Partie I: Les structures de lutte contre les Infections Nosocomiales


 
 
 
1 - Situation actuelle et contexte
 
Les infections nosocomiales ou infections acquises à l'hôpital, sont responsables d'une morbidité et d'une mortalité très importante dans les établissements de santé. Selon les différentes études menées en France, 6 à 7 % des patients admis à l'hôpital contractent une infection du fait de leur séjour. Ces infections hospitalières, appelées nosocomiales, du grec nosos, maladie, et komein, soigner, génèrent une morbidité et un surcoût important. Elles affectent aussi bien le malade du fait de son admission à l'hôpital que le personnel hospitalier durant son activité.
L'OMS estime qu'en moyenne 190 millions de personnes sont hospitalisées chaque année dans le monde et que 9 millions d'entre elles contractent une infection hospitalière à cette occasion. Environ un million de patients meurent chaque année de ces infections nosocomiales.
En France, il y aurait tous les ans, 600.000 à 1.100.000 cas d'infections nosocomiales à l'origine d'une mortalité d'environ 10.000 décès par an.
Dans le cadre de la lutte contre ces infections, le Comité Technique national des Infections Nosocomiales (CTIN) et le Ministère de la Santé ont réalisé une enquête nationale, entre le 20 mai et le 21 juin 1996, qui a permis d'estimer la prévalence des infections nosocomiales en France à 7,6 %.

Si le risque d'infection nosocomiale a toujours existé; il s'est accru avec l'évolution des pratiques de soins et du recrutement des patients hospitalisés. Jusqu'aux années 50, les infections hospitalières étaient essentiellement liées à l'acquisition par les patients de germes apportés par l'environnement ou les autres patients. Le développement des pratiques de soins plus efficaces mais plus invasives s'est accompagné d'un risque de contamination "endogène", les patients développant des infections à partir de leurs propres germes à l'occasion de leur séjour à l'hôpital. Par ailleurs, le recrutement des patients hospitalisés se modifie également avec la prise en charge de patients de plus en plus vulnérables à l'infection. Or ces infections ne sont pas une fatalité car elles sont en partie évitables. Leur fréquence peut être diminuée sensiblement et en particulier celle des infections qui se développent sur un mode épidémique.

Une réduction de la fréquence des infections nosocomiales doit devenir un objectif institutionnel pour l'ensemble des établissements de santé dans un but d'amélioration de la qualité des soins. Une réduction de l'ordre de 30% de la fréquence des infections nosocomiales dans l'ensemble des hôpitaux en cinq ans doit ainsi être visée selon les objectifs fixés par le Ministère de la Santé. Ceci implique un investissement humain et financier, mais elle peut inversement permettre de dégager des ressources financières, notamment sur le plan de la consommation des antibiotiques. Ceci implique une prise de conscience de l'ensemble des professionnels hospitaliers et la mise en place d'un véritable plan de lutte propre à chaque établissement hospitalier. Un tel objectif fait partie d'un processus initié en 1988 par la création des Comités de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN).

La mobilisation des professionnels hospitaliers est un préalable indispensable à la mise en place d'un tel plan de lutte. Cette action ne peut être menée sans le soutien actif de toute la communauté hospitalière. Par ailleurs le CLIN doit pouvoir s'appuyer sur une unité opérationnelle en hygiène hospitalière afin de pouvoir exercer une action continue dans l'établissement hospitalier.

La prévention repose sur une vigilance quotidienne dans l'organisation des soins et le respect des bonnes pratiques d'hygiène. Le respect des bonnes pratiques doit être facilité par l'élaboration et la diffusion de recommandations ou de protocoles écrits portant sur les situations les plus fréquentes. Le respect des recommandations doit être évalué régulièrement. Des formations pratiques d'hygiène doivent être mises en place, en particulier pour les médecins et les infirmières, et ceci dès leurs premiers stages à l'hôpital.

La surveillance épidémiologique des infections nosocomiales est un complément indispensable aux efforts de prévention entrepris. Elle doit permettre de fixer des objectifs chiffrés et d'apprécier l'impact des mesures prises sur la fréquence des infections. Elle doit être conçue comme un moyen de contrôler et d'adapter les mesures de lutte et non comme une fin en soi.

