Qu'est-ce que le numérique ?

Glossaire

A-C
Algorithme

L'algorithme est une suite finie de règles formelles que l'on applique à un nombre fini de données, afin de résoudre des classes de problèmes semblables. L'algorithme est une opération itérative et répétable, qui s'enchaînent selon des règles précises sans place pour l'interprétation. Ex. Chercher un mot dans le dictionnaire, effectuer une addition, trouver le trajet le plus court sur une carte, tels sont des algorithmes.

L'algorithme désigne aujourd'hui un programme informatique (la liste d'instructions commune à tous les calculs d'un même type s'appelle précisément un algorithme, soit une série d'opérations élémentaires retranscrites par un code), mais le programme informatique n'est qu'un exemple d'algorithme. La programmation informatique n'épuise pas la question de l'algorithme, en ce sens que l'on ne programme que ce qui relève déjà du champ de l'algorithme, de l'automatisable ou du calculable. Ex. Dans les services téléphoniques, il est possible de remplacer un opérateur humain par une machine à condition qu'on ait programmé les questions/réponses, c'est-à-dire qu'on ait formalisé le script de la conversation.

Analogique/numérique

L'analogique et le numérique sont deux procédés pour transporter et stocker des données (audios, photos, vidéos...). Après un transport et un stockage en numérique tout signal (vidéo ou audio) devra revenir à sa forme analogique de départ. Dans le domaine de l'audio et de la vidéo, le numérique ne sert donc qu'au transport, au stockage et au traitement des données. Pour mesurer, évaluer ou capter un phénomène, il est obligatoire de disposer d'une interface analogique.

  • Ex. Un microphone, le dispositif optique d'une caméra, d'un microscope, une unité de radiologie... sont autant de dispositifs analogiques.

  • Ex. Même sur un appareil photo numérique, l'analogique demeure pour capter l'information.

  • Ex. Un signal audio est toujours reconverti de numérique en analogique pour ensuite être amplifié. Nos oreilles ne peuvent pas entendre en numérique !

L'analogique est une technique qui utilise la variation d'une grandeur physique, par exemple la tension électrique ou les variations de pression acoustique, et la reproduit de la manière analogue à la source.

Un système analogique convertit les informations en une autre valeur qui varie de façon analogue à la source, alors qu'un système numérique convertit les informations en une liste prédéfinie, échantillonnée, et donc limitée de valeurs. Une grandeur physique, telle qu'un signal électrique ou la hauteur du mercure dans un thermomètre, peut être représenté numériquement, par quantification et échantillonage.

Carte heuristique du numérique

L'étude des fonctions d'écriture à partir des propriétés du numérique est une des voies que nous explorons pour anticiper et éclairer l'usage et la conception des applications informatiques. Pour cela nous avons produit une carte à trois niveaux (http://precip.fr/map, Stéphane Crozat ; cette carte correspond au niveau 2 de notre modèle dit des 3 niveaux).

  • le niveau 2.1 présente des tropismes, des tendances inhérentes aux propriétés fondamentales du numérique. Ces propriétés ont un caractère tropistique au sens où l'écriture numérique tend vers elles. Si elle ne sont pas nécessairement l'apanage exclusif de l'écriture numérique, si elles existaient sous des formes primitives dans l'écriture non numérique, elles sont considérablement amplifiées et modifiées par celle-ci, comme l'oralité l'a été par l'écriture. Il y a 5 tropismes : Manipulabilité, Abstraction, Adressabilité, Universalité, Clonabilité.

  • le niveau 2.2 instancie ces tropismes en principes, c'est-à-dire en potentiels techniques ouverts pour les applications d'écriture (le champ du possible).

  • le niveau 2.3 décline les principes en fonctions, c'est à dire en modalités effectives d'écriture rendues disponibles par les applications (le champ de l'utile, avéré ou supposé).

Notre méthode est de travailler et de faire travailler les trois niveaux de la carte pour prendre conscience des tropismes de l'écriture et ainsi développer des connaissances méta-scripturales spécifiques au numérique. Cette carte heuristique est indissolublement pratique et théorique, elle nous permet non seulement d'analyser les pratiques d'écriture numérique mais aussi de les apprendre ou de les inventer.

  • Ex. Dans nos modules, il s'agit de faire travailler les apprenants aux trois niveaux de la carte selon le déroulement suivant : l'exposition d'un principe au niveau 2.2 (par exemple le multimédia) ; un travail pratique de manipulation d'une fonction aux niveaux 2.3 et 3 (par exemple l'intersémiotisation travaillé avec le dispositif Webradio) ; la critique de ce travail et la prise de recul aux niveaux 2.1 et 1 (l'universalité propre au numérique reposant sur le principe du codage binaire de toute forme sémiotique). La seconde séquence consiste en un retour au travail pratique pour évaluer et renforcer la réflexivité qu'a dû développer la première séquence.

