour l'ordinateur existe depuis plus d'un demi-siècle. Cette littérature s'inscrit dans des lignes généalogiques connues : écriture combinatoire et écriture à contraintes, écriture fragmentaire, écriture sonore et visuelle. Qu'il s'agisse de fictions hypertextuelles, de poèmes animés, d’œuvres faisant appel à la génération automatique de textes ou encore d’œuvres participatives, la création littéraire numérique est actuellement florissante, notamment en ligne (Bouchardon, 2014).

Réf : Bouchardon, S. (2014). La valeur heuristique de la littérature numérique, Hermann, collection « Cultures numériques », Paris.

Logiciel libre

"L'expression « Logiciel libre » fait référence à la liberté pour les utilisateurs d'exécuter, de copier, de distribuer, d'étudier, de modifier et d'améliorer le logiciel. Plus précisément, cela signifie que les utilisateurs ont les quatre libertés essentielles suivantes :

  1. La liberté d'exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0).

  2. La liberté d'étudier le fonctionnement du programme, et de l'adapter à ses besoins (liberté 1). Pour ceci l'accès au code source est une condition requise.

  3. La liberté de redistribuer des copies, donc d'aider son voisin (liberté 2).

  4. La liberté d'améliorer le programme et de publier ses améliorations, pour en faire profiter toute la communauté (liberté 3). Pour ceci l'accès au code source est une condition requise."

Source : Free Software Fundation et GNU operating System, Définition d'un logiciel libre, http://www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html (consulté le 21/04/2011).

M
Manipulabilité.

Le numérique a automatisé et formalisé la manipulation. Les pièces du Lego sont devenus des blocs d'information.

La manipulabilité est une propriété fondamentale des technologies numériques. Elle nomme le calcul opéré sur des unités discrètes (la manipulation suppose la discrétisation). L'essence du numérique est celui de tout calcul : ne consister qu'en une pure manipulation de symboles. Entre le monde dit réel et le monde dit virtuel (ce que vous voyez sur votre écran), il y a toujours l'intermédiaire d'un codage arbitraire et d'un calcul qui ne veut rien dire. Cette médiation est une autre manière de dire, à la manière de Bruno Bachimont, que le numérique « ça a été manipulé ».

Dans notre modèle des 3 niveaux du numérique, la manipulabité théorique du numérique (niveau 1) se retrouve au niveau 2 (le programme ou le logiciel d'écriture et de lecture) et au niveau 3 (le document lu) sous la forme de manipulations effectives.

Métadonnées

Littéralement, les métadonnées sont des données sur les données, mais il est plus exact de les considérer comme des informations rendant des données exploitables pour un système. Les métadonnées sont des données permettant à un système de manipuler d'autres données. Ce sont des données de contrôle qui paramètrent et prescrivent l'exploitation d'autres données.

Une métadonnée n'est pas un descripteur du contenu.

Ex. La cote bibliographique d'un ouvrage, permettant à un système (en l'occurrence composé d'une bibliothèque et de bibliothécaires) de manipuler les ouvrages : les ranger à leur place, les retrouver en fonction des demandes.

L'informatisation croissante des processus de traitement d'information implique que l'acception du terme de « métadonnée » est le plus souvent réservé aux systèmes informatiques.

Microblog

Le microblog ou service de microblogging est un service web qui permet de publier des messages très courts de façon publique ou à destination d'une communauté. Exemples : Tumblr, Twitter, Identi.ca...

Modularité

"Tout comme une fractale possède la même structure à des échelles différentes, un objet néomédiatique possède la même structure modulaire de part en part. La représentation des éléments médiatiques (images, sons, formes ou comportements) est disposée en échantillons discontinus (pixels, polygones, caractères, scripts). [...]. Bref, un objet néomédiatique est constitué de parties indépendantes, chacune comportant des parties autonomes plus petites et ainsi de suite, jusqu'au niveau des "atomes" les plus petits : pixels, points 3D ou polices de caractère d'un texte" (Manovich, Le Langage des nouveaux médias, p. 103-104)

Ex. Dans un film multimédia toutes les "parties" sont indépendantes mais de même nature.

Multimédia

Le multimédia n'est pas tant un nouveau média qu'un nouveau rapport entre les médias. Le terme multimédia tend à devenir le simple synonyme de numérique. Il renvoie pourtant plus précisément à la manipulation conjointe de textes, images et sons sur un même support. C'est donc un concept spécifique qui suppose l'association de médias discrets et continus, synchronisés et liés, diffusables sur un support numérique (Roxin & Mercier, 2004). Se pose alors la question d'une écriture multimédia et de ses spécificités.

