Master Qualité - Communication
publique des résultats d'un stage de fin d'études Master
Qualité - UTC
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concepts, méthodes, outils et expériences sur les
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Lean
et idées reçues : Comment mettre en place une démarche
Lean Management pérenne
L’amélioration continue est devenue
primordiale pour la survie des entreprises. Pour
préserver leurs parts de marché et les augmenter, elles
doivent avoir le bon produit, au bon moment et avec le
meilleur prix. En plus, avec un marché de plus en plus
concurrentiel, les clients deviennent plus exigeants en
termes de coût, de délai et de qualité.Toute entreprise
consciente de ces exigences et désirant être parmi les
leaders du marché accorde un grand intérêt à
l’innovation, à la veille technologique et surtout à
l’amélioration continue de ses propres performances.Les
démarches d’amélioration continue comme le Lean
management sont souvent confrontées à de fortes
résistances au changement de la part des salariés, les
considérant comme l’outil qu’utilisent les dirigeants
d’entreprises pour maximiser leurs profits au détriment
des conditions de travail et du bien-être des employés.
Ce projet consiste à proposer une démarche
d’amélioration continue basée sur la collaboration avec
les opérateurs sur terrain afin de garantir le succès du
projet, l’implication de tous les salariés et la
pérennité de la démarche.
Mots clés : Lean management,
amélioration continue, idées reçues, résistance au
changement
ABSTRACT
Continuous improvement has become
paramount for business survival. To preserve their
market share and increase it they must have the right
product at the right time and with the best price. In
addition, with an increasingly competitive market,
customers are becoming more demanding in terms of cost,
time and quality.
Any company that is aware of these requirements and
wants to be among the market leaders places great
emphasis on innovation, technological monitoring and,
above all, on the continuous improvement of its own
performance.
Continuous improvement initiatives such as Lean
management are often faced with strong resistance to
change by employees, considering them as a tool used by
managers to maximize profits at the expense of working
conditions and the well-being of employees.
This project consists of proposing a continuous
improvement approach based on collaboration with
operators on the field to guarantee the success of the
project, the involvement of all employees and the
sustainability of the approach.
Keywords: Lean management,
continuous improvement, stereotypes, resistance to
change
Au terme de ce travail, je tiens à remercier tous
ceux qui ont contribué à la réalisation de ce projet.
Je remercie l’entreprise qui m’a accueilli et m’a donné confiance
et plus particulièrement mon encadrant professionnel, Madame
Mylène, responsable amélioration continue, pour ses
recommandations, son implication, ses conseils et directives et
pour son soutien infini tout le long du projet.
J'exprime le plus grand respect à mon encadrant académique,
Monsieur Gilbert FARGES, pour son assistance, ses recommandations
et son aide tout le long du projet.
A mes Maîtres, que je remercie tout particulièrement pour
l’enseignement de rigueur qu’ils m’ont dispensé durant ce master,
qu’ils trouvent ici le témoignage de ma considération et de mon
profond respect.
Je tiens également à remercier Monsieur Sébastien, responsable
ligne de production, de m’avoir donné l’occasion de partager sa
riche expérience.
Je tiens à exprimer ma vive reconnaissance ainsi que ma gratitude
à toute l'équipe de la ligne de production pour leur accueil
chaleureux et pour leur aide précieuse, plus particulièrement à
Monsieur Mutalip, chef d’équipe.
Enfin, je remercie particulièrement les membres du jury d’avoir
accepté de juger ce travail.
« Le monde déteste le changement, c’est pourtant la seule chose
qui lui a permis de progresser »
Charles Franklin Kettering
Dans un environnement où la concurrence est de plus en plus accrue,
avec des clients plus exigent en terme de qualité, cout et délai,
l’amélioration des performances est devenue primordiale pour la
survie des entreprises.
Pour y parvenir ces entreprises mettent en place des démarches
d’amélioration continue qui sont souvent confrontées à des
résistances aux changements de la part des salariés.
C’est dans ce contexte que se déroule mon stage. La mission est de
mettre en place une démarche d’amélioration continue où les équipes
sur la ligne de production jouent un rôle primordial.
Introduction
Ma formation d’ingénieur en génie mécanique m’a permis d’acquérir
les connaissances techniques nécessaires pour travailler dans le
monde de l’industrie. Pour compléter cette formation et
acquérir les compétences managériales qui me permettront d’avoir des
postes de responsabilité et bien gérer les collaborateurs, j’ai
poursuivi mon parcours avec le master qualité et performances dans
les organisations l’UTC.
Pour valider ce master, j’effectue actuellement un stage de fin
d’étude de 5 mois dans une entreprise agroalimentaire. Ce projet se
déroule dans la production sous l’encadrement du service
amélioration continue. Le choix de ce stage est basé sur la nature
de la mission et ses objectifs qui sont en parfaite continuité avec
mon parcours et mon projet professionnel vu que mon dernier stage,
qui s’est déroulé dans le secteur aéronautique, portait sur
l’amélioration des performances d’un atelier de production. J’ai
préféré changer de secteur pour connaitre d’autre méthodes et
pratiques et avoir une autre vision sur les techniques de
l’amélioration continue et aussi connaitre d’autres processus de
fabrication.
La mission de ce stage est très opérationnelle, ce qui me donne la
chance d’être sur terrain, au contact des équipes. Cela me permet de
développer ma communication et mes compétences managériales et
techniques.
C’est avec ce type de missions que je souhaite débuter ma carrière
pour évoluer ensuite vers un poste de responsable production ou
amélioration continue.
C’est au Japon que les principes et méthodes du Lean ont vu le jour
à Toyota au début des années 50, dans un pays dévasté par la
deuxième guerre mondiale, où les ressources sont très rares et
précieuses. L’optimisation et l’élimination des gaspillages
s’imposent. Le système de production de Toyota connu sous le nom «
Toyota Productive System » met au point des méthodes et des
techniques pour améliorer au maximum la productivité, la fiabilité
et la qualité, ce qui permet aux produits de Toyota d’être très
compétitifs et rentables [1].
Le succès du groupe dans le marché des véhicules suscite la
curiosité des américains qui décident de mener des recherches pour
découvrir le secret de cette réussite.
Le MIT charge donc deux chercheurs James Womack et Daniel Jones
d’étudier le système de production de Toyota. Après 5 années
d’études, ils sortent le livre « The machine that changed the world
» (Le système qui va changer le monde) qui regroupe toutes les
méthodes qui ont fait le succès du groupe japonais. C’est avec ce
livre qu’est né le terme Lean (maigre ou dégraissé en anglais) et
s’est répandu dans le monde [2].