L'action du ministère de la santé en matière d'infection nosocomiale s'est traduite jusqu'à présent par :

- Le décret n° 88-657 du 6 mai 1988 relatif à l'institution des comités de lutte contre les infections nosocomiales qui fixait les grandes règles de leur mise en place, de leur rôle et de leur fonctionnement, et dont la circulaire n° 263 du 13 octobre 1988 précisait les modalités d'application.
- La création de structures de coordination nationale et inter-régionales par arrêté du 3 août 1992 : un comité technique national des infections nosocomiales (CTIN), et cinq centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN).
- Une incitation à la création de postes en hygiène hospitalière en 1992 et 1993.
A la suite des forums des présidents de CLIN organisés en 1990 et 1991 et des réflexions du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, il est apparu nécessaire de faire évoluer le dispositif mis en place par le décret et la circulaire de 1988. La présente circulaire s'inscrit dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre les infections nosocomiales présenté le 3 novembre 1994.
 

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2 - Les Infections Nosocomiales

a - Définition: Qu'est ce qu'une infection nosocomiale ?

Une infection nosocomiale peut être directement liée aux soins (par exemple l'infection sur cathéter) ou simplement survenir lors de l'hospitalisation, indépendamment de tout acte médical (par exemple, une grippe qui se transmet d'un visiteur extérieur à un patient hospitalisé). L'infection nosocomiale concerne les patients mais aussi les personnels qui travaillent au contact de malades contagieux. Toutes les infections nosocomiales n'ont pas la même gravité.

Certaines infections nosocomiales peuvent entraîner la mort (certaines infections pulmonaires, certaines septicémies...) Ces infections les plus graves surviennent généralement chez les patients les plus fragilisés ce qui rend difficile la distinction entre la responsabilité de l'infection nosocomiale elle-même et celle de la maladie préexistante.

Exemple :

Un malade souffrant d'une insuffisance respiratoire du fait d'un cancer du poumon évolué sera très sensible à une infection nosocomiale (comme il serait très sensible à une simple "grippe").

La plupart des infections allongent la durée de séjour et entraînent un surcoût lié au traitement antibiotique. Les infections urinaires, qui représentent les plus fréquentes des infections nosocomiales, ne sont quant à elles, pour la plupart, pas très graves, elles augmentent peu la durée de séjour et nécessitent un traitement court.

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b - Les différentes infections nosocomiales :
 
Chaque établissement doit utiliser pour la surveillance épidémiologique, les critères de définition standards des infections nosocomiales publiés en juin 1988 par le Center for Disease Control (Atlanta, Georgie, USA). A ceux-ci, peuvent éventuellement sâajouter dâautres critères en complément de ceux cités ci-dessus, dans le souci de standardisation internationale.
Câest ainsi que 80% des infections nosocomiales les plus fréquentes peuvent être caractérisées de la façon suivante :
 
 


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c - Importance de lâantibiogramme :
 
Parmi les examens de laboratoire effectués quotidiennement, lâantibiogramme revêt un caractère tout particulier en raison de ses implications thérapeutiques immédiates. Câest pourquoi, le choix des antibiotiques à tester nécessite une parfaite connaissance des résistances. Aussi, lâévolution des résistances acquises tant dans leur diffusion parmi les souches que dans lâapparition régulière de nouveaux mécanismes, implique ainsi une fréquente actualisation des connaissances.
En plus de sa fonction immédiate dâorientation thérapeutique, le rôle de lâantibiogramme est également dâobtenir des données épidémiologiques fiables facilitant la réactualisation régulière des spectres antibactériens ; leur parfaite connaissance permet ainsi au clinicien dâutiliser à bon escient un antibiotique dans lâattente des tests in vitro.
Deux intérêts de lâantibiogramme :
Thérapeutique: Mesure de la sensibilité in vitro d'une souche bactérienne pour une efficacité in vivo=> Effet thérapeutique.
Epidémiologique: Lâémergence de nouvelles espèces, le développement de la résistance bactérienne, lâextension des infections nosocomiales => Suivi épidémiologique => Adapter l'antibiothérapie probabiliste, réviser les spectres cliniques des antibiogrammes.

Afin d'adapter l'antibiothérapie probabiliste, de réviser les spectres cliniques des antibiotiques et de prendre certaines décisions sanitaires comme la mise en place de programmes de prévention dans les hôpitaux, il est important de suivre l'évolution des résistances bactériennes. Ce suivi épidémiologique se fait à l'échelle d'un service, d'un établissement de soins, d'une région ou d'un pays.

Pour une information complémentaire, il est possible de consulter le chapitre traitant des mécanismes de résistance bactérienne en annexe 6.

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d - La chaîne épidémiologique (genèse de l'infection nosocomiale) :


Schéma général :

Transmission des maladies: Les germes peuvent se transmettre aux personnes et provoquer des maladies de plusieurs façons, essentiellement par les mains et toutes les sécrétions biologiques.
 