D-E
Discrétisation

On parle de discrétisation car le numérique est fondé sur des unités d'information délimitées et indépendantes.

Il n'y a donc pas de réelle continuité dans un ordinateur (hormis le temps) : une ligne numérique est une suite de points discontinus, discrets, comme lorsqu'on écrit des chiffres ; tandis que vous ne parviendrez pas à isoler ces points sur une ligne tracée sur un papier à l'aide d'un crayon...

Selon Bruno Bachimont, le premier niveau du numérique (niveau théorique) se caractérise par deux principes fondamentaux : la discrétisation et la manipulation.

Document (numérique)

Un document est une inscription de contenus sur un support pérenne, établie dans un contexte de production et pour un contexte de réception.

Le document est pourvu de deux facettes : c'est un objet technique et c'est un objet culturel

  • Ex. Ce glossaire est un document.

Un document est  pourvu des trois propriétés suivantes : il est délimité dans le temps et dans l'espace, il est intentionnel et il est publié.

Le Web pose des difficultés à la notion de document : la finitude spatio-temporelle est mise à mal avec l'hypertextualisation ; le rythme permanent des mises à jours met à mal celui de publication.

Dans le numérique, c'est le même support qui permet de lire un document et de l'indexer. Ce pourquoi, entre autres, le collectif de recherche dit Roger T. Pédauque parle de la redocumentarisation du monde.

Ecriture

Écrire c'est d'abord inscrire sur un support.

  • En grec, "γράφειν", traduit communément par notre verbe "écrire", signifie plus précisément écorcher, égratigner, tracer des signes, graver.

  • En latin, "scribere" a le même sens, c'est l'action de rayer avec un objet pointu, de tracer, de graver, de creuser avec un poinçon (le "scrupus" est la petite pierre pointue avec laquelle on raye la pierre, le bois ou la cire).

Le terme d'écriture désigne à la fois l'action d'écrire, ce qui est écrit, et le système dans lequel on écrit. Ce système n'est pas seulement symbolique, il est matériel, car l'écriture est technique. Toute écriture, en tant qu'elle est produite, dépend d'un système technique dont la maîtrise est requise et doit être apprise. Un contenu est la forme d'expression interprétable associée à un véhicule matériel ; une inscription est le contenu fixé sur un support ; et un document est l'inscription dans un contexte de production et de réception.

L'écriture dépend de son support (ex. argile, métal, tableau noir, tissu, mur, etc.) ; les différents supports ne définissent pas un même usage de l'écrit. Notre approche de l'écriture (et de la lecture) est issue d'une certaine philosophie qui, pour le dire vite, pense la connaissance à partir de son inscription technique. L'anthropologue Jack Goody qualifiait déjà l'écriture de « technologie intellectuelle », une technologie qui n'est pas seulement un moyen de la parole mais un mode de la pensée. L'écriture, à l'instar de toute technique, est ce qui, en nous plutôt que devant nous, supporte nos actions et nos connaissances.

Ecriture numérique

L'écriture peut être définie comme l'ensemble des moyens que l'homme a trouvé pour rendre sa langue visible (Anne-Marie Christin). Mais l'écriture n'est pas une simple retranscription de la parole. Étudier l'écriture c'est donc étudier les relations entre 1) des supports matériels ou techniques ; 2) des formes symboliques déployés dans l'espace visuel, convoquant le regard du lecteur ; 3) la langue ou la pensée. L'écriture est donc à la fois un objet matériel, une production de modes de pensée, et une médiation entre les hommes.

Nous nommons écriture informatique l'écriture du code et écriture numérique l'écriture au moyen d'un média numérique (cette redondance entre moyen et média se résumant en français sous le nom de "milieu").

  • L'expression « écriture informatique », qui date de la fin des années 1980, pourrait prêter à confusion, car elle renvoie plutôt à une pratique d'écriture du programme (l'activité du programmeur).

  • L'expression « écriture numérique » renvoie quant à elle à une pratique d'écriture avec un programme (ex. elle ne désignerait pas tant l'écriture de l'architexte que l'écriture architextuelle).

    Le terme « informatique » renvoie à la programmation, tandis que le terme « numérique » renvoie plus généralement au codage – binaire – permettant de rendre manipulable des contenus. C'est cet aspect numérisé, binarisé du contenu qui lui donne toutes ses propriétés. L'expression « écriture numérique » nomme, faute de mieux, une écriture sur un support numérique (et donc modifié par lui), une écriture en milieu numérique.