Selon les différents auteurs, les périodes et les points de vue, la
définition du Lean varie. Il est difficile de définir le Lean d’une
manière globale et synthétique sans que cette définition soit
réductrice ou mal interprétée. Une des propositions de définition
est donnée dans le livre “Lean Management” : “Lean est un système
visant à engendrer la valeur ajoutée maximale au moindre coût et au
plus vite, ceci en employant les ressources justes nécessaires pour
fournir aux clients ce qui fait la valeur à leurs yeux” [3].
Le Lean vise donc l’amélioration des performances en luttant contre
le gaspillage par la chasse à tout ce qui est à “non-valeur ajoutée”
(tout ce qui n’ajoute pas de la valeur aux yeux du client ; ce qu’il
n’est pas prêt à payer). Ces sources de gaspillage sont classées en
8 catégories :
Pour éradiquer ces muda, le Lean dispose de plusieurs méthodes et
outils qui conduisent à une production plus efficace en éliminant
les sources de gaspillage. Mais considérer le Lean comme une simple
boite à outils ou un ensemble de techniques ne reflète pas sa vraie
philosophie. Le Lean est avant tout un système fondé sur une
structure et un état d’esprit où l’humain occupe un rôle central,
bien plus que de simples méthodes de travail.
I.3. Enjeux et méthodes du Lean
I.3.a.
Enjeux
Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, toute
entreprise, quel que soit sa taille, doit agir sur trois facteurs,
pour assurer sa survie et conserver, voire augmenter, sa part du
marché. Ce triangle de performance représente la qualité, le coût et
le délai [4].
L’objectif du Lean étant l’amélioration des performances, il agit
donc sur ces trois facteurs : en assurant la meilleure qualité, le
prix de revient le plus bas avec le délai le plus court (figure2).
Ces objectifs constituent le toit de la maison symbolique du Lean
(le système de production de Toyota « TPS » est souvent schématisé
sous forme d’une maison pour illustrer le fait que le Lean est une
structure dont la solidité dépend de chacun des éléments qui la
constituent : le toit, les piliers et les fondations) [5].
Figure 2 : Toit de la maison du Lean [Source
: Auteur]
On a commencé par le toit car c‘est lui comporte les objectifs et
les finalités de l’entreprise, ce qui donne le sens et la direction
pour l’ensemble des parties. On verra par la suite ses piliers et
ses fondations.
I.3.b.
Méthodes
Pour atteindre ces objectifs et supporter ce toit le Lean se base
sur deux piliers qui sont le juste à temps et le Jidoka (figure3).
i. Le pilier juste à temps
Le juste à temps aussi appelé flux tendu, est un ensemble de
méthodes et techniques qui visent à réduire au maximum les stocks
des en cours et des produits finis, en ne produisant que ce que le
client demande au délai fixé. Pour résumer, le juste à temps
consiste à fabriquer le bon produit avec la qualité demandée au bon
moment [6].
Le juste à temps permet de :
• Réduire les coûts logistiques (stockage, gestion
des magasins, approvisionnement…),
• Diminuer les gaspillages (détérioration ou perte
des produits stockés),
• Diminuer l’immobilisation des capitaux (les
matières et les produits finis stockés sont considérés comme de
l’argent immobilisé),
• Diminuer le risque d’invendu (produire et
stocker sans demande expose à un risque d’invendu).
Pour parvenir à ces résultats le juste à temps dispose de plusieurs
outils :
• La TPM : Total Productive Maintenance, cet outil
permet de réduire au maximum le temps d’arrêt des équipements et de
ce fait garantir une bonne fiabilité. La TPM permet donc d’améliorer
la disponibilité des machines,
• Le SMED : Single Minute Exchange of Die, cet
outil permet de réduire considérablement les temps de changement de
séries en transformant le maximum d’opération en temps masqué. Cela
permet une production en petites séries ce qui est indispensable
pour une production juste à temps,
• Le 5S : Seiri, Seiton, Seiso, Seiketsu, Shitsuke
: débarrasser, ranger, nettoyer, entretenir, pérenniser, cet outil
permet d’avoir un environnement organisé, ce qui améliore les
conditions de travail et la motivation des employés,
• Le Kanban : c’est l’outil indispensable au juste
à temps. Avec ce système, c’est le poste aval qui régule la
production du poste amont, cela permet de ne produire que ce que le
client demande et ainsi réduire considérablement les stocks [7].
C’est une méthode qui ne nécessite pas de gros investissements et
est assez simple à mettre en place vu que ce système est basé sur
des étiquettes.
C’est le deuxième pilier de la maison Lean, il permet d’obtenir une
meilleure qualité à moindre coût. Cette méthode consiste à arrêter
la machine dès l’apparition du défaut et le traiter avant de la
remettre en marche afin de ne pas laisser progresser le défaut. Le
Jidoka permet de produire bon du premier coup. En plus l’arrêt
automatique des machines immédiatement après la détection des
non-conformités permet de diminuer le nombre d’opérateurs qui
surveillent les machines. Le Jidoka repose sur plusieurs techniques
[8] :
• Système andon C’est système de management visuel
qui permet de localiser immédiatement la source du dysfonctionnement
par un signal lumineux ou sonore et qui permet aussi d’arrêter la
chaine de production afin de traiter rapidement le problème,
• Poka Yoké : c’est un système qui empêche toute
erreur envisageable de subvenir (anti erreurs). L’utilisation des
gabarits, des codes couleurs, des pièces qui n’admettent qu’une
seule position…sont des exemples de Poka Yoké,
• Résolutions des problèmes : c’est un ensemble
d’outils permettant de bien identifier le problème (QQOQCP), trouver
les causes racines (5P, 5M) et prévenir leur apparition (AMDEC).