 



 



 

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Chaîne épidémiologique :
 
Les conditions de l'urgence font qu'il est difficile de savoir si les victimes transportées et soignées peuvent être infectées. Ces dernières ne veulent pas toujours signaler leur maladie (SIDA, Hépatite B, ·). Elles peuvent également avoir des germes sans que celles-ci le sachent (ce sont des porteurs sains). Ces victimes peuvent alors contaminer le matériel de secours, la cellule du véhicule sanitaire (ambulance, VSAB, UMH, ...) et les transmettre au patient suivant non contaminé. Les soignants (secouristes, sapeurs pompiers, ambulanciers, infirmiers ou médecins...) peuvent être également contaminés et transmettre ces germes à leur entourage (femme, enfant,...).
Il est donc indispensable d'établir des règles élémentaires d'hygiène simples et adaptées au travail spécifique de l'urgence :
Lavage des mains avant et après la prise en charge d'une victime.
Port de gants à usage unique.
Tenue vestimentaire propre.
Bonne pratique des gestes techniques réduisant le plus possible, compte tenu des conditions d'urgence, le risque infectieux.
Désinfection régulière du véhicule de transport (ambulance, VSAB, UMH,·)
Décontamination du matériel aprè qui travaillent au contact de malades contagieux. Toutes les infections nosocomiales n'ont pas la même gravité.

Certaines infections nosocomiales peuvent entraîner la mort (certaines infections pulmonaires, certaines septicémies...) Ces infections les plus graves surviennent généralement chez les patients les plus fragilisés ce qui rend difficile la distinction entre la responsabilité de l'infection nosocomiale elle-même et celle de omme vecteur principal transmettant les maladies : les mains et les liquides biologiques.

L'apparition d'une infection nosocomiale dépend de nombreux facteurs :
- la présence des germes en milieu hospitalier.
- le mode de passage de ces germes aux malades hospitalisés.
- l'état du malade lui-même, qui le rend plus ou moins réceptif aux infections.
Présence de germes en milieu hospitalier
 
L'hôpital et la clinique abritent de nombreuses sources de germes (agents infectieux tels que les virus et les bactéries) : le patient et le personnel, le matériel et les surfaces, et l'environnement. Le nom des bactéries est fixé suivant « lâInternational Journal of Systematic Bacteriology ». Les principaux organismes responsables d'infections nosocomiales appartiennent à la flore hospitalière composée de la flore des malades et du personnel hospitalier ainsi que des germes de l'environnement existant naturellement sur les sols, les objets, les adductions d'eau, les circuits de climatisation, etc. Ces univers microbiens, par l'échange d'éléments de leur patrimoine génétique constituent un équilibre écologique.

 
Principales bactéries hospitalières responsables dâinfections nosocomiales 
Espèces
Réservoir endogène
Rôle réservoir de
lâenvironnement
Transmission
Staphylocoque aureus
Nasal, cutané,
sites infectés
++
Manuportée rarement 
aéroportée
Pseudomonas
Digestif, cutané, 
sites infectés
++
Manuportée
Entérobactérie
Digestif,
sites infectés
+/-
Manuportée
Candida
Digestif,
sites infectés
-
Rare dâun patient 
à lâautre
Acinetobacter
Cutané, ORL, digestif, sites infectés
+++
Manuportée

En observant la représentation suivante, on constate que les deux germes les plus fréquemment rencontrés dans une infection sont Escherichia coli et Staphylocoque aureus.
 



 


Le patient et le personnel constituent la plus importante source de germes. En effet, car tout être humain est porteur d'un grand nombre de germes, dont certains sont bénéfiques pour la santé (par exemple, les bactéries présentes dans l'intestin aident à la digestion). La nature et la quantité des germes varient selon l'endroit du corps. Ainsi la bouche renferme naturellement de nombreux microbes. Le plus fréquent est le streptocoque qui, à l'état normal, ne provoque aucune maladie. Certains traitements, comme les antibiotiques, peuvent perturber l'équilibre naturel des germes. Certains germes auparavant inoffensifs peuvent alors devenir responsables de maladies. Le matériel de soins et les surfaces peuvent être contaminés par les germes présents sur les mains, dans la bouche, etc.

L'environnement représente aussi une source de germes, mais ceux-ci sont moins fréquemment en cause. L'air, l'eau, l'alimentation contiennent des germes qui ne sont pas dangereux dans les conditions normales mais peuvent provoquer des infections chez les patients fragiles, ou bien lorsque ces germes sont introduits directement à l'intérieur du corps (par exemple lors d'une opération chirurgicale). Dans ces cas particuliers, des précautions sont à prendre (par exemple, filtration de l'air, utilisation d'eau stérile).
 

Modes de contamination
 


 

L'infection peut se propager de manière endogène ou exogène.

