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  • Abécédaire de l'innovation

    Le second volet de l'abécédaire de l'innovation qui pré­sente les champs de recherche émer­gents de l'UTC.

    Anti­corps synthétiques 
    Big Data
    Com­por­te­ment cellulaire 
    Dislocations 
    Encap­su­lage acoustique 
    Éco­no­mie de Fonctionnalité 
    Ges­tion des actifs physiques 
    Milieux Hétérogènes 
    Interfaces 
    Jeu de for­mu­la­tions pour une ali­men­ta­tion saine 
    Kine­ma­tics of the human body 
    Ludification 
    Micro­sys­tèmes pour micro-usines 
    Réso­nance magné­tique Nucléaire 
    Objets bio­mé­di­caux connectés 
    Pathogénicité 
    Qua­trième révo­lu­tion industrielle 
    Réseaux élec­triques intelligents 
    Sûre­té de fonctionnement 
    Thé­ra­pies vasculaires 
    Usages sociaux des technologies 
    Vision par ordinateur 
    Wikipédiens 
    Struc­tures XXL en condi­tions extrêmes 
    HYdro­gène
    Z : une équa­tion stochastique 
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    Anti­corps synthétiques 
    Anti­corps synthétiques 
    Jeanne Ber­na­dette Tse Sum Bui

    Ce sont des maté­riaux bio­mi­mé­tiques : de minus­cules par­ti­cules de poly­mère mou­lées autour d'une molé­cule cible dont elles conservent l'empreinte. D'où leur pro­prié­té : elles recon­naissent et neu­tra­lisent cette cible exac­te­ment comme le fait un anti­corps avec un agent pathogène.

     

    "Ces anti­corps syn­thé­tiques, qu'on appelle poly­mères à empreinte molé­cu­laire (MIP, en anglais), sont connus depuis long­temps, explique Jeanne Ber­na­dette Tse Sum Bui, du labo­ra­toire génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC) de l'UTC. Mais, au GEC, nous tra­vaillons sur de nou­velles appli­ca­tions. Avec L'Oréal, nous avons par exemple démon­tré qu'ils pou­vaient ser­vir de prin­cipe actif à un déodo­rant, car ils piègent les molé­cules à l'origine des odeurs de trans­pi­ra­tion avant que les bac­té­ries pré­sentes sur la peau ne les dégradent en com­po­sés vola­tils mal­odo­rants." L'intérêt ? S'affranchir des ingré­dients clas­siques des déodo­rants : sels d'aluminium poten­tiel­le­ment toxiques et can­cé­ri­gènes et/ou anti­bac­té­riens qui, à la longue, peuvent per­tur­ber la flore cuta­née ser­vant à lut­ter contre les patho­gènes et favo­ri­ser l'apparition de bac­té­ries résis­tantes. Les MIP, eux,n'altèrent en rien cette flore. Et, quoique micro­sco­piques, sont trop gros pour fran­chir la bar­rière de la peau.

     

    "Les anti­corps syn­thé­tiques sont aus­si très pro­met­teurs dans le domaine bio­mé­di­cal, sou­ligne Jeanne Ber­na­dette Tse Sum Bui. Aujourd'hui, nous cher­chons à les uti­li­ser pour détec­ter les bio­mar­queurs de mala­dies : par exemple, l'acide sia­lique, dont la pré­sence en grande quan­ti­té peut indi­quer un can­cer. L'idée : déve­lop­per des MIP ciblant la molé­cule d'acide sia­lique et y inté­grer un mono­mère fluo­res­cent, qui se colore lorsqu'il est exci­té par une source lumi­neuse. En obser­vant un pré­lè­ve­ment cel­lu­laire incor­po­rant ces MIP au micro­scope de fluo­res­cence, on ver­ra appa­raître des taches de cou­leur dési­gnant cha­cune une molé­cule d'acide sia­lique pié­gée par un MIP. Il devrait donc s'agir d'un moyen fiable pour quan­ti­fier pré­ci­sé­ment les molé­cules d'acide sia­lique et savoir si les cel­lules sont vrai­ment can­cé­reuses."