Paradoxalement, le multimédia qu'est le numérique ne nous est accessible qu'à travers notre unimédia qu'est notre écran. Entre l'unimédia et le multimédia, il y a des « signes passeurs » (barre d'outils, mots hypertextualisés, etc.) qui ne résument pas à un « clic », car ils sont des actes de « lecture-écriture » à part entière (cf. Souchier, Jeanneret, Le Marec, 2003).

N
Niveau 1. Niveau théorético-idéal

Dans le "modèle des 3 niveaux" que nous avons élaboré, ce premier niveau est celui du numérique comme combinatoire aveugle de signes privés de sens, en l’occurrence des unités discrètes codées en binaire (les 0 et les 1). Ces unités vont ainsi pouvoir être manipulées selon des règles formelles indépendamment de toute sémantique. Le niveau théorético-idéal correspond donc au fait que tout contenu, dès lors qu'il est numérisé, peut être réduit à un code calculable, manipulable, dont la signification éventuelle est arbitraire. Tout algorithme de manipulation peut lui être appliqué y compris pour effectuer des opérations n'ayant aucun sens.

Le niveau 1 est donc un espace sans limite de représentations et de manipulations, c'est le niveau des machines de Turing abstraites. Il ne peut donc être exploité effectivement qu'à travers des concrétisations qui permettront d'avoir prise sur le code, par exemple sous la forme de lettres ou de nombres.

Niveau 2. Niveau techno-applicatif

Le deuxième niveau est un formatage technique du premier niveau, c'est le niveau de l'informaticien ou de la manifestation. Le code binaire est transformé par les calculs opérés sur lui en vue d'obtenir des contenus (textes, sons, images, etc.) et des fonctionnalités manipulables (applications logicielles). Il introduit donc une sémantique au sens où les applications offrent des fonctionnalités qui, d'emblée, proposent, voire imposent des choix quant à la manière de manipuler le matériau numérique (contenus) et d'interagir avec lui. Il s'agit de mobiliser le numérique sur des contenus via des formats ; le format correspond à la structuration sous forme calculable ou manipulable du contenu, il spécialise et concrétise l'idéalité du numérique en un espace de manipulation possible défini sur des unités élémentaires fixées par lui.

Niveau 3. Niveau sémio-rhétorique

C'est le niveau de l'interaction. Au-delà du contenu manifesté via des formats de codage, le numérique permet d'interagir avec le contenu et les fonctions du système qui le contiennent. À ce stade, on trouve des schémas d'interaction, des fonctionnalités proposées à l'interaction qui structurent la pratique de l'utilisateur, qui "programment" son usage. De la même manière que l'on a une combinatoire induite par le codage, on a une combinatoire des fonctions d'interaction. Cependant, les pratiques effectives et l'usage détournent ou du moins altèrent ces fonctions prévues à l'avance.

Numérique

Le numérique correspond avant tout à une réalité théorique et technique : il renvoie au codage - binaire - permettant de rendre manipulable des contenus. C'est cet aspect binarisé du contenu qui rend celui-ci transférable sur différents supports et sous différentes formes sémiotiques (texte linguistique, image, son, vidéo).

D'un point de vue théorique, le numérique repose sur deux propriétés fondamentales que sont la discrétisation et la manipulation (Bachimont, 2007). Le numérique se caractérise ainsi par le fait de manipuler un système d'unités discrètes (c'est-à-dire discontinues, séparées, distinctes) indépendantes les unes des autres par des règles formelles de type algorithmique. Des possibles, en termes de manipulation, s'ouvrent alors, notamment lorsque le numérique s'appuie sur la programmation informatique.

Bien sûr, le numérique désigne à présent une réalité à la fois technique et culturelle (Doueihi, 2008). Comme objet manipulable, le numérique renvoie à une constitution technique et fait l'objet de pratiques scientifiques et techniques. Comme contenu, le numérique prend une valeur sémantique, juridique, économique... Il est important de considérer dans leur articulation et leur interdépendance actuelles les aspects techniques et culturels du numérique.

O-P
Oeuvres numériques

Pour explorer les possibles de l'écriture multimédia, une piste intéressante consiste à s'intéresser aux créations numériques littéraires et artistiques. Il existe en effet depuis plusieurs décennies des œuvres numériques conçues pour être lues et agies avec un ordinateur.