Les infections d'origine "endogène" : le malade s'infecte avec ses propres germes, à la faveur d'un acte invasif (c'est-à-dire traversant la peau du patient) et/ou en raison d'une fragilité particulière.

Exemples :

- Un patient sous respiration artificielle peut déclarer une pneumonie, due à un germe provenant de son propre tube digestif , et qui a pu " remonter " jusqu'aux voies respiratoires.
- Un patient porteur d'une sonde urinaire peut déclencher une infection urinaire avec des germes de son propre tube digestif remontés le long de la sonde.
- Une opération de l'intestin grêle ou du côlon, qui contiennent de nombreux germes, peut disséminer ceux-ci lors de l'incision de l'organe et déclencher une infection post-opératoire.
 
Les infections d'origine "endogène":








Les infections d'origine " exogène " (schéma 2) :

Il peut s'agir :

- d'infections croisées, transmises d'un malade à l'autre par les mains ou les instruments de travail du personnel médical ou paramédical (c'est le mode de transmission le plus fréquent parmi les infections d'origine exogène).
- d'infections provoquées par les germes du personnel.
- d'infections liées à la contamination de l'environnement hospitalier (eau, air, matériel, alimentation...).
C'est à ce mode de contamination que s'appliquent les mesures de prévention traditionnelles (hygiène des mains, procédures de désinfection et de stérilisation, sécurité de l'environnement).
 

Les infections d'origine "exogène":

 
Etat du malade et autres facteurs de risques :
Quel que soit son mode de transmission, l'apparition d'une infection nosocomiale est favorisée par la situation médicale du patient :
- Son âge et sa pathologie : les personnes âgées, les immunodéprimés, les nouveaux-nés, en particulier les prématurés, les polytraumatisés et les grands brûlés sont particulièrement réceptifs. C'est pourquoi le risque d'infection encouru par un patient jeune est bien moindre que pour un patient âgé, de surcroît atteint d'insuffisance respiratoire.
- Certains traitements (antibiotiques qui déséquilibrent la flore des patients et sélectionnent les bactéries résistantes ; traitements immunosuppresseurs) ;
- La réalisation d'actes invasifs (tels que la pose d'une perfusion, d'une sonde urinaire, les opérations chirurgicales), nécessaires au traitement du patient. Ces différences de risque doivent être prises en compte lors de l'interprétation des taux d'infections nosocomiales. En effet, paradoxalement les progrès médicaux sont en quelque sorte à l'origine du caractère "inévitable" de certaines infections nosocomiales :
- Les patients accueillis dans les hôpitaux cumulent souvent de nombreux facteurs de risque, les progrès de la médecine permettant à des patients très affaiblis d'être pris en charge dans les hôpitaux (patients de plus en plus âgés, fortement immunodéprimés ou polytraumatisés),
- Les traitements font appel de plus en plus souvent à des actes chirurgicaux ou endoscopiques complexes, à la respiration artificielle, à la pose de cathéter, de sondes urinaires...
Ceci explique que les infections soient plus fréquentes dans les services de réanimation où les patients, déjà fragilisés par leur maladie, sont ventilés, sondés, perfusés, plutôt qu'en médecine interne où les actes invasifs sont moins fréquents et où les patients accueillis sont généralement moins fragiles.
Sur les deux diagrammes suivants, nous avons mis en évidence le pourcentage de patients ayant contractés une infection nosocomiale en fonction de la structure hospitalière et la durée de son séjour.



 


Les centres hospitaliers régionaux qui reçoivent les patients gravement malades, donc plus vulnérables, ont les plus forts taux d'infections nosocomiales. Les hôpitaux psychiatriques viennent, de manière logique, en dernier.

Le risque d'apparition d'une affection nosocomiale est donc plus important dans tous les services recevant des patients âgés, immunodéprimés, nouveaux-nés et prématurés, polytaumatisés, et grands brûlés.

De plus, nous pouvons constater d'après le diagramme précédent de la répartition des patients infectés en fonction de la durée du séjour, qu'il y a un risque d'apparition d'une infection nosocomiale dans le cas des moyens séjours plus important que pour les longs séjours.
 

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3 - Impact économique des infections nosocomiales
 
De nombreuses méthodes ont tenté d'estimer le surcoût généré par les infections nosocomiales.