Figure 3 : Les piliers de la maison Lean
[Source : Auteur]
La stabilité est l’élément essentiel des fondations de la maison du
Lean qui comporte 4 volets [9] :
• Heijunka (production nivelée)
:
C’est une méthode d’ordonnancement qui permet de lisser la
production. On ne produit plus directement selon la demande du
client, on produit avec des tailles de lot très réduite mais de
façon répétitives et simple. Cela permet de gagner en stabilité et
d’absorber la variation des commandes [10],
● Standardisation
La standardisation est l’élément fondamental de l’amélioration
continue qui permet de stabiliser les processus, diffuser les bonnes
pratiques et capitaliser le savoir [11],
● Management visuel
Le management visuel est un ensemble d’affichages sur la zone de
production qui permet d’avoir une idée rapide et claire sur les
indicateurs et les performances. Rendre visuel les processus, les
objectifs et les états actuels facilite le management, en effet cela
permet [12]:
D’avoir une vision rapide et globale du travail en cours,
D’identifier rapidement les dérives,
De faire passer des messages d’une manière facile et
compréhensible
● Etat d’esprit :
La philosophie du Lean repose sur le fait que l’amélioration est
infinie avec un état d’esprit de toujours vouloir améliorer les
performances. Bien plus que de simples outils et techniques, le Lean
est une dynamique pérenne d’amélioration. A ce sujet, le père
fondateur du Lean, Taichi OHNO dit :« Quand vous découvrez que vos
efforts simples et permanents peuvent être à l'origine des plus
grandes transformations, vous ne devez pas être distrait par une
vision court-termiste »[13]
La figure 4 illustre tous les composants de la maison du Lean qui
contient les objectifs, les concepts et la philosophie.
Si le 8ème muda est la sous-exploitation des compétences et des
idées des collaborateurs, c’est que le Lean management place
l’humain au cœur de la démarche d’amélioration, au point de
considérer comme gaspillage sa non-implication et sa participation.
Ce sont les opérateurs sur ligne passant leurs journées devant les
machines qui connaissent le mieux les sources de défaillances et
leurs causes. Ils ont aussi les meilleures pistes d’amélioration vu
leurs expériences. Se baser sur eux pour construire la démarche
d’amélioration est la clé du succès du projet.
« Tant que les cadres dirigeants n’oublieront pas leur ego pour se
rapprocher de leurs équipes et conduire l’entreprise avec elles, ils
ne profiteront pas de l’intelligence et des extraordinaires
compétences de tous leurs collaborateurs. Chez Toyota ; nous
accordons le plus grand prix à nos employés et le moins que nous
puissions faire est de les écouter et d’intégrer leurs idées dans
notre processus de planification ». C’est ce qu’affirme Alex WARREN,
ancien vice-président de Toyota Motor Manufacturing Kentucky [5].
I.5.
Champs d’application
Vu que le Lean un système de management global basé sur des concepts
et des principes, ses domaines d’application sont vastes et variés
et ne se limitent pas à la production. C’est une démarche applicable
à tous types d’entreprise quel que soit sa taille ou son domaine
d’application (secteur industriel, secteur de service, secteur de
recherche…). En plus, cette démarche touche tous les départements
d’une entreprise (service RH, service Marketing, service
communication, direction…)
En 2008 Thalès a lancé 45 chantiers Lean dans ses
laboratoires R&D. Deux ans après, les temps de cycles ont
été réduits de 20% [14].
En 2009, le CHU de Nancy a fait appel à une entreprise de
conseil pour optimiser le temps d’attente des patients. Après 6
mois du déploiement de la démarche Lean, le temps d’attente a
été réduit de 25 à 30% [15].
Le déploiement de la démarche Lean a permis à l’Oréal de
gagner 20% en capacité en deux ans. Le témoignage d’Olivier
Binet, le responsable de la performance industrielle du groupe
affirme l’efficacité de la méthode : « Nous ne nous attendions
pas à de tels résultats, et surtout pas si rapidement »[16].
En 2006 PSA à décider de mettre en place un démarche Lean au
sein de ses bureaux d’études, 4 ans après, le lead time (temps
de développement et industrialisation) a été réduit de 30% [17].
II.
L’image du Lean en France
L’image du Lean en France n’est pas très positive, il est souvent
considéré comme l’outil qu’utilise les dirigeants d’entreprise pour
maximiser leurs profits au détriment des conditions de travail et du
bien-être des employés. Cette vision du Lean est très répandue dans
le milieu syndical, les médecins et les ergonomes [18].
L’application des outils et méthodes du Lean sans tenir compte de sa
philosophie, son état d’esprit et l’importance qu’il accorde à
l’aspect humain et l’implication de tous les collaborateurs, peut
engendrer des dérives et des disfonctionnements qui sont à l’origine
de cette vision négative. Cette image ne vient pas seulement des
livres ou des ’articles d’auteurs ou journalistes « anti-Lean »,
mais des situations réelles que vivent certains employés où la
démarche Lean a été mal installée, où les dirigeants se sont
focalisés sur la maximisation du profit sans tenir compte ou
impliquer les employés. C’est dans ce contexte que sont nées
plusieurs idées reçues sur le Lean.
Pour plusieurs salariés, si une entreprise fait appel à des
consultants experts en Lean c’est pour maximiser les charges sur
chaque poste de travail et ainsi dégager le personnel « devenu
inutile » et diminuer le nombre de travailleurs. La démarche se
résume donc à identifier les personnes en trop pour supprimer des
postes et de ce fait le Lean devient synonyme de licenciements.
Or, si le principal objectif du Lean est la chasse aux gaspillages
et l’optimisation des opérations, c’est pour dégager des heures
libres aux travailleurs pour penser à l’amélioration ou les former
pour augmenter leurs compétences. L’amélioration continue est le
fondement principal du Lean management et le licenciement ne fait
partie d’aucun de ses principes ou de son esprit basé sur la
confiance et la co-construction.
« Le moteur du TPS (Toyota Productive Système), c’est la volonté des
dirigeants de l’entreprise d’investir durablement dans les hommes et
de promouvoir une culture d’amélioration continue. » c’est ce
qu’affirme J. LIKER dans son live « Le modèle Toyota » [5].
II.2.
Dégradation des conditions de travail au nom de l'efficacité et
l'efficience
Selon L’INRS (l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour
la prévention des accidents du travail et des maladies
professionnelles) l’augmentation du stress au travail et son
intensification, la dégradation des conditions de travail et
certains troubles musculo-squelettiques sont directement liés à
l’installation d’une démarche d’amélioration basée sur le Lean
management [19].
Certains médecins et ergonomes mettent en cause, d’une part, la
suppression des mouvements et déplacements des opérateurs (l’un des
8 muda) qui seraient à l’origine des TMS (Troubles
musculo-squelettiques) vu que les opérateurs passent tout leur temps
dans le même poste et que leurs mouvements sont limités.
D’autre part, ils considèrent que le flux tendu engendre une forte
tension sur les ouvriers qui sont poussés à produire toujours plus
et à subir les aléas de la demande. Ce contexte est considéré comme
extrêmement stressant et à l’origine des risques psychosociaux [20].