     

    Mieux : les MIP pour­raient même ser­vir de vec­teurs pour des trai­te­ments ciblés, qu'ils libé­re­raient uni­que­ment sur les tis­sus malades, sans effets secon­daires sur les tis­sus sains. Une piste que GEC entend éga­le­ment explo­rer. En novembre 2017, Ber­na­dette Tse Sum Bui a reçu la médaille de cris­tal du CNRS. 

    Big Data
    Big data 
    Yves Grand­va­let

    Le véhi­cule auto­nome fait par­tie des thèmes phares sur les­quels tra­vaille le labo­ra­toire heu­ris­tique et diag­nos­tic des sys­tèmes com­plexes (Heu­dia­syc) de l'UTC.

     

    Pour rou­ler sans conduc­teur, une voi­ture de ce type est équi­pée de camé­ras et autres cap­teurs enre­gis­trant en per­ma­nence quan­ti­té de don­nées sur la scène rou­tière : signa­li­sa­tion, pré­sence d'autres voi­tures, de cyclistes, de pié­tons, etc. Autant d'informations trai­tées par un sys­tème à base d'intelligence arti­fi­cielle qui, en temps réel, doit ana­ly­ser la situa­tion et déci­der des actions à réa­li­ser : stop­per la voi­ture si le feu passe au rouge ou si un pié­ton tra­verse la chaus­sée, ne pas dou­bler si un véhi­cule arrive en sens inverse… "Pour cela, il faut au préa­lable lui avoir appris à recon­naître tous les objets sus­cep­tibles de se trou­ver dans l'environnement de la voi­ture et les règles de déci­sion à appli­quer, explique Yves Grand­va­let, direc­teur adjoint d'Heudiasyc et spé­cia­liste de machine lear­ning. Et, dans ce domaine, le big data a chan­gé la donne."

     

    Jusqu'à pré­sent, pour apprendre à un algo­rithme ce qu'est un pié­ton ou une voi­ture, il fal­lait en effet le nour­rir de mil­liers d'images de pié­tons ou de voi­tures, dont chaque pixel com­por­tait une éti­quette lui indi­quant qu'il s'agissait d'un pié­ton ou d'une voi­ture. Pro­blème : ces don­nées coûtent cher, car leur éti­que­tage se fait à la main. "La nou­veau­té, c'est qu'au fil des ans, des quan­ti­tés mas­sives d'images ont été enre­gis­trées en rou­lant avec des véhi­cules, sou­ligne Yves Grand­va­let. Des images qu'il n'est plus for­cé­ment néces­saire d'étiqueter parce qu'elles sont abon­dantes et, de ce fait, apportent suf­fi­sam­ment d'information pour qu'un algo­rithme rela­ti­ve­ment simple construise une bonne repré­sen­ta­tion d'un objet. Aujourd'hui, notre objec­tif est donc d'utiliser le moins pos­sible d'images éti­que­tées et nos pre­miers résul­tats sont encou­ra­geants. Nous déve­lop­pons des algo­rithmes d'apprentissage pour des modèles dont la connais­sance du monde est limi­tée à l'extrême. Ils apprennent ce qu'est un pixel de pié­ton sans savoir ce qu'est un pié­ton. Tout ce qu'ils savent, c'est que des pixels voi­sins sont voi­sins. Pour­tant, grâce à la pro­fu­sion de don­nées dis­po­nibles, ils sont capables de recon­naître des pié­tons, des immeubles, des voi­tures, aus­si bien que s'ils avaient ingur­gi­té des cen­taines d'images éti­que­tées pour chaque type d'objet."