 

Le coût direct :

Il concerne les frais purement techniques générés par les infections nosocomiales. Il s'agit essentiellement du surcroît de travail du personnel soignant, de la majoration du nombre de prélèvements bactériologiques, de l'augmentation du nombre d'actes diagnostiques et des traitements supplémentaires nécessaires pour juguler l'infection. On y ajoute généralement des coûts post-hospitaliers, que sont les frais de soins médicaux ou paramédicaux ambulatoires, les examens biologiques de contrôles, les frais de la poursuite d'un éventuel traitement ou les frais secondaires à la prise en charge dans un centre de rééducation (orthopédique, respiratoire·)

Actuellement, le surcoût de la prise en charge d'une infection urinaire nosocomiale est estimé à environ 3 000 F, d'une septicémie à 60 000 F et d'une infection sur prothèse de hanche de l'ordre de 200 000 à 300 000 F. En moyenne, le coût direct par infection est de l'ordre de 12 000 F. La présence d'un germe résistant aux antibiotiques majore en moyenne le coût du traitement de 50 % par rapport au traitement d'un germe sensible.

Pour l'année 1997, le coût direct global de la prise en charge des infections nosocomiales en France est estimé à 5 milliards de francs.
 

Infections nosocomiales
Surcoût de la prise en charge
Urinaire
3 000 F
Septicémie
60 000 F
Prothèse de hanche
200 000 à 300 000 F

 
Coût direct moyen / infection
12 000 F
Majoration quand présence dâun germe résistant
50 %
Coût direct global en 1997
5 Milliards de F

Le coût indirect :

Les coûts indirects des infections nosocomiales concernent l'impact social de la prolongation de l'hospitalisation. On y comptabilise ainsi les pertes de journées de travail ou de productivité, la possible nécessité de réparation juridique par le versement de pensions d'invalidité ou la mise en retraite anticipée en raison d'une incapacité de travail. Peuvent être compris dans ce cadre les éventuels frais de prise en charge dans un centre de convalescence. Il sont estimés pour l'année 1997 à environ 15 milliards de francs.
 

Coûts indirects (1997)
15 Milliards de F

Le coût humain :

Le coût humain est encore plus difficilement chiffrable lorsqu'il s'agit de quantifier l'influence de la prolongation de l'hospitalisation ou de l'atteinte corporelle momentanée, partielle ou définitive, sur la qualité de vie du patient et de son entourage. Nous ne connaissons surtout que les répercussions définitives, comprenant souvent des séquelles, exprimées en termes médicaux concernant la "consolidation terminale" d'une pathologie. Les effets sur les plans affectif , familial et socioprofessionnel ne sont pas considérés.

Globalement, l'évolution des patients touchés par une infection nosocomiale est favorable dans 78 % des cas. Statistiquement, ils peuvent garder des séquelles définitives dans 5 % des cas et un décès survient dans 3 à 4 % des cas (1 % par décès direct dû à l'infection et 2 à 3 % en raison de la participation de l'infection à la cause du décès).

Pour l'année 1997, le coût humain annuel des infections nosocomiales en France est estimé à 10 000 décès.
 

Evolution des patients infectés
% de cas
Favorable
78 %
Séquelles temporaires
13 %
Séquelles définitives
4 %
Décès
5 %

 
Les problèmes économiques:
 
Les problèmes économiques de la mise en place des programmes de prévention proviennent du fait que le coût des infections nosocomiales concerne les patients "statistiques".
En effet, la mise en place d'un programme de prévention implique des coûts immédiats en personnel, et en formation, alors que les bénéfices de ce programme sont différés et répartis sur les patients qui ne seront jamais identifiés.
Une approche globale de la gestion des infections nosocomiales comparant du point de vue du financement des hôpitaux, les coûts induits et les coûts évités a été proposé par la fondation "Kaiser Permanente" qui gère un réseau de soins coordonnés. Les auteurs ont estimé le coût des infections pour l'ensemble de leur organisation, avant de proposer un programme de formation continue pour les équipes de réanimation.
Les données de coûts ont été présentées aux responsables hospitaliers pour obtenir des administrations locales les soutiens logistique et financier nécessaires aux programmes préventifs.

Le cas de la résistance bactérienne:

D'une manière générale, le surcoût antibiotique des infections à germes résistants peut-être estimé à partir des consommations antibiotiques liées au traitement de ces germes. Si l'on estime la prévalence actuelle des Staphylocoques aureus résistants à la méticilline, en France à 0,5 % de la population hospitalière, dont environ la moitié serait traitée, le coût annuel des traitements antibiotiques (partant d'un coût moyen du traitement antibiotique de 2500 francs par cas) peut être estimé à environ 30 millions de francs, pour cette seule espèce.