Elles peuvent jouer un rôle de révélateur de tensions entre les différents niveaux que nous avons distingués : elles provoquent et rendent observables ces tensions (Bouchardon, 2011). Notre approche conceptuelle permet dès lors d'éclairer ces pratiques de création et la façon dont les auteurs et les artistes numériques inventent et expérimentent des possibles.

Paratexte

Le paratexte est un texte de présentation d'une œuvre.

Gérard Genette, qui a créé la notion, distingue d'une part :

  • le paratexte éditorial (couverture, page de titre, commentaire en quatrième de couverture, etc.) ;

  • le paratexte auctorial (dédicace, épigraphe, préface, etc.).

Programmation (histoire)

Pour faire l'histoire de la programmation, on se tourne généralement vers les métiers à tisser et leurs cartes perforées (qui programment le tissage de tel ou tel motif, comme les cartons perforés d'un orgue de Barbarie programment telle ou telle mélodie). Ces cartes nous conduisent de la machine de Joseph Marie Jacquard (1801) à celle d'Herman Hollerith (1884) : la première est une machine à tisser brevetée au service de l'industrie, tandis que la seconde est une machine à traiter de l'information au service de l'État (recensement de la population américaine). La machine d'Hollerith est à l'origine de la Tabulating Machine Corporation (1896), qu'on connaît depuis sous le nom d'International Business Machine (1924). Entre Jacquard et Hollerith, il y a Charles Babbage et sa machine analytique (1833), calculateur mécanique programmable fonctionnant à la vapeur ; cette machine était composée d'un moulin (unité de calcul), d'un magasin (mémoire), et d'un dispositif de contrôle, le tout utilisant des cartes perforées (cartes opérations, cartes de variables ou bien cartes de nombres). Ada Lovelace créa une série de programmes (suite de cartes perforées) pour cette machine. La description complète de cette machine fut publiée par Lovelace dans un article de 1842 où elle disait : "la machine analytique tissera des motifs algébriques comme les métiers de Jacquard tissent des fleurs et des feuilles". Ce qu'aujourd'hui nous appelons « programme informatique » n'est finalement qu'un « patron de calcul » analogue à ceux de la machine analytique de Babbage. Le patron de calcul ou la liste d'instructions commune à tous les calculs d'un même type s'appelle précisément un algorithme.

L'histoire de la programmation se prolonge au XXe siècle avec l'histoire des mathématiques (d'Hilbert à Turing). Désormais, il est possible de :

1) rapporter l'activité mathématique à la manipulation calculatoire de symboles (traces écrites) ;

2) comprendre cette manipulation symbolique comme un calcul arithmétique ;

3) confier cette opération de manipulation symbolique à une machine.

Tout ceci présuppose la formalisation, puis l'arithmétisation, puis la matérialisation du raisonnement.

La révolution numérique est née de ce constat : toute manipulation de symboles, considérée syntaxiquement, se ramène à une exécution mécanique d'un algorithme que l'on peut confier à une machine.

Protocole

Quand un relais de courrier électronique transmet un message à un autre relais, il suit une procédure standardisée. L'émetteur s'identifie, puis il transmet l'adresse de l'expéditeur, celle du destinataire, le contenu du message, et enfin il signale la fin de la transmission. À chaque étape, le récepteur répond “OK” ou “Erreur” pour garantir la fiabilité de la communication.

Chaque application utilise des protocoles adaptés : HTTP pour le web, HTTPS pour les transactions sécurisées, WAP pour la connexion de téléphones portables à Internet...

Les réseaux sans fil ou la lecture de badges sans contact nécessitent des protocoles particuliers : il faut identifier l'interlocuteur avec lequel on veut dialoguer, parmi tous ceux qui émettent en même temps dans le voisinage.

C'est ainsi que l'art de la conversation ne cesse de se raffiner chez les ordinateurs...

Dans un réseau “ad hoc”, des ordinateurs communiquent entre eux sans passer par une infrastructure fixe. Chaque participant joue le rôle de relais pour les communications des autres. Des protocoles complexes permettent à chaque paquet de données de trouver un chemin de proche en proche jusqu'à son destinataire.

Internet résulte de la connexion du réseau Arpanet au réseau CSNET (Computer Sciences Network) qui est un réseau d'ordinateurs universitaires reliés entre eux.