    Com­por­te­ment cellulaire 
    Com­por­te­ment cellulaire 
    Chris­tophe Egles

    Com­ment rendre un maté­riau bio­fonc­tion­nel, de sorte qu'il dirige, module ou modi­fie le com­por­te­ment des cel­lules du corps humain ? Cher­cheur au labo­ra­toire bio­mé­ca­nique et bioin­gé­nie­rie (BMBI) de l'UTC, Chris­tophe Egles est spé­cia­liste de cette ques­tion. Par­mi les inno­va­tions sur les­quelles il tra­vaille, l'utilisation de soie pour favo­ri­ser la régé­né­ra­tion d'un nerf sec­tion­né. "À condi­tion d'orienter les fibres ner­veuses pour qu'elles repoussent toutes dans la même direc­tion, et non dans tous les sens, le nerf se recons­ti­tue, explique-t-il. Aujourd'hui, pour gui­der les cel­lules qui repoussent, on peut gref­fer un mor­ceau d'un autre nerf du patient aux deux extré­mi­tés du nerf sec­tion­né. Mais encore faut-il avoir la pos­si­bi­li­té de pré­le­ver ce gref­fon sur un nerf dont la fonc­tion n'est pas essen­tielle, ce qui n'est pas tou­jours le cas. D'où l'idée de déve­lop­per un nerf bio­ar­ti­fi­ciel en soie, maté­riau qui offre plu­sieurs avan­tages : il est natu­rel et a déjà fait ses preuves dans le domaine bio­mé­di­cal, notam­ment pour les fils de suture, ce qui est un atout pour ame­ner plus vite une nou­velle appli­ca­tion sur le mar­ché."

     

    En fai­sant appel à l'électrofilage, tech­nique per­met­tant de pro­duire et mettre en forme des nano­fibres de poly­mère, le cher­cheur a fabri­qué de petits tubes de soie bio­mi­mé­tiques (res­sem­blant à de vrais nerfs), qu'il a enri­chis avec des fac­teurs de crois­sance : des agents faci­li­tant la repousse des neu­rones (les cel­lules dont les pro­lon­ge­ments consti­tuent les nerfs). Dans un pre­mier temps, il a culti­vé des neu­rones in vitro sur ces nerfs bio­ar­ti­fi­ciels. Expé­rience concluante : parce que toutes leurs fibres sont orien­tées dans le même sens, les tubes de soie servent effec­ti­ve­ment de rail gui­dant les pro­lon­ge­ments des neu­rones dans la bonne direc­tion. Puis, dans un deuxième temps, un nerf bio­ar­ti­fi­ciel a été gref­fé sur des rats dont le nerf scia­tique était sec­tion­né. Résul­tat pro­met­teur, là encore : le nerf lésé s'est recons­ti­tué. Reste main­te­nant à vali­der si cette tech­nique per­met aux ani­maux de recou­vrer une marche normale.

     

    Mais la soie pour­rait aus­si trou­ver d'autres appli­ca­tions en ingé­nie­rie cel­lu­laire. Chris­tophe Egles étu­die par exemple cette solu­tion pour conce­voir des pan­se­ments intel­li­gents, accé­lé­rant la cica­tri­sa­tion de plaies se refer­mant mal, ou pour recou­vrir un implant en titane afin d'aider les tis­sus à s'y attacher. 

    Dislocations 
    Dislocations 
    Ahmad El Hajj

    Métaux, alliages métal­liques et autres maté­riaux cris­tal­lins com­portent des lignes de défauts appe­lées dis­lo­ca­tions : des dis­con­ti­nui­tés dans leur orga­ni­sa­tion ato­mique à l'échelle micro­sco­pique – par exemple, des endroits où il manque un atome. Lorsqu'on exerce une force sur le maté­riau, ces lignes se déplacent mais ne reviennent pas à leur posi­tion ini­tiale. C'est ce qui explique les défor­ma­tions plas­tiques d'un maté­riau au fil des ans.