Le surcoût antibiotique des infections à germes résistants peut être estimé à partir des consommations antibiotiques liées aux traitements de ces germes. A l'A.P.H.P., en 1993, le coût de la vancomycine et de la teicoplanine représentaient respectivement 12 MF et 14,7 MF; il est certain que seule une partie de ces coûts peut être imputée au traitement des infections à Staphylocoques résistants, mais on peut estimer que leur traitement représente la moitié de ces coûts, soit de l'ordre de 13 MF. Ce coût vient donc s'ajouter aux coûts par ailleurs induits par la prolongation de durée de séjour et des actes de soins supplémentaires engendrés par le traitement de l'infection.

Les infections à germes résistants entraînent ainsi, outre un coût élevé en termes de santé, un coût économique majeur. Les projections de l'évolution de ces coûts restent cependant difficiles à réaliser car les comportements des prescripteurs anticipent et surestiment la résistance. De ce fait, les prescriptions d'antibiotiques "haut de gamme" habituellement utilisés pour le traitement des infections par des souches multirésistantes sont aussi liées à la diffusion des connaissances sur l'épidémiologie de la résistance. Une meilleure connaissance des facteurs de risque de survenue de ces infections devrait cependant permettre de mieux cibler les prescriptions et de limiter l'importance de ce phénomène.
 

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4 ö Les droits juridiques du malade et responsabilités des acteurs hospitaliers
 
Les bactéries, les virus et les champignons entrent dans la catégorie des res nullius, c'est à dire la catégorie des choses sans propriétaire (choses qui n'ont jamais eu de maître et choses qui n'ont plus de maître, les choses abandonnées (res derelictae)).
Le germe res nullius exclut également qu'on recherche sa provenance pour condamner celui qui en était porteur et dont il s'est séparé. Il relève donc de l'Etat d'aider les victimes de choses ou animaux sans maîtres. Si la chose ou l'animal sans maître a causé un dommage en raison de la faute de quiconque qui a les moyens d'éviter que le risque se réalise, la responsabilité pour faute (délictuelle ou contractuelle selon les cas) de celui-ci pourra être engagée aux fins de réparation du préjudice subi.
Le patient victime, ou ses ayant-droit s'il est décédé, d'une infection nosocomiale peut porter plainte pénalement, en fondant son action sur trois délits :
Le délit d'homicide involontaire, si l'infection a conduit à la mort. (art. 221-6 et 221-7)
Le délit d'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne du patient. (art. 222-19 et 222-21)
Le délit de mise en danger d'autrui. (art. 223-1 et 223-2)
Depuis le 1er mars 1994, la victime peut, dans certains cas, déposer une plainte pénale à l'encontre d'un établissement de santé, public ou privé. Cette responsabilité est prévue à l'article 121-2 du nouveau code pénal. Les plaintes sont reçues par le procureur de la République, qui apprécie les suites à leur donner.
D'une manière générale, l'hôpital porte la responsabilité du préjudice subit en tant que personne morale. Mais cette responsabilité peut être reportée selon les cas:
Jusqu'à aujourd'hui, aucune responsabilité ne s'est reportée sur l'ingénieur biomédical qui reste cependant un décideur hospitalier de plus en plus présent au sein de la stratégie hospitalière. Il est donc probable que ce dernier se retrouve dans un avenir proche au cțur du débat.
Isabelle Lucas-Baloup, avocat à la cours de Paris répond à toutes les questions d'ordre juridique à travers son ouvrage : "infections nosocomiales : 40 questions sur les responsabilités encourues".
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5 - Organisation de la prévention contre les infections nosocomiales


La prévention des infections nosocomiales s'inscrit dans une démarche globale de qualité des soins. La loi du 31 juillet 1991 fait obligation aux établissements de santé publics et privés participant au service public, de développer des politiques d'évaluation de la qualité des soins.
 
 


 




L'établissement devra se fixer des objectifs à atteindre en terme d'actions (prévention, formation, surveillance) et en terme de résultats. Des objectifs chiffrés de diminution des infections nosocomiales seront fixés au sein de l'établissement et par service, en particulier pour les services à taux élevé d'infections.

Les actions seront menées en cohérence avec le projet d'établissement établi en concertation avec les instances qui concourent à sa réalisation et à son suivi (ce projet ayant été étudié par le CLIN en ce qui concerne le risque infectieux). Chaque année, le président du comité de lutte contre les infections nosocomiales préparera un document sur le bilan annuel des activités du comité ainsi que les projets d'actions pour l'année suivante. Ce document sera soumis à la commission médicale d'établissement pour avis, et au conseil d'administration pour information.
 

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a - Le Comité Technique contre les Infections Nosocomiales (CTIN).
 
