Le statut du texte en question

Ce qu'il faut entendre par texte est problématique. Pour le moins, il apparaît important de ne pas limiter le texte à l'écriture alphabétique.

Le texte fut le premier medium culturel à être numérisé de façon massive.

Manovich exprime ainsi le nouveau statut du texte :

« D'un côté c'est un type de medium parmi d'autres ; de l'autre, c'est un métalangage des médias informatiques, un code dans lequel ceux-ci sont tous représentés : coordonnées d'objets 3D, valeur des pixels d'images numériques, formatage d'une page en HTML. Le texte est aussi le premier objet de communication entre l'utilisateur et l'ordinateur : l'un tape des simples lignes de commande ou exécute des programmes informatiques écrits dans un sous-ensemble de l'anglais et du français ;l'autre réagit en affichant des codes d'erreur ou des messages textuels. » Manovich, p. 172

Fondamental

Un code informatique ne signifie pas, tandis qu'un texte signifie :

  • l'information comme donnée technique ne signifie rien, elle circule entre les machines 

  • l'information comme pratique sociale signifie mais dans un contexte culturel et historique particulier qui donne sens à la lecture.

Le texte est nécessairement transmis en code et non en matérialité. Les objets textuels qui apparaissent sur nos écrans ne sont pas conservés en tant que tels.

Le contenu ou la structure logique du texte d'une part et sa forme visuelle d'autre part sont pensés séparément. Le génie informatique a dissocié la forme et le fond.

Mais l'informatique demeure une ingénierie des formes textuelles (ex. les logiciels qui affichent des listes de références, ceux qui proposent du prêt-à-éditer, ceux qui cartographies les "folksonomies", etc., sont bel et bien des machines textuelles, qui édite, catalogue, repère, et critique).

AttentionTexte et hypertexte.

L'hypertextualisation fait de tout texte un texte "médian", un texte au mi-lieu d'autres textes, un texte dont le commencement et la fin, l'origine et la destination ne sont pas déterminés – mouvement perpétuel, au milieu d'un texte indéfini.

La relation entre le texte et l'hypertexte est une relation très complexe. Elle n'est pas close comme celle qu'implique l'indexation ou le chapitrage que l'on peut trouver à la fin d'un livre. Bien sûr, entre le texte imprimé, fermé et contrôlé par un auteur et un éditeur, porteurs d'une culture légitime, et l'hypertexte informatique, ouvert et mobile, ce n'est pas seulement nos pratiques qui changent, mais le statut politique du texte.

L'hypertexte s'est présenté comme l'antithèse du texte :

  • texte : clos, linéaire, condamnant le lecteur à la passivité

  • hypertexte : ouvert, réticulaire (disponible pour toutes les bifurcations), rendant chacun lecteur actif

Mais en réalité, rien n'est si simple :

  • car très peu de textes sont purement linéaires (ex. structuration hiérarchique des textes ; ex. notes de bas de page).

  • car les pratiques de lecture ne sont par le miroir du réseau hypertextuel.

L'hypertexte ouvre le texte, mais l'hypertexte n'est pas libre de toutes contraintes ! (ex. un hypertexte "cohérent" est souvent déterminé par métonymie). On ne passe plus d'un espace contrainte à un espace libre, mais d'un espace de contraintes et d'initiatives à un autre. L'hypertextualisation n'est pas une détextualisation, car le texte ne disparaît pas devant l'hypertexte.