     

    À l'UTC, Ahmad El Hajj, du labo­ra­toire de mathé­ma­tiques appli­quées de Com­piègne (LMAC) de l'UTC, met en équa­tions la dyna­mique des dis­lo­ca­tions : la manière dont elles se déplacent en fonc­tion de la nature du maté­riau, de sa tex­ture et des contraintes qu'il subit (effort, cha­leur…). Objec­tif : pré­dire com­ment il se sera défor­mé dans dix ans, cent ans ou plus et, sur­tout, étu­dier sa résis­tance dans le temps. "En labo­ra­toire, on peut faire des tests sur quelques jours, voire un an, mais pas sur une décen­nie ni sur un siècle, sou­ligne le cher­cheur. D'où l'intérêt du cal­cul scien­ti­fique. D'autant que, s'il y a vingt ans, les modèles étaient très simples et dédiés à des maté­riaux spé­ci­fiques, les cher­cheurs les ont peu à peu éten­dus à des appli­ca­tions plus larges. Et, aujourd'hui, nous tra­vaillons sur des pro­blé­ma­tiques de plus en plus com­plexes : par exemple, modé­li­ser les défor­ma­tions de struc­tures volu­miques et non plus sim­ple­ment de pièces de très faible épais­seur."

     

    Menées en par­te­na­riat avec Rober­val, le labo­ra­toire en méca­nique, acous­tique et maté­riaux de l'UTC, ces recherches inté­ressent nombre d'industries : l'aéronautique, pour pré­dire le com­por­te­ment dans le temps des maté­riaux des avions ; le nucléaire, pour pré­voir celui des pièces sous irra­dia­tion (par exemple, la cuve d'un réac­teur) ; la nano­élec­tro­nique, qui a besoin de maté­riaux à la fois très résis­tants et conducteurs…

     

    "Les modèles sur les­quels je tra­vaille concernent plu­tôt l'aéronautique, mais peuvent s'appliquer à d'autres domaines, explique Ahmad El Hajj. Nous les vali­dons avec de petites expé­ri­men­ta­tions phy­siques. Ensuite, nous inté­grons nos équa­tions dans des logi­ciels uti­li­sables par des ingé­nieurs non experts en cal­cul scien­ti­fique. Il leur suf­fit d'entrer les para­mètres concer­nant le maté­riau et les contraintes aux­quelles il est sou­mis : l'application cal­cule auto­ma­ti­que­ment sa défor­ma­tion à une échéance don­née."

    Encap­su­lage acoustique 
    Encap­su­lage acoustique 
    Nico­las Dauchez

    Depuis 2016, les normes euro­péennes ont dimi­nué le seuil maxi­mal d'émissions sonores des nou­veaux modèles de voi­tures de 72 à 70 déci­bels (dB). D'ici 2024, elles le ramè­ne­ront à 68 dB… soit un nou­veau challenge.

     

    "La prin­ci­pale source sonore est le bruit de rou­le­ment, contre lequel on ne peut pas grand chose, observe Nico­las Dau­chez, du labo­ra­toire méca­nique, acous­tique et maté­riaux (Rober­val) de l'UTC. Quant au bruit d'échappement, il est déjà très bien maî­tri­sé. Le seul levier de pro­grès est le bruit du moteur, mais, comme ce n'est pas la source la plus impor­tante, il faut le réduire d'au moins 5 à 6 déci­bels pour atteindre un niveau glo­bal de 68 dB." Seul moyen d'y par­ve­nir : opti­mi­ser l'encapsulage acous­tique du moteur par des écrans en maté­riau ther­mo­com­pri­mé poreux absor­bant le bruit (par­fois asso­ciés à des maté­riaux non poreux pour l'isolation acous­tique), qui sont pla­cés sous le capot, entre le moteur et l'habitacle, sous le moteur et autour des pare-boue. C'est l'objet du pro­jet Eco­bex (Écrans opti­mi­sés pour le bruit exté­rieur), qui asso­cie plu­sieurs par­te­naires (Vibra­tec, Renault, Saint-Gobain Iso­ver…) et dont Rober­val est partenaire.

