Présentation de nos modules d'écriture numérique
L'écriture numérique[1], c'est l'écriture en milieu numérique (supports, outils, formats numériques).
Désormais nombre de pratiques qui ne relevaient pas de l'écrit relèvent désormais de l'écriture :
ex. un logiciel de messagerie fait entrer dans le seul univers de l'écrit, des pratiques qui, précédemment, relevaient de diverses matérialités, de divers lieux et de divers rôles (par exemple le postier qui envoie la lettre et le facteur qui la dépose).
Il ne faut pas confondre l'écriture numérique (l'écriture instrumentée par les technologies numériques) avec l'écriture informatique (l'écriture du code).
Serge Bouchardon a montré que l'écriture et la lecture numérique, et donc la littérature numérique, reposent sur des tensions :
tension entre le récit (construction temporelle) et le programme (espace clos de combinatoire) ;
tension entre la textualité comme objet et comme processus ;
tension entre l'œuvre comme archive stockée et comme réécriture et réinvention.
L'écriture numérique est programmée, au sens où elle repose sur un programme informatique et elle est conditionnée par lui sous sa forme de logiciel. La dimension programmée de l'écriture numérique entraîne deux conséquences :
- le programme est dissimulé aux yeux de l'utilisateur (opacité) ;
- l'exécution du programme est susceptible d'évoluer, il est instable dans le temps (labilité).
Remarque : Techniques d'écriture et cultures de l'écrit.
L'écriture numérique[1], pour être comprise, convoque, au minimum, un aspect technique et un aspect sémiotique.
Dans l'écriture numérique, il y a toujours une tension entre la technologie du logiciel et la culture des formes écrites, entre programmation informatique et formes textuelles. Toute écriture numérique repose sur deux plans superposés :
technologique (machine à la fois logique ou formelle et électronique)
et culturel (prolongement de formes médiatiques plus anciennes, comme le régime de l'édition, de l'audiovisuel, du tableau de commande).
Ex. On peut identifier deux schèmes organisateurs propres aux "écrits d'écran" : le panorama et le synopsis qui prolongent différemment la liste et la carte dans la culture de l'imprimé (cf. Flon et Jeanneret, 2010).
Complément : Les différentes modalités de l'écriture numérique.
Il existe plusieurs modalités d'écriture numérique, qui soulignent l'interpénétration très forte de l'écriture et de la lecture :
écrire avec plusieurs formes sémiotiques différentes (texte linguistique, image, son, vidéo) :
écriture multimédia qui met en relation différentes formes sémiotiques.
écrire/lire en interagissant avec un programme :
écriture interactive (l'écriture hypertextuelle par exemple).
écrire un même texte à plusieurs et en même temps :
écriture collaborative (synchrone).
écrire sous un certain format :
écriture sous modèle (écrire avec tel ou tel logiciel).
Ces modalités de l'écriture numérique se distinguent mais ne se séparent pas, elles sont bien évidemment composables, elles ne sont pas exclusives les unes des autres (ex. on parlera ainsi d'écriture hypermédia quand celle-ci articule hypertextualité et multimédia) ; leurs frontières ne sont pas étanches, elles se complètent plutôt qu'elles ne s'opposent (écrire collaborativement en ligne implique également d'interagir avec un programme).
De la même manière, nous avons ajouté à nos formations un autres module, encore plus général, qui, là aussi, a pour but de faire saisir une pratique et une idée de l'écriture numérique, plutôt que de catégoriser un type d'écriture numérique isolé et indépendant des autres :
l'écriture des traces - le fait que le numérique engage une traçabilité généralisée des documents et des individus.
Complément : Les différentes modalités de l'écriture numérique ne sont pas nouvelles
Ni l'association de plusieurs types de signes, ni la non-linéarité qui caractérise toute forme écrite, ni la virtualité du sens lié à l'interprétation du lecteur, ni en conséquence l'interactivité du processus d'écriture-lecture ne sont choses nouvelles. Aussi les prophéties ont-elles appelé la dénégation : la glose médiévale avait déjà été un hypertexte, l'animation multimédia serait une variante de l'illustration, l'écran informatique serait un volumen. C'est ne pas sortir du dilemme selon lequel il faudrait, soit se situer au-delà de l'écriture, soit en reproduire l'histoire (Jeanneret, 2001 : 388).
Définition : La variabilité de l'écriture numérique
La variabilité, c'est d'abord celle du code informatique, qui repose sur des variables intégrées dans des programmes.
La variabilité est également celle de l'affichage d'un contenu à l'écran. Ce qui est affiché sur l'écran sur le Web est le résultat d'un traitement en continu des informations. L'affichage ne sera jamais exactement le même d'une consultation à une autre ni d'un utilisateur à un autre (on retrouve ici les principes des créations de Jean-Pierre Balpe fondées sur la génération de texte dès les années 80, toujours différentes d'une lecture à l'autre et d'un lecteur à l'autre).
C'est enfin la variabilité d'un contenu dans le temps (entraînée par la variabilité des dispositifs techniques).
Selon Serge Bouchardon, ces trois dimensions de la variabilité sont articulées : dans la mesure où le code comprend des éléments auxquels on peut attribuer différentes valeurs (variables), l'écriture est conçue de façon à pouvoir connaître des variations (en tant que procédé de composition) et est effectivement sujette à variations dans le temps (variantes).
Dans cette variabilité il y a bien sûr des éléments ou des formes stables, des cadres pour la composition et la génération du contenu d'une page Web.