Désordre et dérive

Désordre

Rendez-vous sur le site desordre.net de Philippe de Jonckheere, en constante évolution depuis sa création en 2001.

Question

Selon vous, pourquoi l’œuvre porte-t-elle ce titre ?

Solution

Philippe de Jonckheere détourne le format traditionnel du site web avec son menu clairement organisé en rubriques pour créer un site d'auteur dans lequel sont exploités le désordre et la désorientation hypertextuelle.

L'expérience de lecture du Désordre repose sur le plaisir de la dérive et de la découverte aléatoire des différents fragments (textuels, photographiques, vidéographiques) qui le composent.

Question

Derrière le désordre apparent, existe-t-il une narration ?

Solution

De nombreuses parties du site sont narratives, par exemple le récit hypertextuel intitulé « Chinois (ma vie) ». Mais on peut considérer que l'ensemble du site a lui-même une visée narrative.

Que nous suggère l'auteur avec la mise en scène d'un tel dispositif ? Qu'il n'est pas facile de se raconter et de saisir son « identité narrative », qu'il n'est pas facile de raconter sa propre vie de façon linéaire et ordonnée. Entre autres, parce que nos trajectoires sociales sont de moins en moins rectilignes, et nos appartenances sociales sont de moins en moins homogènes. Le récit que l'on peut faire de sa vie prend plus que jamais la forme d'un patchwork, d'un bricolage, d'un montage d'éléments divers.

Le récit interactif semble donc correspondre à une vie contemporaine dont la narration serait multiple, enchevêtrée, mobile, instable.

Dérive

Il faut prendre les métaphores maritimes au sérieux. Nous l'avons vu un des enjeux de l'écriture et de la lecture hypertextuelle se joue dans le jeu entre la navigation et la dérive. Dans son blog pour une philosophie du numérique, Marcello Vitali revient sur ces métaphores et indiquent des œuvres de qualité qui les exploitent, que nous vous invitons à découvrir :

«  une série d'expériences littéraires en ligne s'approprient la métaphore du parcours-navigation et la réinterprètent. Des topoï comme celui de la flânerie, de la déambulation et – on remonte sur le bateau – de la dérive réapparaissent et s'imposent. Il s'agit de forcer le Net à être lui-aussi un espace comme la mer – et donc un lieu où l'on peut retrouver l'ennui, les temps longs et le sentiment océanique. Je pense par exemple à Cécile Portier et à son Étant donnée, à Victoria Welby et à ses dérives, à Pierre Ménard et à ces dérives (ou à ses promenades newyorkaises) à mettreausecret et ses filatures (Mettreausectret qui a d'ailleurs récemment disparu en effaçant toutes ses traces... autre pratique troublante qui peut être utilisée pour retrouver la mer dans le Net). C'est aussi ce que j'essaie de faire avec mes Navigations – dont j'explique ici le nom... »

Question

En quoi cette œuvre de (2010), Explication de texte, vous inspire-t-elle la dérive?

Solution

Ici la dérive prend le nom de digression.

Si un des risques essentiels de la lecture hypertextuel est la digression permanente, cette digression hypertextuelle est aussi un très bon moyen de créer une œuvre ludique qui se joue de cet épuisement du texte. Ici les hypertextes, sous formes de remarques, miment les associations d'esprit, les discours seconds, les anecdotes qui accompagnent chacune de nos lectures. Et on en perd le fil, ou plutôt on divague...