Ce sont des matériaux biomimétiques : de minuscules particules de polymère moulées autour d'une molécule cible dont elles conservent l'empreinte. D'où leur propriété : elles reconnaissent et neutralisent cette cible exactement comme le fait un anticorps avec un agent pathogène.
"Ces anticorps synthétiques, qu'on appelle polymères à empreinte moléculaire (MIP, en anglais), sont connus depuis longtemps, explique Jeanne Bernadette Tse Sum Bui, du laboratoire génie enzymatique et cellulaire (GEC) de l'UTC. Mais, au GEC, nous travaillons sur de nouvelles applications. Avec L'Oréal, nous avons par exemple démontré qu'ils pouvaient servir de principe actif à un déodorant, car ils piègent les molécules à l'origine des odeurs de transpiration avant que les bactéries présentes sur la peau ne les dégradent en composés volatils malodorants." L'intérêt ? S'affranchir des ingrédients classiques des déodorants : sels d'aluminium potentiellement toxiques et cancérigènes et/ou antibactériens qui, à la longue, peuvent perturber la flore cutanée servant à lutter contre les pathogènes et favoriser l'apparition de bactéries résistantes. Les MIP, eux,n'altèrent en rien cette flore. Et, quoique microscopiques, sont trop gros pour franchir la barrière de la peau.
"Les anticorps synthétiques sont aussi très prometteurs dans le domaine biomédical, souligne Jeanne Bernadette Tse Sum Bui. Aujourd'hui, nous cherchons à les utiliser pour détecter les biomarqueurs de maladies : par exemple, l'acide sialique, dont la présence en grande quantité peut indiquer un cancer. L'idée : développer des MIP ciblant la molécule d'acide sialique et y intégrer un monomère fluorescent, qui se colore lorsqu'il est excité par une source lumineuse. En observant un prélèvement cellulaire incorporant ces MIP au microscope de fluorescence, on verra apparaître des taches de couleur désignant chacune une molécule d'acide sialique piégée par un MIP. Il devrait donc s'agir d'un moyen fiable pour quantifier précisément les molécules d'acide sialique et savoir si les cellules sont vraiment cancéreuses."
Mieux : les MIP pourraient même servir de vecteurs pour des traitements ciblés, qu'ils libéreraient uniquement sur les tissus malades, sans effets secondaires sur les tissus sains. Une piste que GEC entend également explorer. En novembre 2017, Bernadette Tse Sum Bui a reçu la médaille de cristal du CNRS.