Drôles de romans !

Non-roman

Le Non-roman est une œuvre originale de Lucie de Boutiny (1997-2001).

Non-roman est un récit hypertextuel multimédia qui a été publié en ligne par la revue Synesthésie de 1997 à 2000 (6 épisodes). Ce récit propose une satire de la vie quotidienne d'un couple aliéné par la société de l'information.

Après avoir pris le temps de parcourir ce non-roman, tentez de répondre aux questions suivantes.

Pour en savoir plus, on pourra lire cet entretien avec Lucie de Boutiny.

Question

Selon vous, quelle est la notion fondamentale pour comprendre ce Non-roman ?

Solution

Il s'agit de l'hypertextualisation[1]. Ici, les liens hypertextes ont une fonction elliptique [2]: il revient au lecteur de combler les vides narratifs.

Les liens hypertextes sont donc des dispositifs narratifs qui confèrent au récit une certaine virtualité.

Question

Tentez de résumer vos impressions de lecteur face à ce nouveau type de roman.

Solution

  • Le lecteur est complètement dérouté car il ne peut plus s'appuyer sur ses habitudes de lecture : tous ses repères ont ici disparu !

  • Le lecteur ne sait pas ce qu'il y a "derrière" chaque lien. Cependant, la non-explicitation des liens n'entraîne pas une désorientation, au contraire elle construit le cadre narratif.

  • Il y a tout un jeu sur les cadres et les fenêtres. La disposition en deux cadres côte à côte (frames) permet une adéquation entre forme et fond.

  • Certains liens permettent au lecteur de faire des sauts dans le temps suivant une ellipse[3].

Question

Est-que tous les hypertextes sont de même nature ?

Solution

Non, bien sûr, et c'est tout l'intérêt de l’œuvre : elle intègre des sites non fictionnels dans la narration ou encore permet au lecteur d'écrire des courriels à un personnage de fiction.

Serge Bouchardon (2002), dans son analyse de Non-roman, a proposé la typologie suivante :

  • lien méta-narratif: depuis le récit lui-même, un lien permet d'accéder à un fragment paratextuel (texte théorique, mode d'emploi, visualisation de la structure ou du parcours...). L'importance du paratexte est une constante du récit interactif. Dans certains cas, un lien méta-narratif entraîne un effacement de la frontière texte/paratexte. La visualisation de la structure ou du parcours peuvent se matérialiser sous forme de cartes, d'index...

  • lien narratif : lien pointant vers un autre fragment narratif, qu'il s'agisse du fragment narratif constituant la « suite » du récit, d'une bifurcation, d'une incise, d'un fragment tiré de façon aléatoire...

  • lien péri-narratif : lien conduisant vers une explication ou un commentaire du narrateur. Le lien péri-narratif est à différencier du lien méta-narratif dans la mesure où c'est le narrateur, et non l'auteur, qui s'exprime.

  • lien intra-narratif : lien emmenant vers un autre récit enchâssé dans le récit premier.

  • lien extra-narratif : lien donnant accès à un « hors récit ».

Conseil

Pour plus de détails, on se reportera aux analyses de Serge Bouchardon : Hypertexte et art de l’ellipse. D'après l'étude de NON-roman de Lucie de Boutiny

Il existe bien des manières de jouer de l'hypertexte. La lecture y devient parfois une dérive.

Consultez cette œuvre de Catherine Lenoble : Petit Bain.

Petit bain

Question

Quelle est la principale différence avec le Non-roman précédent ?

Solution

Il y a plusieurs différences, indiquons en quelques unes, la dernière étant probablement la principale :

  • différences de mises en formes, de mises en page ; il y a encore moins de linéarité que dans l'œuvre précédente, et la symbolique du réseau est d'ailleurs dessinée à l'écran.

  • il y a quinze textes en tout, quinze fragments, qui constituent l'éclatement du récit ; le seul point d'entrée à ces textes est constitué de mots clés, comme un nuage de tags.

  • c'est un chantier ouvert à la collaboration, qui a pour volonté avoué de faire disparaître l'Auteur ; c'est un espace ouvert, publié sous licence Creative Commons, où les textes peuvent être remixés.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse.

Jan Potocki (1761-1815).

Le Manuscrit trouvé à Saragosse est un roman fantastique de l'écrivain polonais francophone Jean Potocki.

Mariusz Pisarski et Jakub Niedziela, nous ont offert une version web : Manuscrit trouvé à Saragosse.

Question

Quelle est la principale différence avec les deux "romans" précédents ?

Solution

Il s'agit d'un roman qui n'a pas été écrit pour le numérique (et pour cause il date du début du XIXe siècle !). Il s'agit d'une adaptation hypertextuelle.

Ce récit, fragmentaire, s'offrait très bien à son adaptation numérique, dont le but explicite est de faire ressortir, par les liens hypertextes, le dialogue entre les parties et le tout, ou de donner à voir l'ensemble par des analogies entre parties, des renvois incessants entre les narrateurs et les héros.

Question

Le texte du livre original est-il changé ? Et sinon, qu'est-ce qui change ?

Solution

Le texte du livre reste inchangé, mais ce n'est pas pour autant une simple retranscription numérique d'un roman papier, car c'est un roman enrichi par des outils de navigation supplémentaires. C'est un roman nouvellement structuré, qui se donne à lire autrement, par tableau et par carte, et donc ce n'est plus tout à fait le même texte.

Laissons la parole aux éditeurs, Mariusz Pisarski et Jakub Niedziela :

« Près de mille liens internes (dans les tableaux de narrateurs) et externes (dans les tableaux de héros) ce n'est pas tout. La version hypertextuelle du Manuscrit trouvé à Saragosse contient environ 200 liens textes.... On ne dévoile pas exprès le principe d'une telle division, pourtant il existe et le défi consiste à le trouver. Ainsi, à travers les vagabondages dans les cols, vallées et abîmes de l'œuvre, on propose au lecteur un jeu littéraire pour découvrir les traces (non) effacées de la lecture subjective de l'éditeur. »

Trois Espaces.

Consultez le Récit des Trois espaces, initié par Carole Lipsyc.

Question

En quoi ce récit est-il plus qu'un roman ?

Solution

Ici, la multiplication des parcours de lecture s'accompagne d'une multiplication des supports et des modes de lecture et d'écriture. C'est ce que suggère l'auteur avec son idée de "récit variable", défini sur la page d’accueil, ou dans la citation ci-dessous.

« Si Le Récit des 3 Espaces peut être écrit par tout le monde, se lire dans tous les sens et être diffusé sur tous les média, c'est parce qu'il ne s'agit pas d'un texte traditionnel. Le Récit des 3 Espaces n'est pas une histoire avec un début et une fin. C'est un univers. Un univers dans lequel des personnages vivent, des journaux paraissent, des cours ont lieu, des encyclopédies sont éditées, des lettres s'échangent. Dans la lecture, vous découvrez cet univers et dans l'écriture vous le créez. »