La dégradation des conditions de travail n’est pas un résultat de
l’installation d’une démarche Lean tel que les japonais l’ont
conçue, c’est même au contraire de ses fondements et principes qui
placent l’humain au centre de la démarche. C’est la mauvaise
implantation de la méthode qui engendre cette dégradation, une
mauvaise interprétation qui limite le Lean à de simples outils et
techniques, se focalisant sur l’amélioration des performances et
imposant les règles sans partir du terrain et de l’ouvrier qui lui
connait le plus les problèmes et les pistes d’amélioration [21].
« Toyota ne sacrifiera jamais la sécurité de ses ouvriers aux
impératifs de la production. Et ce n’est pas nécessaire, car
l’élimination du gaspillage ne veut pas dire créer des méthodes de
travail stressantes et dangereuses » extrait du Livre « Le modèle
Toyota » [5].
II.3.
Diminution du degré d’autonomie des salariés
Les « anti-Lean » dénoncent le fait que la standardisation réduit
les opérateurs à de simples exécutants, enchainés par des procédures
et des instructions qu’ils doivent appliquer à la lettre. C’est une
manière de nier leurs compétences et leur savoir-faire.
La standardisation ne doit pas être considérée comme un frein au
progrès et à la prise d’initiative. C’est une capitalisation des
bonnes pratiques pour que chaque amélioration soit appliquée dans
tous les postes de façon pérenne et non occasionnellement. Elle est
aussi considérée comme élément fondamental de la qualité pour
garantir le zéro défaut et la base de l’amélioration continue, vu
que pour chaque nouveau défaut qui apparait on change le standard
pour l’éliminer.
Pour profiter des avantages de la standardisation sans freiner les
opérateurs, il faut trouver le juste équilibre pour que celle-ci
soit assez rigide pour définir les rôles et assurer la qualité, et
en même temps laisser place à l’initiative et au progrès. La
démarche Lean permet à l’opérateur de penser et réfléchir à sa
méthode de travail et essayer toujours de l’améliorer et
l’optimiser. Il n’est plus un simple exécutant.
Voir une de ses idées d’amélioration devenir un standard et
appliquée dans toute l’usine est extrêmement motivant et
responsabilisant pour un salarié [22].
Le Lean a rencontré un succès colossal à Toyota, ce qui a permis à
cette entreprise d’être le numéro 1 mondial dans le marché de
véhicules. Cet exploit a poussé la plupart des entreprises dans le
monde à s’adapter à cette méthode. Les résultats de ces adaptations
sont souvent spectaculaires comme cité précédemment, mais parfois
cela entraine des conflits et les objectifs de la démarche ne sont
pas atteints.
Les idées reçues du Lean en France et la résistance face à
l’implantation de cette démarche peuvent être expliquées par la
différence de culture entre le Japon et la France.
Confucius VS Socrate
Confucius est un penseur chinois né au 6ème siècle avant
Jésus-Christ tandis que Socrate est un penseur grec né au 5ème
siècle avant Jésus-Christ. Ils ont vécu presque dans la même époque
et ont tellement influencé leurs civilisations (asiatique et
européenne) que plusieurs générations après ils sont considérés
comme sages ou même saints [23].
Confucius consacre beaucoup d’importance au groupe et à la
communauté. Il considère que l’élément fondamental de la morale de
l’homme est la solidarité et la fraternité. L’image de l’homme pour
lui n’est pas un individu seul, mais un élément du groupe dont il
est solidaire.
Il considère aussi que les fils doivent obéir à leurs parents, les
frères à leur ainé, les élèves à leurs maitres. En général, selon la
vision de Confucius, l’inférieur doit se soumettre à son supérieur
hiérarchique. « Pendant qu'ils sont vivants, les servir selon le
rituel, après leur mort, les enterrer et les adorer selon le rituel
» [24].
Cette vision des relations et de la morale a beaucoup influencé la
culture de la Chine et les autre pays asiatique comme le Japon.
Le groupe avant l’individu et l’obéissance aux maitres sont donc au
cœur de cette culture.
Pour Socrate, l’individu est au centre de ses pensées. Contrairement
à Confucius, la morale et le bien-être ne consistent pas à obéir au
maitre qui est considéré comme sage, mais adopter un esprit critique
et se poser des questions afin de trouver le bonheur.
Cette différence de culture entre les pays de l’Est influencés par
les pensées de Socrate et les pays de l’Ouest influencés par les
pensées de Confucius, joue un rôle primordial dans une démarche
d’amélioration qui entraine des changements.
Si le Lean management rencontre un grand succès au Japon, et la
démarche d’amélioration est relativement facile à mettre en place,
c’est parce que quand les responsables décident de la mettre en
place, tout le personnel est impliqué et ne résiste pas à la
démarche. Ils obéissent à leurs supérieurs et se mettent rapidement
à appliquer la méthode dans des groupes très solidaires.
En France, dans une culture influencée par les pensées de Socrate,
le « maitre » n’a pas cette autorité morale qui impose une
obéissance sans contestation. Les changements rencontrent, par
nature, des résistances, ainsi les démarches d’amélioration ne sont
pas aussi faciles à mettre en place qu’au Japon.
Cependant, la culture Française présente beaucoup d’avantages pour
bien réussir une démarche d’amélioration. Si les finalités et les
gains sont bien expliqués aux collaborateurs, ils seront très
impliqués en étant force de proposition, ce qui constitue un élément
fondamental de la réussite de toute démarche d’amélioration
continue.
IV.
Problématique
Si le Lean management a été créé à Toyota dans une culture
Japonaise, il reste une méthode générique applicable à tous types
d’entreprises quelle que soit sa culture. Les idées reçues sur le
Lean en France et la résistance face à son implantation sont souvent
dues à une mauvaise interprétation de ses principes et philosophie
et la non-adaptation de ses méthodes à la culture d’entreprise.
Comment mettre en
place une démarche Lean management face aux idées reçues ?
Chapitre
2 : Démarche Lean sans « Lean » et accompagnement au
changement
La démarche d’amélioration continue de
l’entreprise est inspirée du modèle d’amélioration basé sur le
Lean management du groupe Japonais auquel appartient l’entreprise
où j’ai effectué mon stage.
I.
La méthode Lean du groupe Japonais
Pour promouvoir l’amélioration continue et l’excellence
opérationnelle, le groupe adopte une démarche inspirée du Lean
management : le Monozukuri Way.