Il mobilise deux protocoles :

Le protocole IP (Internet Protocol) qui :

  • utilise des adresses numériques, appelées adresses IP,

  • adresses composées de quatre nombres entiers compris chacun entre 0 et 255 et notées sous la forme xxx.xxx.xxx.xxx, exemple : 212.85.150.134.

une adresse IP unique pour :

  • chaque ordinateur du réseau,

  • chaque site Internet , qui peut être convertie en nom de domaine.

L'attribution des adresses IP publiques relève de l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers). Tout envoi de données (navigation sur le web, messagerie, téléphonie par Internet, etc.) comporte l'adresse IP de l'expéditeur ainsi que celle du destinataire,

Lors de la consultation d'un site, le serveur de ce dernier enregistre dans un fichier la date, l'heure et l'adresse IP de l'ordinateur à partir duquel la consultation a été effectuée.

Cependant l'adresse IP ne permet pas, dans la plupart des cas, d'identifier l'internaute.

animation CFSSI IP

Le protocole TCP (Transmission Control Protocol) de niveau supérieur qui permet :

  • de remettre en ordre les paquets en provenance du protocole IP,

  • de vérifier le flot de données afin d'éviter une saturation du réseau,

  • de formater les données en segments de longueur variable afin de les "remettre" au protocole IP,

  • de multiplexer les données, c'est-à-dire de faire circuler simultanément des informations provenant de sources (applications par exemple) distinctes sur une même ligne

  • l'initialisation et la fin d'une communication.

Q-S
Raison graphique / Raison computationelle

Dans la lignée de la raison graphique mise en évidence par Jack Goody (1979), Bruno Bachimont (2000) a posé l'existence d'une raison computationnelle.

  • Selon Goody, l'invention de l'écriture, et ces possibilités nouvelles d'inscription, ont permis de nouveaux modes de représentation et donc de nouvelles connaissances. Ex. la liste ou le tableau permettent de donner à voir ce que la parole ne permet pas, les formules mathématiques permettent de comprendre ce que la parole ne permet pas.

  • Selon Bachimont, le passage au support numérique est une reconfiguration du système technique de production et de manipulation des connaissances qui influe sur la nature même des connaissance. Le passage de l'écriture graphique à l'écriture informatique est un changement de raison : on ne projette plus sur un espace, on déroule un algorithme dans le temps, à toute vitesse. A la liste correspond le programme, au tableau correspond le réseau, au support correspond les couches.

Le numérique entraîne un mode spécifique de pensée, qui ne remplace pas les autres, mais les reconfigure.

Réseau

Logiquement, un réseau est composé :

• de nœuds : les unités du réseau qui vont être reliées (un ordinateur, un sous-réseau, ...),

• de liens : les connexions entre deux nœuds du réseau ( fibre optique, une liaison radio, une connexion ADSL... )

Un réseau numérique diffère d'un réseau analogique ( le téléphone par exemple) en tant que l'information est stockée dans les nœuds alors que dans l'autre elle ne fait que circuler.

Il faut alors que cette information stockée puisse être redistribuée.

On appelle routeur nœud un ordinateur dédié capable de stocker un message en attendant que le lien sur lequel il doit être retransmis se libère.

Le premier réseau qui a utilisé les routeurs est Arpanet, l'ancêtre d'Internet.

De plus, pour que les routeurs puissent réellement redistribuer les informations, il faut qu'ils soient programmés de la même manière ; on a besoin d'un langage commun pour qu'ils se comprennent.

C'est ce qu'on appelle un protocole, une sorte d'algorithme à l'échelle du réseau, qui gère :

• le codage des messages que s'échangent les routeurs,

• les algorithmes à appliquer lors de l'envoi et de la réception de tel ou tel message.

Synchrone/asynchrone

La synchronie désigne le fait que deux événements se jouent en même temps.

Exemples de technologies pour la communication synchrone : le tableau noir, le téléphone, la visioconférence.

A l'inverse deux événements sont dits asyncrhones lorsqu'ils ne se déroulent pas en même temps. On parle aussi de diachronie.

Ex. La télévision est asynchrone lorsqu'elle diffuse un vieux reportage, elle est synchrone lorsqu'elle est diffuse un match de foot en direct.

Lorsque deux milliards d'individus regardent un match en même temps, il y a alors synchronisation des consciences sur un seul et même objet temporel.

Derrière la synchronie spectaculaire (le rêve du direct), il y a toujours une médiation technique (et donc une diachronie).