F-M
Ingénierie des connaissances

Si toute connaissance est l'interprétation d'une inscription qui en est l'expression, si toute inscription est matérielle et peut à ce titre faire l'objet d'une ingénierie (physique), alors il doit exister une ingénierie des connaissances qui ne porte pas directement sur les connaissances, mais sur leurs inscriptions matérielles, seules manipulables.

Le numérique confère une cohérence et une unité à l'ingénierie des connaissances :

  • le support numérique est universel et tout contenu peut s'inscrire sur un tel support ;

  • le support numérique est homogène au sens où les contenus inscrits peuvent être soumis à un même système technique.

Inscription (d'un contenu)

Une inscription est un contenu fixé sur un support matériel, tel qu'il lui apporte une existence dans le temps.

  • Ex. Une définition écrite est une inscription.

  • Ex. Un enregistrement magnétique d'une transmission hertzienne d'un flux audiovisuel est une inscription.

Un contenu est une forme d'expression pourvue d'une valeur culturelle, il exprime une signification et suscite une réception et une interprétation.

Manipulabilité.

Le numérique a automatisé et formalisé la manipulation. Les pièces du Lego sont devenus des blocs d'information.

La manipulabilité est une propriété fondamentale des technologies numériques, elle nomme le calcul opéré sur des unités discrètes (la manipulation suppose la discrétisation). L'essence du numérique est celui de tout calcul : ne consister qu'en une pure manipulation de symboles. Entre le monde dit réel et le monde dit virtuel (ce que vous voyez sur votre écran), il y a toujours l'intermédiaire d'un codage arbitraire et d'un calcul qui ne veut rien dire. Cette médiation est une autre manière de dire, à la manière de Bruno Bachimont, que le numérique « ça a été manipulé ».

La manipulabité théorique du numérique se retrouve au niveau 2 (le programme ou le logiciel d'écriture et de lecture) et 3 (le document lu) sous la forme de manipulation effective.

Modularité

"Tout comme une fractale possède la même structure à des échelles différentes, un objet néomédiatique possède la même structure modulaire de part en part. La représentation des éléments médiatiques (images, sons, formes ou comportements) est disposée en échantillons discontinus (pixels, polygones, caractères, scripts). [...]. Bref, un objet néomédiatique est constitué de parties indépendantes, chacune comportant des parties autonomes plus petites et ainsi de suite, jusqu'au niveau des "atomes" les plus petits : pixels, points 3D ou polices de caractère d'un texte" (Manovich, Le Langage des nouveaux médias, p. 103-104)

Ex. Dans un film multimédia toutes les "parties" sont indépendantes mais de même nature.

N-Z
Programmation (histoire)

Pour faire l'histoire de la programmation, on se tourne généralement vers les métiers à tisser et leurs cartes perforées (qui programment le tissage de tel ou tel motif, comme les cartons perforés d'un orgue de Barbarie programment telle ou telle mélodie). Ces cartes nous conduisent de la machine de Joseph Marie Jacquard (1801) à celle d'Herman Hollerith (1884) : la première est une machine à tisser brevetée au service de l'industrie, tandis que la seconde est une machine à traiter de l'information au service de l'État (recensement de la population américaine). La machine d'Hollerith est à l'origine de la Tabulating Machine Corporation (1896), qu'on connaît depuis sous le nom d'International Business Machine (1924). Entre Jacquard et Hollerith, il y a Charles Babbage et sa machine analytique (1833), calculateur mécanique programmable fonctionnant à la vapeur ; cette machine était composée d'un moulin (unité de calcul), d'un magasin (mémoire), et d'un dispositif de contrôle, le tout utilisant des cartes perforées (cartes opérations, cartes de variables ou bien cartes de nombres). Ada Lovelace créa une série de programmes (suite de cartes perforées) pour cette machine. La description complète de cette machine fut publiée par Lovelace dans un article de 1842 où elle disait : "la machine analytique tissera des motifs algébriques comme les métiers de Jacquard tissent des fleurs et des feuilles". Ce qu'aujourd'hui nous appelons « programme informatique » n'est finalement qu'un « patron de calcul » analogue à ceux de la machine analytique de Babbage. Le patron de calcul ou la liste d'instructions commune à tous les calculs d'un même type s'appelle précisément un algorithme.

L'histoire de la programmation se prolonge au XXe siècle avec l'histoire des mathématiques (d'Hilbert à Turing). Désormais, il est possible de :

1) rapporter l'activité mathématique à la manipulation calculatoire de symboles (traces écrites) ;

2) comprendre cette manipulation symbolique comme un calcul arithmétique ;

3) confier cette opération de manipulation symbolique à une machine.