Au cœur de cette démarche on trouve le PDCA et SDCA imbriqués, le
management journalier et le management de politiques, avec le Genba
(aller sur le terrain) comme élément fondamental de toute la
démarche.
I.1.
Objectifs et valeurs de la démarche
Pour atteindre l’excellence opérationnelle, la méthode Monozukuri
vise des objectifs classés en 6 catégories illustrés par la figure
7.
Figure 7 : Les objectifs du Monozukuri Way
[Source : Auteur]
La philosophie du Monozukuri Way se base sur trois principes pour
réaliser ces objectifs :
Consommateur et client avant tout,
Construire la qualité tout le long de la chaine de valeur,
Développer tous les employés et managers.
I.2.
Le PDCA pour améliorer
Le PDCA (Plan, Do, Check, Act : Planifier, Faire, Contrôler, Agir)
souvent appelé roue de Deming est l’outil de base de l’amélioration
continue. Pour le Monozukuri Way le PDCA doit être utilisé de façon
continue et non pas pour un seul cycle. En répétant le PDCA, la
qualité et les performances seront améliorées de façon pérenne
(figure 8).
Le SDCA (Standardize, Do, Check, Act : Standardiser, Faire,
Contrôler et Agir) permet de maintenir le niveau de performance
atteint par les améliorations afin de ne pas délaisser les bonnes
pratiques après un certain temps de leur mise en place (figure 9).
Des chantiers d’amélioration permettent de faire des sauts en
performance et productivité, mais le plus difficile après, c’est de
combattre une tendance humaine et naturelle de revenir aux anciennes
habitudes. De plus, après une certaine période d’application du
standard, les opérateurs ont tendance à ne plus suivre les
procédures et autocontrôles, estimant qu’ils maitrisent le processus
et n’ont plus besoin des instructions des standards.
Pour le Monozukuri Way, la standardisation consiste en l’élaboration
de procédures, instructions de travail et check lists qui seront
disponibles pour les opérateurs et chefs d’équipe sur les postes de
travail.
L’utilisation imbriquée de ces deux outils permet de faire des sauts
d’amélioration avec le PDCA, de maintenir et stabiliser ce niveau
avec le SDCA pour après refaire un nouveau saut et ainsi s’améliorer
de façon continue sans régression (figure 10).
Figure 10 : PDCA et SDCA imbriqués [Source :
Auteur]
I.4.
Le management journalier pour assurer le bon déroulement des
opérations
Le management journalier est une approche
structurée qui assure que les opérations définies et standardisées
soient effectuées sans problèmes ou oublis. Cela consiste à :
• Contrôler l’exécution des tâches :
Le contrôle commence par l’opérateur qui effectue l’autocontrôle à
l’aide des check lists et contrôle qualité, ensuite ce sont les
superviseurs et les chefs d’équipes qui vérifient le bon
déroulement des opérations et la qualité des produits. Les
managers peuvent aussi faire des contrôles et des vérifications.
• Visualiser et suivre :
Afficher les résultats, les performances et les défauts sur les
tableaux de bord pour les rendre facilement accessibles et ainsi
détecter rapidement les dérives.
• Partager et diffuser les informations sur les
problèmes et défaillances détectées :
Afficher tous les problèmes remontés dans un espace de
communication pour en discuter lors des réunions journalières.
• Démarrer les actions pour remédier rapidement
aux problèmes :
Identifier les causes racines et mettre en place les actions
nécessaires.
I.5.
Le management de la politique d’entreprise pour fixer la
direction
Les politiques sont les grands axes et les orientations de
l’entreprise qui consistent en la mise en place des actions à long
terme pour atteindre les objectifs fixés (qualité, coût, délai,
environnement, motivation, sécurité) et satisfaire le client comme
la politique qualité, la politique environnement…
Si les politiques de l’entreprise sont bien définies, tous les
efforts des collaborateurs porteront vers la même direction.
I.6.
Le Genba : élément fondamental pour la réussite de la démarche
Le Genba signifie « là où se trouve la réalité » en japonais. Pour
le monde de l’industrie cela se traduit par « le terrain »
c’est-à-dire aller sur les postes de travail, vers les opérateurs,
là où les opérations sont faites, là où la valeur est créée. Toute
la démarche d’amélioration du groupe japonais repose sur le principe
que celui qui connait le plus les opérations et les défaillances
c’est l’opérateur / technicien maintenance qui passe tout son temps
sur les machines. C’est lui donc qui connait les meilleures
solutions et pistes d’amélioration.
II.
Adaptation Française de la démarche et accompagnement au
changement
La démarche de l’entrprise reprend les concepts, les
méthodes et la philosophie du Monozukuri Way avec une adaptation au
contexte et à l’environnement de l’entreprise.
II.1.
Démarche et périmètre du projet
La démarche adoptée par l’entreprise est
une démarche d’amélioration globale, elle prend en compte
plusieurs axes d’amélioration illustrés par la figure 11.
Figure 11 : Axes de la démarche
d'amélioration [Source : Auteur]
Le périmètre du projet de stage se limite à 5 axes de la démarche
: compétence, maintenance, lignes de production, hygiène et
sécurité et se déroule sur une des trois lignes de production qui
comporte le plus de machines et de personnel et là où la marge
d’amélioration est la plus grande vu qu’elle détient le taux de
productivité le plus faible des 3 lignes.
Pour bien réussir une démarche d’amélioration, faire un diagnostic
et étudier l’état actuel est nécessaire afin de déterminer les
points forts et les points faibles et ainsi connaitre les axes
d’amélioration et les bonnes pratiques à partager.
II.2.
Diagnostic de l’état actuel
Avant de commencer une démarche
d’amélioration, faire un état des lieux est essentiel. Etudier la
situation actuelle de l’entreprise permet d’avoir une première
idée sur son fonctionnement, les processus existants, les
habitudes, les bonnes pratiques, comprendre l’état d’esprit des
équipes et les disfonctionnements. Cela permet d’orienter la
démarche afin de se focaliser sur les disfonctionnements et
généraliser les bonnes pratiques. Ça permet aussi de définir les
priorités du projet.
