L'hypertexte dans tous ses états.

Nombreuses sont les œuvres qui ne se contentent pas d'utiliser le lien hypertexte pour construire un récit ouvert, elles questionnent notre rapport à l'hypertexte. Car nous sommes devenus tellement familier de l'hypertexte que nous ne le voyons même plus ! Ce pourquoi, bien des œuvres cherchent à dérouter nos habitudes hypertextuelles.

En 1997, un collectif de jeunes créateurs a par exemple publié l'hyperfiction Les Récits voisins, où l'installation de liens hypertexte de couleurs différentes sur un même texte permet d'explorer les facettes, focalisations ou points de vue d'un récit – une fonctionnalité qui semblait contenir un grand potentiel informationnel, narratif, poétique et heuristique, et qui aurait bien pu être exploitée aussi dans le design d'information. Or, des éditeurs html comme Dreamweaver que le grand public découvrait à la même époque, définissent automatiquement les propriétés des liens (dont les couleurs) pour toute une page, voire tout un site ; pour les modifier, le créateur doit se détacher des fonctionnalités prédéfinies et entrer dans le détail des ba lises html. Non seulement doit-il pour cela disposer de connaissances qu'une utilisation « standard » de ce logiciel ne requiert pas ; encore faut-il avoir l'idée de mettre en question un standard auquel aujourd'hui des millions de pages web l'ont définitivement habitué.

Alexandra Saemmer, L'intégration des pratiques créatives dans l'enseignement de la culture informationnelle (2011). Consultable ici [pdf].

Question

Comparez ces trois œuvres d'Annie Abrahams :

Laquelle pose explicitement la question de l’hypertexte ?

Solution

C'est "Comprendre", qui illustre l'idée de désorientation hypertextuelle.

L'auteur propose de nombreux liens hypertextes (parfois contradictoires), et cela simultanément, ce qui crée un sentiment d'incertitude.

Question

Quel est le questionnement commun à Ne me touche pas et à Séparation ?

Solution

Les deux œuvres questionnent notre désir de toujours cliquer compulsivement sur l'écran

Séparation cherche à nous faire prendre conscience de notre corps devant notre ordinateur : le texte se donne à lire que si nous ne cliquons pas trop vite.

Ne me touche pas joue sur l'incompatibilité apparente entre narrativité et interactivité pour suggérer sans doute au lecteur d'apprendre à résister à son désir de cliquer, mais aussi à appréhender différemment les représentations – notamment en ligne – du corps féminin.

Broméliacées à face blanche sur 20 hectares

Les liens hypertextes fonctionnent tous sur le même principe d'adressabilité[1] propre au numérique, mais ils n'ont pas tous le même sens, et certains ne font pas sens.

Consultez le poème suivant : Broméliacées à face blanche sur 20 hectares, de Loss Pequeno Glazier.

Question

Est-ce que cette œuvre fonctionne avec des liens hypertextes ?

Solution

Oui, chaque numéro ("dos", "tres", etc.), ouvre vers une nouvelle page, donc en ce sens (minimal) c'est bien un lien hypertexte.

Mais c'est un lien hypertexte pauvre, car il n'est pas associé à une signification, il ne renvoie pas à une interprétation ou à un questionnement du lecteur. Il se résume au geste de tourner la page, avec cette différence essentielle cependant qu'ici la page suivante est générée aléatoirement par le programme.