De l'interaction.

DéfinitionInterface

L'interface est ce à travers quoi l'homme interagit avec l'ordinateur, elle comprend des organes d'entrée (clavier, souris) et de sortie (écran). Ceux-ci peuvent être confondus dans le cas des écrans tactiles.

L'interface informatique agit comme un code qui véhicule des messages culturels (ex. dès 1984, l'interface Macintosh use des métaphores de fichiers, dossiers, bureaux, etc.).

Manovich parle d'interface culturelle pour désigner l'interface homme-machine-culture.

La plupart des codes culturels propres aux nouveaux médias sont empruntés aux anciens médias (ex. l'interface de la page). « Une interface fenêtrée s'apparente moins à à l'écran cinématographique qu'au graphisme moderne qui traite la page comme un assemblage de blocs de données différentes (texte, images, éléments graphiques) mais d'importance égale. » Manovich[1], p. 207

RemarqueDes écrans

Après les écrans statiques (peintures), les écrans dynamiques (cinéma), les écrans en temps réel (radar, télévision), voici les écrans informatiques.

L'écran de cinéma n'est pas l'écran info-graphique, le premier est l'espace d'une représentation le second celui d'une interaction, d'une interface homme-machine.

Du fait de cette interaction, la surface (d'informations) devient en quelque sorte profonde (interface) ! Autrement dit, l'écran n'affiche plus seulement une image de la réalité, il devient un médium d'action sur cette dernière (car c'est à travers l'écran, son tableau de bord personnel, que l'homme peut être dit au commande...).

AttentionLe mythe de l'interactivité

Toute interface homme-machine est interactive, et toute interaction est à la fois physique et psychologique. L'interactivité est donc un truisme.

Le terme « interactivité » est sujet à caution. On peut considérer le terme « interactivité » comme un mythe technico-commercial de l'informatique. Beaucoup d'auteurs l'ont critiqué :

  • ex. Il faudrait ainsi « s'en défaire pour une terminologie fondée sur l'analyse de l'écriture-lecture (et non d'une supposée "interactivité" entre le lecteur et le document) » (Souchier, 2000). D'ailleurs à juste titre que cette écriture-lecture n'est pas nouvelle, en mettant en avant le terme de « lettrure », qui au Moyen-âge désignait de manière indéterminée les activités de lecture et d'écriture, perçues comme une seule et même activité . Mais il est vrai qu'avec le numérique, l'interpénétration très forte de l'écriture et de la lecture est amplifiée.

  • ex. Parler d'interactivité suppose que la machine agit. Or seul l'homme peut agir, puisqu'il n'y a pas d'action sans intention ni sens (Jeanneret, 2000).

  • ex. L'utilisateur d'un programme interactif arborescent peut être qualifié de co-auteur du site. Mais on peut tout aussi bien dire qu'il en est l'utilisateur partiel, en ce sens qu'il n'accède qu'à une partie du tout (la somme des chemins possibles) : il n'active qu'une partie d'une œuvre qui existe déjà dans sa totalité. L'interactivité est un autre moyen de dire qu'on puise des éléments dans une base de données, autrement dit : on ne les crée pas de toutes pièces. En fait, ce que l'on nomme création n'est généralement que la copie-modification de pages existantes. « Il s'agit là d'un nouveau type d'autorialité qui ne correspond ni à l'idée prémoderne (antérieure au romantisme) selon laquelle le rôle de l'auteur ne consistait qu'en une modification mineure de la tradition, ni à l'idée moderne (XIXe et début du XXe siècle) selon laquelle le génie créateur se révoltait contre la tradition. Il correspond parfaitement en revanche, à la logique des sociétés industrielles avancées où presque toute action pratique comporte un choix dans un menu, un catalogue ou une base de données. » Manovich[1], p. 254