Faire un diagnostic consiste à :
Faire une cartographie des processus : dans le périmètre du
déroulement du projet, identifier les processus amont et aval et
les éléments d’entrée et sortie (informations, matières
premières, produit). Identifier les étapes et les acteurs de
chaque processus. Enfin, identifier les interactions entre les
processus,
Discuter avec les opérateurs, les chefs d’équipes et les
techniciens pour comprendre le processus de fabrication, le
fonctionnement des machines, avoir une idée sur les principaux
problèmes et disfonctionnement,
Identifier et lire les documents disponibles,
Faire un bilan de toutes les observations qui sera utilisé
comme élément de base de la planification et le déploiement de
la démarche.
Le diagnostic de l’état actuel a permis d’identifier qu’il y a un
manque de documentation sur les postes de travail (instructions,
procédures…), certains opérateurs n’avaient pas une maitrise
parfaite de leurs machines, les réglages de changement de formats
sont effectués par la maintenance et sur certaines machines la
maintenance préventive n’est pas complète.
A partir des observations et remarques du
bilan, la démarche d'amélioration a été planifiée : En premier
lieu, l’amélioration des standards avec l’élaboration de la
documentation manquante sur les postes de travail, ensuite la
formation des opérateurs sur ces standards, puis l’élaboration de
la maintenance préventive. La deuxième étape qui consiste à
améliorer les performances grâce à la diminution des arrêts des
machines et la réduction des temps de changement de format.
II.3.a.
Définition du standard
Pour chaque machine, un ensemble de documents
(procédures, mode opératoire…) doit être élaboré puis affiché sur
le poste de travail ou mis à disposition dans un emplacement bien
défini. Cet ensemble est appelé « Pack machine ». Ces documents
sont classés en 5 catégories : Documentation QEHS, Management
Visuel, Conduite machine, Maintenance autonome et maintenance
(figure 12). Ces documents ont deux principaux objectifs :
conduire la machine et la maintenir en bon état. La rédaction des
procédures et modes opératoires doit se faire en collaboration
avec les opérateurs et chefs d’équipes, chaque étape ou
instruction doit être discutée et approuvée. Cela facilitera la
phase de formation.
Le contenu des procédures doit être très visuel, privilégier les
photos et les schémas avec le minimum de texte. La consultation de
ces documents sera rapide et facile. Les nouveaux opérateurs ne
trouveront pas de difficultés à les comprendre.
L’élaboration de ces documents permet de créer
un standard de travail afin de définir la meilleure manière de
faire les opérations et de partager les bonnes pratiques. En plus,
avec les rotations fréquentes des opérateurs (changement de poste)
et le recours aux intérimaires, cela facilite la tâche des chefs
d’équipe dans la formation des nouvelles recrues et augmente
l’autonomie des opérateurs du fait qu’en cas d’oubli ou de doute
il y’a un document sur le poste auquel se référer.
II.3.b.
Accompagnement au changement
Une fois les documents élaborés et affichés
sur les postes, on passe à la formation des opérateurs et chefs
d’équipes. Il faut communiquer sur la campagne de formation et ses
finalités. Ensuite préparer un support de formation adapté au
niveau et au langage des opérateurs et chefs d’équipes. La
formation se fait en deux phases. En premier lieu, dans un bureau
avec le support de formation pour comprendre les différentes
étapes et techniques de la procédure. Ensuite, sur le poste de
travail pour mettre en pratique et suivre les étapes des
procédures affichées.
II.3.c.
Diminution des arrêts non programmés
Les arrêts non programmés sont les arrêts qui
n’ont pas été planifiés à l’avance. Ce sont les disfonctionnements
et les pannes qui arrêtent les machines ou qui diminuent leurs
cadences ce qui engendre une baisse de performance.
Pour pallier à ces problèmes, il faut les identifier, remonter à
leurs causes racines et mettre en place les actions nécessaires
pour les supprimer.
Pour identifier les arrêts et les
disfonctionnements, il faut faire des observations sur les postes
de travail. Ces observations consistent à rester un certain temps
devant les machines pour bien maitriser leurs fonctionnements et
leurs réglages. Ensuite, commencer à noter les problèmes et les
arrêts qui surviennent. Ces observations doivent être effectuées
sur des durées assez longues (environ 2 heures) pour avoir des
données fiables et sur des créneaux horaires différent (jour et
nuit, différentes équipes, différent produits…) pour tenir compte
de tous les paramètres qui peuvent affecter les machines. Pendant
ces observations, les conducteurs des machines peuvent apporter
des informations supplémentaires sur les pannes vu leur expérience
mais il faut faire attention à ce que ces échanges n’affectent pas
leur travail.
Ces observations permettent d’avoir des donnés qualitatives sur
les arrêts et disfonctionnements, il faut ensuite les quantifier
grâce aux chronométrages.
Les chronométrages permettent de mesurer la durée de chaque type
d’arrêt et son nombre d’occurrence. Ils doivent être effectués
dans les mêmes conditions que les observations. Des fiches ou des
tableaux imprimés (figure 13) peuvent faciliter le travail.
Figure 13 : Fiche de chronométrage [Source :
Auteur]
Ces chronométrages permettent de connaitre l’impact de chaque
problème sur les performances de la machine.
Le diagramme Pareto permet d’avoir une vision
graphique de l’importance de chaque problème identifié et
quantifié grâce aux observations et chronométrages. Il permet
d’identifier les pannes ayant le plus grand impact sur les
machines et ainsi connaitre les priorités. Pour l’exemple illustré
par la figure 14, on peut rapidement constater que les 2 premiers
problèmes représentent 80% des pertes. Se focaliser sur ces 2
problèmes et les traiter en priorité permet donc de s’attaquer à
80% des défaillances. C’est la loi de Pareto qui stipule que 80%
des effets sont produits par 20% des causes.
Figure 14 : Pareto des défaillances [Source
Auteur]
Une fois les problèmes prioritaires identifiés. Les observations
et chronométrages sont analysés pour essayer de remonter aux
causes racines. Des corrélations entre certains réglages ou
paramètres et des défaillances peuvent apparaitre. Cela permet
d’identifier les bonnes configurations pour un fonctionnement
optimal.
Questionner les opérateurs, les chefs d’équipe et les techniciens
de maintenance peut aider à remonter aux vraies causes des
problèmes. Trouver ces causes racines est primordial pour mettre
en place les solutions adéquates qui vont éradiquer les problèmes.
Il existe des outils très pertinents pour cette tâche comme
l’Ishikawa (aussi appelé les 5M, il permet de trouver les causes
possibles qui peuvent venir de la Matière, la Méthode, la Main
d’œuvre, le Milieu ou le Matériel et de les représenter de manière
synthétique) ou Les 5 pourquoi (outil qui consiste à se poser
plusieurs fois la question « pourquoi » jusqu’à remonter à la
cause racine).