Tout ceci présuppose la formalisation, puis l'arithmétisation, puis la matérialisation du raisonnement.

La révolution numérique est née de ce constat : toute manipulation de symboles, considérée syntaxiquement, se ramène à une exécution mécanique d'un algorithme que l'on peut confier à une machine.

Raison graphique / Raison computationelle

Dans la lignée de la raison graphique mise en évidence par Jack Goody (1979), Bruno Bachimont (2000) a posé l'existence d'une raison computationnelle.

  • Selon Goody, l'invention de l'écriture, et ces possibilités nouvelles d'inscription, ont permis de nouveaux modes de représentation et donc de nouvelles connaissances. Ex. la liste ou le tableau permettent de donner à voir ce que la parole ne permet pas, les formules mathématiques permettent de comprendre ce que la parole ne permet pas.

  • Selon Bachimont, le passage au support numérique est une reconfiguration du système technique de production et de manipulation des connaissances qui influe sur la nature même des connaissance. Le passage de l'écriture graphique à l'écriture informatique est un changement de raison : on ne projette plus sur un espace, on déroule un algorithme dans le temps, à toute vitesse. A la liste correspond le programme, au tableau correspond le réseau, au support correspond les couches.

Le numérique entraîne un mode spécifique de pensée, qui ne remplace pas les autres, mais les reconfigure.

Théorie du support

La théorie du support est sujet à une approche historique, une approche anthropologique, une approche philosophique. Cette dernière a été développée par Bruno Bachimont : "La théorie du support s'articule autour de la thèse centrale suivante : les propriétés du substrat matériel d'inscription ainsi que le format physique de l'inscription, conditionnent l'intelligibilité de l'inscription" (Bruno Bachimont, 2010, pp. 122).

La théorie du support suppose au minimum de comprendre la dimension technique de l'écriture ; elle suppose une certaine approche de l'écriture non dérivable de l'oralité, non logo-centrée. Notre connaissance n'est pas le fruit d'une spéculation mentale indépendante du monde matériel, mais procède directement de notre milieu technique : le type matériel du support d'inscription et les propriétés de transformation et manipulation qui le caractérisent sont corrélés à un type particulier de rationalité et de manière de penser. Selon cette théorie, toute technologie procède à la fois des sciences de la nature et des sciences de la culture.

Trois niveaux du numérique (modèle des)

Le numérique comme tel (calculabilité et combinatoire) prend une existence matérielle via l'implémentation et une consistance pratique via la manifestation d'un contenu sous une forme sémiotique perceptible et via l'interaction qu'il permet (Bachimont).

  1. Le niveau théorético-idéal se caractérise par deux principes : discrétisation et manipulation. Ce niveau est celui des machines logiques ou abstraites (machine de Turing). On libère le potentiel calculatoire d'un contenu symbolique au prix d'une coupure radicale avec le sens.

  2. Le niveau techno-applicatif mobilise le codage numérique sur des contenus via des formats et les fonctions qui leurs sont associées.

    Les formats sont des restrictions apportées à l'universalité du numérique pour proposer des fonctionnalités : ouvrir certains possibles tout en en fermant d'autres. Le format correspond à la structuration d'un contenu sous forme calculable ou manipulable, il spécialise et concrétise l'idéalité du numérique en un espace de manipulation possible défini sur des unités élémentaires fixées par lui.

    Ce niveau introduit une sémantique au sens où les applications logicielles offrent des fonctionnalités qui, d'emblée, proposent ou imposent des choix quant à la manière de manipuler le matériau numérique (contenus) et d'interagir avec lui. Cependant, nous ne sommes pas au niveau interprétatif définissant a posteriori les signes et leur sens, mais à un formatage a priori qui prescrit des unités et leur manipulation formelle.

  3. Le niveau sémio-rhétorique est celui où le contenu numérique fait sens pour un utilisateur : les manipulations rendues possibles, les parcours interprétatifs induits, etc.

Chaque niveau a sa tension propre :

  • Le niveau 1 connaît la tension entre le format formel idéal et le substrat physique sous-jacent, c'est la tension de l'implémentation.

  • Le niveau 2 connaît la tension entre le format de codage et la forme d'interprétation, c'est la tension de la manifestation.

  • Le niveau 3 connaît la tension entre les fonctions du système et la pratique d'usage, c'est la tension de l'interaction.

Wiki

Un wiki est un site web dynamique dont les pages sont modifiables par les visiteurs.

Le wiki désigne donc le milieu numérique de l'écriture collaborative.

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