Nous sommes conscients des limites du terme d'interactivité, mais nous conservons pourtant l'idée d'une "écriture numérique interactive". Ceux qui refusent l'interactivité ne voient pas la résistance de la machine. L'interactivité permet de penser le fait que ce que j'écris et que je lis n'est pas ma production. Ce n'est pas un je qui répond mais un ça qui agit. Cela m'échappe : ça agit dans la mesure où je n'en suis pas l'auteur. C'est en ce sens que l'on peut parler de l'action de la machine, de même que l'on parle de l'action d'un fleuve sur un bateau. Le terme interactivité est pertinent pour désigner le fait que ce qui m'est présenté par la machine évolue de manière contextuelle aux actions que j'ai sur elle. Mais, en ce cas, la définition de l'interactivité est précisée et donc restreinte, elle suppose l'interposition d'un programme informatique entre l'humain et le système technique d'écriture (d'enregistrement et de restitution). Pour plus de détails, on se reportera à ce texte de Serge Bouchardon.

Il y a interactivité dans la mesure même où l'action du programme nous est masquée :

« Un acte de lecture des signes présents sur l'écran (signes écrits, alphabétiques et non-alphabétiques) est indispensable pour comprendre qu'il peut y avoir d'autres textes, en évaluer la nature et le volume, en susciter l'actualisation. La matérialisation même du texte est donc un produit de la lecture ». « L'économie d'ensemble du texte est-elle toujours dans l'équilibre instable entre le donner à voir et le savoir cacher. Car en matière d'écrit ‘‘interactivité'' signifie, au fond, art de masquer : le texte ne peut être dit interactif, par métaphore, que dans la mesure où il se dissimule lui-même et se révèle insensiblement sous notre regard et nos doigts » Jeanneret[2], p.393 et 394

ComplémentDes récits hypertextuels aux récits interactifs et multimédias.

Récits hypertextuels en déclin :

  • L'écriture hypertextuelle n'est pas aisée. La lecture encore moins. La navigation hypertextuelle s'effectue en effet souvent au détriment de la lecture, dont elle rompt le caractère continu et sédimenté. La mobilisation d'un lien hypertexte, permettant d'accéder à un nouvel élément de contenu parfois fort distant de la lecture en cours, ou fortement décontextualisé, favorise la désorientation et compromet la lecture. Pour ces raisons notamment, et malgré d'indéniables potentialités narratives, les récits hypertextuels n'ont jamais vraiment réussi à s'étendre .

Récits interactifs en plein essor.

  • Dans les créations, l'accent a été progressivement moins mis sur la non-linéarité que sur d'autres possibilités offertes par le numérique : la dimension multimédia, mais surtout d'autres formes d'interactivité pour le lecteur que le seul fait de cliquer sur un lien. Il était par exemple possible pour un lecteur de manipuler un contenu à l'écran ou encore de produire lui-même du texte, qui pourrait venir s'insérer dans le texte du récit lui-même. Ces récits interactifs, qui consistent à raconter une histoire tout en faisant intervenir le lecteur (au niveau de l'histoire, de la structure du récit, ou encore de la narration), mais dont le lien hypertexte n'est pas le seul ressort.

La tendance actuelle est ainsi aux hypermédias animés en ligne qui exploitent conjointement l'affichage dynamique du texte et la dimension multimédia et mettent l'accent sur l'interactivité avec un lecteur. Ces récits interactifs peuvent prendre différentes formes.

  • Livre interactif

  • Webdocumentaire interactif

  • Film interactif

  • Drame interactif (simulation)

  • Récit interactif collaboratif et/ou participatif

  • Récits interactifs urbains

Fondamental

Qu'il s'agisse de récits hypertextuels ou de récits interactifs, la problématique majeure reste la même : réussir à articuler narrativité et interactivité.

L'expression « récit interactif » semble en effet relever d'une contradiction ;

  • La narrativité consiste à prendre le lecteur par la main pour lui raconter une histoire, du début à la fin.

  • L'interactivité, quant à elle, consiste à donner la main au lecteur pour intervenir au cours du récit.