II.3.f.
Plan d’actions et maintenance préventive
Une fois les causes racines identifiées, des
réunions avec les parties intéressées (responsables maintenance,
responsables production, responsables amélioration continue,
responsables QHSE, techniciens, chefs d’équipes, opérateurs…) sont
planifiées afin d’élaborer des plans d’actions. Ces actions seront
ensuite affichées dans les espaces de communication avec leurs
pilotes et les dates d’achèvements.
Ces actions peuvent être correctives, pour traiter rapidement le
problème, ou préventives pour éliminer l’apparition des problèmes.
Les actions préventives permettent d’élaborer la maintenance
préventive qui consiste à planifier plusieurs interventions sur
les machines comme le changement de pièces, le graissage, le
nettoyage ou même une simple inspection.
La maintenance préventive permet de maintenir les machines en bon
état ce qui augmente leurs taux de disponibilité et ainsi
améliorer les performances de la ligne.
Les arrêts programmés sont les arrêts qui ont
été planifiés comme la maintenance préventive, les révisions, les
pauses ou les changements de formats.
Le projet du stage s’intéresse à la diminution des temps de
changement de format.
Dans une entreprise qui veut faire du juste à temps et respecter
ses délais, les changements de format sont fréquents vu les
demandes variées des clients. L’optimisation des temps de ces
changements devient donc un élément primordial pour augmenter les
performances et répondre à la demande des clients.
Pour parvenir à réduire la durée des changements de format, il
existe un outil très puissant du Lean : le SMED
Le SMED (Single Minute Exchenge of Die = changement d’outil en
moins de 10 minutes) a été inventé par un ingénieur de Toyota :
Shigeo SHINGO. Selon les termes de la norme AFNOR NF X50-310, le
"SMED est une méthode d’organisation qui cherche à réduire de
façon systématique le temps de changement de série, avec un
objectif quantifié" [25].
C’est une méthode qui se compose de 5 étapes :
1) Mesures et observations des opérations :
Le temps de changement de format commence de
la dernière bonne pièce de la série précédente à cadence nominale,
jusqu’à la première bonne pièce de la nouvelle série à cadence
nominale. Toutes les opérations entre ces deux pièces doivent être
identifiées et chronométrées.
Une opération est dite interne, si elle
nécessite obligatoirement l’arrêt de la machine (changement
d’outils), tandis qu’une opération externe peut être effectuée
machine en marche (apporter les outils au poste de travail). Les
observations montrent que souvent, les opérations externes sont
effectuées pendant l’arrêt de la machine. Cette étape consiste
donc à séparer les opérations internes et externes en se posant
pour chacune d’elle la question suivante : « Est-ce que cette
opération nécessite réellement l’arrêt de la machine ? ». Après
cette phase plusieurs opérations sont effectuées en temps masqué.
C’est l’étape ou on gagne le plus temps avec un investissement
très faible.
3) Conversion des opérations internes en
opérations externes :
Les opérations internes restantes sont
reprises une à une, en essayant de trouver des solutions pour les
effectuer en temps masqué. Le but est de réduire au maximum le
nombre d’opérations internes. Cette phase nécessite des moyens
techniques avec des investissements qui sont considérés comme
faibles comparés à l’étape 4.
4) Diminution des opérations internes puis
externes :
Cette phase consiste à rationaliser les
opérations internes en priorité puis les opérations externes. Des
investissements lourds sont à prévoir, le processus de fabrication
peut être modifié ou repensé et des effectifs peuvent être
ajoutés.
La figure 15 résume les résultats obtenus après chaque étape
Figure 15 : Résultats des étapes du SMED
[Source : Auteur]
La démarche d'amélioration repose
essentiellement sur la collaboration avec les opérateurs. Vu leurs
expériences et les heures passées sur les machines, ils ont une
bonne connaissance des défaillances et pannes des lignes. Leur
rôle est donc primordial dans la phase de diagnostic et d’analyse
des problèmes et la recherche des causes racines. Leur expérience
leur permet aussi d’avoir de bonnes idées et pistes
d’amélioration.
Il faut donc être sur le terrain, à leur écoute et vivre leur
quotidien, en les motivant et en stimulant leur prise
d’initiative. Cela crée un climat de confiance qui facilite la
collaboration
Cette méthodologie aura un grand impact dans la phase de mise en
place des actions d’amélioration. Les idées ayant été proposées,
discutées, améliorées avec les opérateurs, elles ne vont donc pas
rencontrer de résistance aux changements. La mise en place
s’effectue de manière rapide et fluide, contrairement à une
démarche où les opérateurs n’ont pas été consultés et qui ne se
sentent pas impliqués.
II.5.
Rôle des chefs d’équipes dans la démarche
Les chefs d’équipes ont une grande maitrise
des machines et leurs fonctionnements. Cette maitrise est
l’élément essentiel dans l’élaboration des packs machines.
Connaissant très bien le processus de fabrication et ses
différentes étapes, c’est avec eux aussi que les procédures et
modes opératoires sont écrits. Ils jouent également un rôle majeur
dans l’élaboration des défauthèques qualité et techniques vu leur
présence permanente sur les lignes et leurs confrontations aux
défauts.
En plus de leurs participation à l’identification des problèmes et
leurs causes racines et la proposition des pistes d’amélioration,
les chefs d’équipes doivent être l’élément moteur de la mise en
place des actions d’amélioration, en motivant et en impliquant
leurs équipes et veillant à l’application des nouveaux standards.
Pour améliorer ses performances, l’entreprise
où j’ai effectué mon stage a mis en place une démarche
d’amélioration continue. Elle est inspirée de la démarche
Monozukuri Way du groupe japonais auquel l’entreprise appartient
et adaptée à sa culture et à son contexte. Le projet de stage
s’est focalisé sur quelques axes de la démarche pour améliorer les
performances d’une des 3 lignes de production. Ces axes sont
illustrés par la figure16.
Figure 16 : Axes de la démarche [Source :
Document entreprise]
Quelques contraintes ont eu un impact sur le
déroulement de la démarche. Le contexte dans lequel le projet a
été mené présente certaines instabilités. En effet, des
changements au niveau des responsables ont eu lieu, de ce fait,
durant le processus de recrutement, les tâches des postes vacants
ont été occupées par les autres managers diminuant leurs temps de
disponibilité pour mener la démarche d’amélioration.