Le CTIN propose les orientations prioritaires de la lutte contre les infections nosocomiales et élabore des outils méthodologiques destinés aux personnels hospitaliers et en particulier aux CLIN. Il examine chaque année les bilans présentés par les DRASS et les CCLIN. Il rédige un rapport annuel d'activité destiné au ministre chargé de la santé, disponible sur demande.
Une cellule "Infections Nosocomiales" commune à la Direction des Hôpitaux et à la Direction Générale de la Santé, est chargée de coordonner l'ensemble de ce dispositif, de suivre au plan national, avec l'aide du Réseau National de Santé Publique et des CCLIN, l'évolution de la fréquence des infections nosocomiales, et d'élaborer avec l'aide du CTIN et des CCLIN, les recommandations et les textes relatifs à la prévention des infections nosocomiales.

 
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b - Le Centre de Coordination de la Lutte contre les Infections Nosocomiales (C.CLIN).
 
Les CCLIN ont une mission de soutien et d'orientation de l'action des établissements. Notamment, ils peuvent apporter une aide en cas d'épisodes épidémiques, répondre aux besoins de documentation et de formation. Ils organisent des actions de coopération inter-hospitalière en matière de surveillance épidémiologique (réseaux) et de prévention des infections nosocomiales. Ils apportent leur soutien pour la valorisation des données de surveillance des infections nosocomiales de l'inter-région. Ils travaillent avec les DRASS de leur inter-région auxquelles ils transmettent leur rapport d'activité annuel.

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c - Le Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN).
 
La loi du 31 juillet 1991 renforce le rôle des CLIN : structure de dialogue et de propositions, lieu d'élaboration d'une politique concertée d'hygiène et de qualité.

Missions

Dans le cadre des orientations définies au niveau national et inter-régional, le CLIN est responsable de l'organisation, de la prévention et de la surveillance des infections nosocomiales dans l'établissement. Le CLIN doit être soutenu par l'ensemble des professionnels hospitaliers pour la réalisation de sa mission.
En matière de prévention, les actions du CLIN concerneront en particulier :
- l'hygiène de base (lavage des mains, tenue vestimentaire, équipement sanitaire ...)
- la sécurité des actes à haut risque d'infection (sondage urinaire, cathétérisme sanguin, intervention chirurgicale, endoscopie...)
- la sécurité des zones à haut risque d'infection (blocs opératoires, unités de réanimation, salles d'examens complémentaires invasifs...)
- la sécurité des produits à hauts risques d'infection (produits injectables, produits d'alimentation parentérale, eau et alimentation ...)
- les risques liés aux nouvelles techniques médico-chirurgicales.
- les techniques de désinfection et de stérilisation du matériel de soin.
- l'aménagement des locaux et les travaux, pour ce qui est de leurs conséquences en termes de risque infectieux.
Le CLIN veillera à ce que soient élaborés et diffusés des protocoles concernant les bonnes pratiques d'hygiène lors des soins. Le CLIN sera consulté pour tout projet d'aménagement des locaux, d'organisation des circuits, d'acquisition d'équipement ou de matériel, et lors du choix de produits désinfectants ou de nettoyage, dans la mesure où elles peuvent interférer avec le respect des règles d'hygiène, les modalités d'organisation du travail du personnel hospitalier doivent aussi faire l'objet d'une concertation avec le CLIN.
En matière de surveillance, le CLIN veillera à ce que soit mis en place un recueil d'indicateurs pertinents permettant de juger de l'évolution de la fréquence des infections nosocomiales dans l'établissement et donc de 'efficacité des actions entreprises. Il s'appuiera sur les recommandations élaborées par le comité technique national des infections nosocomiales (CTIN) pour la mise en place de ces indicateurs (méthodes de recueil et d'analyse). La surveillance dans les établissements reposera notamment sur :
- une surveillance générale pour l'ensemble des services de l'établissement comportant au minimum l'organisation d'enquêtes de prévalence "un jour donné" et la surveillance des bactéries multi-résistantes, complétées par des indicateurs choisis pour leur pertinence, en fonction du recrutement et de l'activité des services.
- une stratégie spécifique de surveillance dans les services présentant un risque élevé d'infections nosocomiales : incidence des infections nosocomiales en continu sur une période d'au moins trois mois par an pour les services de réanimation, et incidence en continu sur une période d'au moins trois mois par an, des infections des sites opératoires dans les services de chirurgie.
Les résultats de la surveillance seront diffusés auprès des services qui ont participé à cette surveillance selon les modalités qui auront été discutées en concertation avec ces services. Le croisement de données existantes dans l'hôpital (examens de laboratoire, prescription d'antibiotiques, résumés de sortie standardisés...) sera envisagé afin d'optimiser le travail de recueil. La coordination des activités de surveillance sera assurée par le CLIN avec le personnel d'hygiène hospitalière. Les établissements seront encouragés à participer à des réseaux de surveillance coordonnés par les C.CLIN de leur inter-région.
De plus, le CLIN a un rôle primordial en matière de formation initiale et continue des personnels à l'hygiène hospitalière et à la prévention des infections nosocomiales: élaboration de la politique de formation du personnel, contribution à la préparation des plans de formation. Les modalités d'une formation pratique des étudiants des professions médicales et paramédicales avant les premiers stages hospitaliers seront examinées par le CLIN, en particulier dans le cadre du stage infirmier prévu par l'arrêté du 18 mars 1992. Il sera systématiquement consulté lorsque l'hôpital fait appel à des structures extérieures à l'établissement pour la formation du personnel en hygiène hospitalière.
Plus généralement, le CLIN peut se voir confier toute mission concernant les infections nosocomiales par la commission médicale d'établissement ou la direction de l'établissement.