T
Théorie du support

La théorie du support est sujet à une approche historique, une approche anthropologique, une approche philosophique. Cette dernière a été développée par Bruno Bachimont : "La théorie du support s'articule autour de la thèse centrale suivante : les propriétés du substrat matériel d'inscription ainsi que le format physique de l'inscription, conditionnent l'intelligibilité de l'inscription" (Bruno Bachimont, 2010, pp. 122).

La théorie du support suppose au minimum de comprendre la dimension technique de l'écriture ; elle suppose une certaine approche de l'écriture non dérivable de l'oralité, non logo-centrée. Notre connaissance n'est pas le fruit d'une spéculation mentale indépendante du monde matériel, mais procède directement de notre milieu technique : le type matériel du support d'inscription et les propriétés de transformation et manipulation qui le caractérisent sont corrélés à un type particulier de rationalité et de manière de penser. Selon cette théorie, toute technologie procède à la fois des sciences de la nature et des sciences de la culture.

Traçabilité

La traçabilité est une propriété de certains dispositifs numériques qui permet d'enregistrer les différentes interactions réalisées sur un contenu en les datant et en localisant leur source. Elle est, selon les choix de conception, plus ou moins à l'initiative de l'utilisateur, plus ou moins automatisée. La traçabilité suppose l'adressabilité de l'information et son indexation.

Avec le numérique, il est impossible de ne laisser aucune trace. Toutes les données relatives à une personne, même celles qui paraissent privées, comme l'historique de navigation, sont traçables. Toutes les informations déposées sur les profils, les posts, les traces de navigation constituent vos traces numériques. Un bon technicien du web est susceptible non seulement de vous suivre à la trace, mais de rendre visibles de vieilles traces que l'on pensait effacées. Toute activité sur les réseaux est enregistrée et va alimenter des bases de données. Nous sommes dans une économie de services dont nos données sont la monnaie.

Le problème de l'accès aux traces concerne aussi bien Google qu'Hadopi.

Il existe des techniques pour effacer ses traces ou éviter d'en produire, mais elles sont peu utilisées.

L'utilisateur peut faire un usage intéressant de ses propres traces, pour son propre apprentissage, mais cela suppose qu'il développe sa réflexivité technique.

Transformation

L'inscription sur le support numérique étant par définition manipulable (1), il est possible de transformer un contenu en un autre contenu, pour en obtenir une autre expression ou lui attribuer des propriétés différentes.

Il y a différents types de transformation (2) :

  • Traitement automatique (3). L'écriture numérique propose d'effectuer automatiquement des modifications sur un contenu.

    • La fonction "remplacer par" permet de substituer une locution par une autre

    • Les logiciels de traitements de son ou d'image permettent d'appliquer des algorithmes de traitement de ces contenus (suppression de bruit de fond pour un son, de flou pour une image, ajout de transition entre deux images pour une vidéo, etc.)

  • Génération automatique (3). L'écriture numérique propose de créer des contenus automatiquement à partie de contenus préalablement existants ou non.

    • Synthèse d'une version courte d'un texte à partir d'un texte original.

    • Extraction d'une image à partir d'une vidéo, d'une icône à partir d'une image

    • Génération d'une représentation graphique à partir d'un son

    • Synthèse vocale à partir d'un texte

  • Raffinement progressif (3). L'écriture numérique propose de modifier manuellement un contenu "brut" pour parvenir progressivement à un contenu "finalisé".

    • Un processus rédactionnel "délinéarisé", au sens où les étapes de production n'ont plus à être réalisées dans un ordre donné (planification, rédaction, révision) : l'écrit est en permanence modifiable tant au niveau du contenu (suppressions, ajouts, déplacements,...) qu'à celui de sa mise en forme.

    • La construction progressive d'une carte conceptuelle

Trois niveaux du numérique (modèle des)

Le numérique comme tel (calculabilité et combinatoire) prend une existence matérielle via l'implémentation et une consistance pratique via la manifestation d'un contenu sous une forme sémiotique perceptible et via l'interaction qu'il permet (Bachimont).

  1. Le niveau théorético-idéal se caractérise par deux principes : discrétisation et manipulation. Ce niveau est celui des machines logiques ou abstraites (machine de Turing). On libère le potentiel calculatoire d'un contenu symbolique au prix d'une coupure radicale avec le sens.

  2. Le niveau techno-applicatif mobilise le codage numérique sur des contenus via des formats et les fonctions qui leurs sont associées.

