Un conte dont vous êtes le héros !

Hypertexte papier

Raymond Queneau dans Un conte à votre façon (1967) a ouvert la voie au récit hypertextuel sur papier! Est-ce une contradiction dans les termes ?

La version PDF (que vous pouvez le cas échéant imprimer) est différente de l'édition d'origine, où le lecteur a plusieurs fragments narratifs sous les yeux en même temps, mais non tous les fragments.

Ce conte préfigurait dans sa structure même une application interactive propice aux adaptations informatiques :

  • on trouvera un exemple ici (Dalmon) ou (Schreiber).

Question

Peut-on parler d'hypertexte à propos du conte dans sa version originale (papier) ?

Solution

Oui. « On peut parler de proto-hypertexte à propos de Un conte à votre façon dans la mesure où ce récit propose des nœuds (numérotés) reliés par des liens (du type "si oui, passez à 4"). » Bouchardon, 2009, p. 74.

Quel serait l'équivalent d'un lien hypertexte pour la lecture classique ? Ce serait le mouvement oculaire qui permet de passer d'un nœud d'information à l'autre, par exemple une note de bas de page, ou qui s'accompagne d'un geste, par exemple tournez la page.

Question

Est-ce que toutes les versions papiers sont équivalentes ?

Solution

Non. Vous pouvez imaginer une version avec tous les fragments sur une même page et une autre avec un fragment par page.

L'impression du lecteur est différente selon les impressions !

Question

Est-ce que toutes les versions numériques sont équivalentes ?

Solution

Non, bien sûr, l'interface multimédia n'est pas la même et le principe non plus puisqu'il existe même une version Wiki[1] (ici).

Complément

Dans certaine version numérique, comme celle de Dalmon, les deux derniers fragments sont modifiés.

Dans la version papier la dernière page est :

  • 20. Il n'y a pas de suite, le conte est terminé.

  • 21. Dans ce cas, le conte est également terminé

et il est important ici que ces deux fragments soit sur la même page (sinon le "également" perdrait de son sens...)

Dans la version numérique, elle devient :

  • Il n'y a pas de suite, le conte est terminé

  • Mais si vous voulez revivre autrement ces trépidantes aventures.

Cette dernière version aurait été moins pertinente sur papier où l'ensemble des "aventures" possible est, à défaut d'être lu, du moins sous les yeux.

Question

Qu'est-ce qui distingue la version papier de la version numérique de ce conte ?

Solution

Bien sûr ce qui saute aux yeux est d'abord la mise en scène multimédia propre au conte.

ComplémentSerge Bouchardon (2009, p. 81)

Dans la version papier de Queneau :

  • non linérarité de la structure du récit  ;

  • succession matérielle dans la présentation des fragments sur une même page

  • impression de discontinuité : l'ordre de lecture des fragments n'est pas celui de leur présentation sur la page, le lecteur a conscience qu'il saute des fragments de texte.

Dans les versions numériques (de Denize et Magné et de Dalmon) :

  • non linérarité de la structure du récit (respect de la structure du texte de Queneau)

  • fragmentation matérielle (les fragments s'affichent écran après écran)

  • impression de continuité : un écran se substitue à un autre ou un fragment vient s'écrire à la suite du précédent.

Alors qu'on aurait pu attendre l'inverse, l'impression de continuité mais aussi d'irréversibilité est ainsi plus forte dans les versions sur support informatique que dans la version papier de Queneau. [....]. la version papier donne l'impression d'une arborescence de lignes brisées, alors que les versions informatiques donnent l'impression d'une ligne circulaire sans fin.

Question

Peut-on parler d'interactivité aussi bien dans la version papier que dans la version web de ce conte ?

Solution

La possibilité d'embranchements variés dans la trame textuelle ne suffit pas à définir une écriture interactive.

Selon Serge Bouchardon[2], il n'y a pas véritablement d'interaction si le récit n'est pas accessible via un programme informatique.