Composition
 
L'ensemble des catégories professionnelles hospitalières concernées devra être représenté dans le CLIN, et participer à ses travaux. En plus de la composition initialement prévue par les textes sus-cités, il est recommandé de faire appel à des membres invités permanents ou occasionnels. En particulier, doivent être mieux représentés au sein du CLIN :
- L'équipe opérationnelle d'hygiène hospitalière ou le personnel d'hygiène hospitalière.
- Les personnes intéressées et motivées et principalement les infirmières (dont le directeur ou la directrice des soins infirmiers), un médecin spécialiste des maladies infectieuses, un ingénieur biomédical, le médecin du travail ...
- Les représentants des services administratifs, chaque fois que cela sera nécessaire (au minimum une fois par an) : services économiques, services techniques, service de la formation continue du personnel ...
- Les responsables des écoles professionnelles relevant de l'établissement, chaque fois que cela sera nécessaire.
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d - L'équipe opérationnelle d'hygiène hospitalière.
 
Constitution et composition
 
Pour la réalisation de ses missions, le CLIN est assisté d'une équipe constituée de personnels médical et paramédical spécialisés en hygiène hospitalière. Selon la taille de l'établissement cette équipe peut être :
- un service ou un département d'hygiène hospitalière.
- une unité fonctionnelle rattachée à un service d'hygiène hospitalière ou à un autre service médical ou à un laboratoire de l'établissement.
- une équipe inter-établissement, dans les établissements de petite taille (moins de 400 lits), il peut s'agir de personnel mis à disposition du CLIN.
Le nombre de personnes constituant l'équipe opérationnelle d'hygiène dépend de la taille et de la nature de l'établissement. Tous les établissements de court, moyen ou long séjour de 400 lits ou plus devraient disposer d'au moins une infirmière hygiéniste à temps plein dans l'hôpital, et tous les établissements de plus de 800 lits devraient disposer d'au moins d'un praticien hospitalier à temps plein. Pour les établissements de plus petite taille, la création d'équipes inter-établissements en particulier départementales sera encouragée, notamment lorsqu'il existe déjà une collaboration entre les établissements concernés. Par ailleurs la création d'une synergie entre l'activité de prévention des infections nosocomiales et l'évaluation des soins.
Le personnel de l'équipe opérationnelle est particulièrement chargé de la mise en țuvre des actions de prévention et de surveillance des infections nosocomiales. Sous le contrôle des membres du CLIN, et en collaboration avec la Direction des Soins Infirmiers. Il devra être formé en hygiène hospitalière, que ce soit lors de sa formation initiale ou au cours d'une formation continue, afin d'assumer les tâche décrites ci-dessous.
 
Missions
 
Les membres de l'équipe opérationnelle en hygiène hospitalière assurent les fonctions suivantes dans le cadre des orientations définies par le CLIN :
- la mise en țuvre de la politique de prévention des risques infectieux, les techniques d'isolement, les contrôles d'environnement et l'hygiène générale de l'établissement.
- l'élaboration, en collaboration avec les services concernés, de protocoles de soins et l'évaluation de leur application.
- l'investigation d'épidémies.
- la surveillance des infections nosocomiales et plus particulièrement la validation et l'analyse des informations collectées et leur restitution aux services concernés.
Les membres de l'équipe opérationnelle seront consultés par le CLIN pour :
- la construction, l'aménagement et l'équipement des locaux hospitaliers.
- la conduite d'études économiques et d'évaluation relatives à la qualité des soins dans le domaine des infections hospitalières.
- l'étude et le choix des matériels et produits utilisés pour les soins et l'entretien.
- la formation initiale dans les écoles professionnelles relevant de l'établissement.
- la formation continue du personnel hospitalier.
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