    Les formats sont des restrictions apportées à l'universalité du numérique pour proposer des fonctionnalités : ouvrir certains possibles tout en en fermant d'autres. Le format correspond à la structuration d'un contenu sous forme calculable ou manipulable, il spécialise et concrétise l'idéalité du numérique en un espace de manipulation possible défini sur des unités élémentaires fixées par lui.

    Ce niveau introduit une sémantique au sens où les applications logicielles offrent des fonctionnalités qui, d'emblée, proposent ou imposent des choix quant à la manière de manipuler le matériau numérique (contenus) et d'interagir avec lui. Cependant, nous ne sommes pas au niveau interprétatif définissant a posteriori les signes et leur sens, mais à un formatage a priori qui prescrit des unités et leur manipulation formelle.

  3. Le niveau sémio-rhétorique est celui où le contenu numérique fait sens pour un utilisateur : les manipulations rendues possibles, les parcours interprétatifs induits, etc.

Chaque niveau a sa tension propre :

  • Le niveau 1 connaît la tension entre le format formel idéal et le substrat physique sous-jacent, c'est la tension de l'implémentation.

  • Le niveau 2 connaît la tension entre le format de codage et la forme d'interprétation, c'est la tension de la manifestation.

  • Le niveau 3 connaît la tension entre les fonctions du système et la pratique d'usage, c'est la tension de l'interaction.

U-Z
Ubimédia. Internet des objets.

Chaque objet présent sur la terre pourrait disposer d'une adresse internet. Beaucoup deviendraient ainsi "communicants" et échangeraient des informations au travers de l'internet. Echanges entres objets, échanges avec leur propriétaire... ou nouvel outil de traçage et surveillance ?

Les RFID (Radio Frequency Identification) sont au cœur de la construction actuelle de l'internet des objets.

« L’internet des objets est un réseau de réseaux qui permet, via des systèmes d'identification électronique normalisés et unifiés, et des dispositifs mobiles sans fil, d'identifier directement et sans ambiguïté des entités numériques et des objets physiques et ainsi de pouvoir récupérer, stocker, transférer et traiter, sans discontinuité entre les mondes physiques et virtuels, les données s'y rattachant » (Définition de l'internet des objets par Vox Internet).

Universalité

Le binaire n'ayant aucun sens a priori, toute forme sémiotique peut être encodée moyennant un format adapté. Le support numérique est alors un média universel permettant de supporter tout type de contenu (texte, image, son, vidéo). On peut classer les formes sémiotiques en spatiale (texte, image), temporelle (son) et spatio-temporelle (vidéo).

L'universalité du numérique permet entre autres de :

  • composer un contenu à partir de plusieurs formes sémiotiques différentes (on parle alors de multimédia).

  • associer plusieurs formes sémiotiques pour renforcer un discours. On parle d'intersémiotisation (ex. MMS).

  • intégrer des métadonnées au contenu, afin de l'identifier (ex. indexation à partir du Dublin Core ; ex. les applications bureautiques extraient le titre du document pour en faire une métadonnée), de la dater, de le géo-localiser.

  • ajouter du paratexte au contenu. On parle alors de méta-discursivité. L'écriture numérique peut prévoir des espaces de commentaires ou d'annotations.

Web de données

« Free raw data » s'exclamait Tim Berners-Lee lors de la conférence TED en janvier 2009. Le message est passé, depuis le Président Obama qui impulse la création d'un site de données publiques dataz.gov jusqu'aux scientifiques qui travaillent à publier les lots de données issus de leurs expériences.

Le web des données rencontre l'internet des objets, dans lequel un nombre de plus en plus important d'appareils sont connectés à l'internet et inonde celui-ci de données, notamment de géolocalisation, de traces d'usage, d'identification.

De la distinction entre données et documents on peut induire des réflexions sur le statut des données, leur ré-utilisation, les catégories spécifiques des producteurs et des utilisateurs des données.

Web sémantique

Ce logiciel débusque les pages contenant les mots “Hôtel” et “Périgord”. Mais seulement celles-là ! Il ignorera celles contenant “Pension” et “Périgueux”, tout en vous proposant le site de l'Hôtel du Périgord... à Strasbourg.

Les chercheurs conçoivent actuellement le “web sémantique” pour résoudre ce problème : chaque mot est associé à différents concepts, eux-mêmes liés entre eux. Un moteur de recherche basé sur ce principe associe pensions et hôtels, et il sait que, quel que soit son nom, un hôtel strasbourgeois n'est pas dans le Périgord !

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