Du support de notre esprit.
Écrire[1] c'est au minimum inscrire une trace sur un support.
Pour un aperçu de l'histoire des supports de l'écriture, on pourra consulter cette petite vidéo pédagogique (on pourra aussi se reporter à cette belle exposition : mille ans d'écriture dans l'Oise).
Le support de l'écrit, ou medium de sa transmission, n'est pas sans effet sur la manière d'écrire, et à travers elle sur la manière de vivre et de penser.
Exemple :
Les historiens du livre ont montré que du rouleau (volumen) que l'on déroule au livre (codex) dont on tourne les pages, les conditions de la lecture et de l'écriture sont radicalement modifiées. | Rouleau |
Exemple :
Le sens d'un texte, d'une image, d'une combinaison de textes et d'images, dépend de son support. Ex. Tout le monde connaît probablement Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry.
Mais on aurait pu penser différemment cette édition numérique, car dans cet exemple, le support écran peut simuler le support page et exiger de la part de l'utilisateur un geste comparable à celui de tourner la page. Le numérique apporte des possibilités d'écriture et de lecture, mais en abandonne d'autres : tout ce que permettait le livre imprimé ou le cahier de l'écolier, n'est pas simulable à l'aide d'un clavier et d'un écran. |
Rappel : Supports de mémoire.
Définition : La théorie du support
Cette théorie a été développée par Bruno Bachimont. Selon la théorie du support[2] notre connaissance procède d'une inscription sur un support matériel, dont elle est l'interprétation. Dès que l'écriture adopte un nouveau support technique, alors cela modifie l'inscription, la mobilisation, et la circulation de la mémoire.
Ex. Un livre, une cassette vidéo ou un logiciel véhiculent des connaissances en leur offrant un support de mémorisation et de manifestation.
Si toute connaissance repose sur une inscription, toute inscription[3] d'un contenu ne suffit pas à faire une connaissance ou un document[4].
La théorie du support permet de comprendre pourquoi on peut parler d'ingénierie des connaissances[5]. La théorie du support comprend l'écriture comme une technologie intellectuelle, elle cherche à étudier le passage de la raison graphique à la raison numérique ou computationnelle[6].
Pour le papier, et pour le papier seulement :
le support d'enregistrement et le support d'appropriation sont confondus (le support sur lequel on lit est celui que l'on range et stocke).
les formes d'enregistrement et d'appropriation sont confondues (ce qu'on lit est bien ce qu'on a inscrit sur un support)
De ce fait, il y a une symétrie entre la lecture et l'écriture, l'enregistrement et la restitution. De ce fait, savoir lire c'est savoir écrire.
Pour le numérique, et pour le numérique seulement :
non seulement le support d'enregistrement et le support d'appropriation ne sont plus confondues (commun avec l'audiovisuel)
mais aussi les formes d'enregistrement et les formes d'appropriation ne sont plus confondues
Ce qui est consulté n'est pas ce qui est archivé, l'enregistrement n'est pas le document, il est une ressource qui peut se lire différemment, à partir de différents supports de restitution. Tout contenu, spatial ou temporel, peut être codé pour être ensuite reconstruit sur différents supports. Le numérique étant sans sémantique propre, tout code donne lieu à une ré-invention en fonction du codage adopté.
les formats d'inscription et de manipulation sont confondus – ce pourquoi nous nommons manipulabilité[8] la propriété fondamentale de l'écriture informatique et de l'écriture numérique.