III.3.
Points forts
L’implication et le dévouement des opérateurs
ont beaucoup facilité la démarche d’amélioration. Le climat de
confiance s’est vite installé et la collaboration était très
fluide. La grande expérience des chefs d’équipes et leur maitrise
des processus a permis de bien identifier les disfonctionnements
et leurs causes racines. Leurs pistes d’amélioration sont très
pertinentes.
III.4.
Résultats obtenus et escomptés
Packs machines
La collaboration avec les opérateurs et chefs
d’équipe a permis d’élaborer la documentation nécessaire pour
conduire les machines et les maintenir en bon état. Les packs
machines ont été faits sur 90% du parc machines et affichés
(figure 17).
Figure 17 : Procédures affichées sur les postes
de travail [Source : Auteur]
Cela va permettre aux opérateurs d’avoir plus
d’autonomie et de savoir réagir face aux pannes et défaillances
grâce aux défauthèques.
Les procédures et modes opératoires vont aussi servir de support à
la formation des nouveaux opérateurs ou intérimaires.
Le management visuel permet de faciliter les opérations pour les
opérateurs grâce à des traçages et des instructions affichées sur
les machines (figure 18).
Figure 18 : Traçage pour réglage hauteur
[Source : Auteur]
Des sessions de formation ont été planifiées
visant 100% des opérateurs et chefs d’équipes de la ligne. Ces
formations ont permis d’augmenter leurs compétences du fait qu’ils
apprennent à conduire plusieurs machines et deviennent donc
polyvalents. Les standards sont maintenant connus et partagés par
tous les opérateurs.
Maintenance préventive
L’observation et l’analyse des pannes et
l’identification de leurs causes racines a permis l’élaboration de
la maintenance préventive. Des interventions sur les machines ont
été planifiées afin de s’attaquer aux principales causes d’arrêt
avant leurs occurrences et ainsi augmenter le taux de
disponibilité des machines.
Les actions étant planifiées à court et moyen terme, la
quantification du gain généré par la mise en place de la
maintenance préventive n’est pas immédiate.
III.5.
Risque d’une démarche amélioration continue
Tout projet ou démarche d’amélioration est
confronté à des risques. Certains éléments qui ne sont pas pris en
compte ou anticipés peuvent nuire au bon déroulement du projet,
voire la non-atteinte des objectifs escomptés.
Pour assurer l’atteinte des objectifs et la pérennité de la
démarche d’amélioration continue, une étude de risques doit être
menée pour identifier les sources de complications et dérives et
les anticiper (figure 19).
Non-collaboration
des autres services (maintenance, qualité…)
-Faire des réunions avec les
responsables des autres services pour expliquer les
finalités de la démarche et les gains engendrés
-Être à l’écoute de leurs
propositions
-Construire avec eux les plans
d’actions.
Peur
des managers de perdre de leur pouvoir : démarche
basée sur la collaboration avec les opérateurs en leur
accordant plus de responsabilité et de prise
d’initiative
- Sensibiliser sur le fait que le rôle des
managers n’est pas de trouver seuls les solutions mais
d’apprendre aux équipes à les trouver
-Expliquer qu’en donnant l’autonomie aux équipes et en les
responsabilisant, cela crée un climat de confiance qui
augmente le pouvoir des manager
Diminution
de l’implication après la démarche
-Sensibiliser les chefs d’équipes
à leur rôle de garant de l’implication des opérateurs
-Être toujours à l’écoute des
nouvelles idées et propositions des opérateurs
-Inciter les opérateurs à faire
des propositions d’amélioration en mettant en place un
programme de récompense des meilleures idées
Manque
de disponibilité des opérateurs
-Mettre en place les ressources
nécessaires pour libérer du temps à l’opérateur afin de
penser à l’amélioration
Manque
de soutien financier de la direction
-Bien expliquer les objectifs de
la démarche et les gains attendus pour convaincre la
direction et avoir son soutien
Non-implication
des opérateurs
Non-collaboration
des opérateurs
-Sensibiliser les opérateurs sur
leur importance dans la réussite de la démarche
-Être à l’écoute de leurs
propositions
-Mettre en place leurs idées
d’améliorations
-Valoriser leur
travail et leur valeur ajoutée
-Sensibiliser les opérateurs sur
les objectifs de la démarche
L’implication des opérateurs et chefs
d’équipes dans la démarche d’amélioration continue et leur
dévouement dans toutes les étapes du projet, permettent d’assurer
la pérennité de la démarche et de planifier d’autres chantiers.
Des tableaux de bord peuvent être installés sur les postes afin de
faciliter le management et permettre plus de réactivité face aux
dérives.
L’amélioration de la méthode de collecte des données et
indicateurs de performance par les opérateurs et chefs d’équipes
en plus d’une campagne de sensibilisation sur leur importance,
permettra d’avoir des informations plus fiables et précises et
donc mieux cibler les axes d’améliorations.
Enfin, des chantiers de capitalisation du savoir-faire des
techniciens de maintenance les plus anciens et expérimentés par la
rédaction des procédures et fiches d’instructions permet la montée
en compétence de l’ensemble de l’équipe de maintenance ce qui
engendre une réduction considérable du temps d’intervention,
entraînant l’augmentation du taux de disponibilité des machines.
La démarche d’amélioration continue proposée
permet de construire le progrès avec les équipes sur le terrain.
L’humain est au centre de cette méthode, la résistance au
changement est donc faible et les salariés sont impliqués et
constituent une force proposition.
Mon rôle dans cette mission était d’être sur terrain, auprès des
opérateurs et chefs d’équipes pour comprendre les processus de
fabrication au début, puis identifier les disfonctionnements et
réfléchir à des solutions avec eux. Ce travail de terrain m’a
permis d’élaborer les documents pour mettre en place la
standardisation. Enfin j’ai eu la chance de former les opérateurs
à ces nouveaux standards.
Cette expérience est très enrichissante pour moi. Elle m’a permis
de consolider mes connaissances en méthodes d’amélioration
continue. En plus, grâce à la forte présence sur terrain, j’ai
approfondi mes connaissances techniques en terme de processus de
fabrication et maintenance, mais aussi cela m’a permis de
développer ma communication et mon interaction avec les
collaborateurs grâce aux échanges à et la co-construction des
idées d’amélioration. Enfin, ce stage m’a permis de bien
comprendre l’importance de l’implication de tous les
collaborateurs dans la réussite d’une démarche d’amélioration.