Le modèle PowerPoint

Une interface n'est jamais neutre. Elle impose une forme d'écriture.

  • ex. le logiciel Microsoft Powerpoint ou le logiciel libre LibreOffice Writer, ou n'importe quel autre logiciel de traitement de document possédant des fonctionnalités de modèle (MSWord, GoogleDocs, Scribus, InDesign, NeoOffice, AbiWord, Lyx...)

Une présentation est divisée en diapositives, chacune étant structurée selon une mise en forme contraignante (nommées pages maîtresses ou masques) et/ou des modèles (templates) qui évitent de partir d'une page blanche.

Les documents maîtres sont des documents qui en contiennent d'autres dans le but des les manipuler (changer l'ordre d'un chapitre, etc.), il ne faut pas les confondre avec les modèles de documents (par exemple le modèle d'une lettre préremplie).

Les volets dans impress

« Le texte du roman court de page en page, celui de la presse se découpe en portions de pages, celui de la présentation Powerpoint s'inscrit strictement dans la succession des pages-écrans. Un propos ne peut pas déborder sur l'écran suivant, sauf au prix de son redécoupage lui permettant d'occuper une nouvelle unité slide tout en restant dans le même sujet » (Tardy et Jeanneret[1], p. 155).

Question

A-t-on attendu PowerPoint pour mettre en image nos présentations orales ?

Solution

Non. Les présentations orales pouvaient être accompagnées de cartes géographiques ou autres, de transparents imprimés et projetés, de documents vidéos, de polycopiés distribués, etc.

Question

En quoi le logiciel PowerPoint (ou équivalent) illustre-t-il la notion de document modèle ?

Solution

Car il contient un modèle d'écriture fondée sur sa présentation orale :

  • Ex. écrire des documents qui présentent des unités discrètes (comme cette liste à puce),

  • Ex. faire des phrases courtes,

  • Ex. construire des unités de sens qui rentrent dans le cadre d'une diapositive, etc.

Il n'est pas rares de se servir d'un PowerPoint pour en écrire un autre (copié-collé universel) : tout texte peut se transformer en matrice pour d'autres textes.

RemarqueLa standardisation architextuelle.

C. Tardy, Y. Jeanneret, et J. Hamard, ont réalisé une étude[1] sur le logiciel Powerpoint.

Ils abordent « PowerPoint comme un architexte qui propose à l'écriture un certain modèle de communication, c'est-à-dire tout à la fois des formes écrites, une logique d'échange et un type d'action » (p. 141). C'est une médiation, un « entre-deux où se côtoient du technique, du sémiotique et du social ».

L'architexte saisit le texte, selon quelques traits saillants :

  • un mode de présence des formes ("cliquez ici pour entre un titre")

  • un certain type d'images du texte (la collection, le cadre, la séquence)

  • une représentation de l'oral dans l'écrit (approche schématique de l'écrit)

  • une conception de la page-écran

  • un mode de dissémination des formes.

L'écrit d'écran propose une forme modèle du rapport entre écrit et oral :

  • la séquentialité de l'oral est projetée sur la spatialité de l'écrit

  • le temps de l'exposé coïncide avec l'espace de l'écriture

  • la schématisation du texte est offerte comme prédilection

  • les formes graphiques du texte sont soumises à un ordonnancement logique de la parole.

« En proposant une organisation graphique et logique du texte et en mobilisant un modèle défini de la communication, PowerPoint a des effets puissants sur le mode d'organisation, de pensée, d'écriture, et même de relation au savoir, chez les scripteurs comme chez les lecteurs-spectateurs » (p.165). « PowerPoint est bien un format contraignant et réducteur, porteur de conceptions très particulières d'une communication industrialisée et optimisée selon certains principes ; il n'en est pas moins, dans sa socialisation, réinterprété en permanence par les situations et les logiques qu'apportent ceux qui le mettent en œuvre : interprétation nécessaire pour que ce qui n'est qu'un outil devienne un espace signifiant. » (p. 171).

Question

Est-ce que les signes sont tous de même nature dans le le cas d'une présentation orale avec PowerPoint ?

Solution

Non. Non seulement ce logiciel permet l'écriture multimédia, mais en mêlant l'oral et l'écrit, il mobilise différentes formes sémiotiques (par exemple un geste, une phrase, et une image). On peut donc parler d'intersémiotisation[2].

Lorsque le medium devient message !

PowerPoint serait-il un bon exemple pour illustrer la fameuse phrase de McLuhan : medium is message ?

Une chose est sûre, il semble impossible d'y distinguer l'outil qui sert à écrire et les textes écrits eux-mêmes. Plus que nulle part ailleurs, le medium prescrit le message écrit.