     

    "Notre rôle est d'éclairer la phy­sique des pro­blèmes, explique Nico­las Dau­chez. Dans un pre­mier temps, nous avons défi­ni des règles métier sur deux ques­tions : quelle est la quan­ti­té idéale de maté­riaux absor­bants au-delà de laquelle le gain n'est plus signi­fi­ca­tif et quel est le taux idéal d'ouverture des écrans pour lais­ser échap­per la cha­leur du moteur tout en rédui­sant au mieux le bruit rayon­né à l'extérieur ? Pour cela, nous avons croi­sé une approche expé­ri­men­tale sur maquette et des simu­la­tions numé­riques. Aujourd'hui, nous étu­dions l'influence de la ther­mo­com­pres­sion des maté­riaux sur leurs pro­prié­tés acous­tiques et méca­niques, ceci pour un très grand nombre de maté­riaux. Par exemple, à par­tir de quel stade deviennent-ils iso­lants et non plus absor­bants, car, en les com­pri­mant, on ferme leurs pores, ce qui les rend iso­lants."

     

    Ce tra­vail inédit, qui fait l'objet d'une thèse, doit per­mettre d'établir des règles scien­ti­fiques pour déter­mi­ner les maté­riaux ou asso­cia­tions de maté­riaux opti­mums. Avec, à la clé, un double enjeu : res­pec­ter la norme de 2024, tout en dimi­nuant la masse des véhi­cules pour limi­ter leur consommation. 

    Éco­no­mie de Fonctionnalité 
    Éco­no­mie de Fonctionnalité 
    Fré­dé­ric Huet 

    Com­mer­cia­li­ser le ser­vice ren­du par un pro­duit plu­tôt que le bien lui-même : par exemple, vendre aux trans­por­teurs des kilo­mètres de rou­lage et non plus des pneus, comme le pro­pose Miche­lin. C'est le prin­cipe de l'économie de fonctionnalité.

     

    Au labo­ra­toire Connais­sance, orga­ni­sa­tion et sys­tèmes tech­niques (Cos­tech) de l'UTC, Fré­dé­ric Huet mène des recherches sur ce nou­veau modèle d'activité poten­tiel­le­ment moins pré­da­teur de res­sources natu­relles : "Il a l'avantage d'amener les entre­prises à se concen­trer sur la valeur d'usage de leurs pro­duits et non sur la mul­ti­pli­ca­tion des biens maté­riels ven­dus, d'où des éco­no­mies de matière et d'énergie. D'autant que, sou­vent, l'industriel reste pro­prié­taire du bien et gagne à ce qu'il ait la durée de vie la plus longue pos­sible. Mais il s'agit d'une approche com­plexe à mettre en œuvre, car elle sup­pose que les entre­prises se réin­ventent, trouvent de nou­veaux modes de rému­né­ra­tion, de nou­velles méthodes de concep­tion de leurs pro­duits."

     

    Com­ment favo­ri­ser cette muta­tion ? Cos­tech a par­ti­ci­pé à un pro­jet réunis­sant plu­sieurs labo­ra­toires et des indus­triels autour de cette ques­tion : Inno­va­tion durable à cycles d'upgrade mul­tiples (IDcy­clum). Son enjeu : lut­ter contre l'obsolescence accé­lé­rée des objets grâce à des pro­duits modu­laires et évo­lu­tifs, d'emblée conçus pour pou­voir être mis à niveau au fil de l'évolution des tech­no­lo­gies et des besoins des consom­ma­teurs. Un fabri­cant d'électroménager pour­rait ain­si pro­po­ser à ses clients de faire évo­luer leur aspi­ra­teur pour qu'il consomme moins d'énergie ou pour qu'il soit connec­té à Inter­net et leur apporte de nou­veaux ser­vices, et se rému­né­re­rait sur ces mises à niveau. "La tech­nique joue un rôle déci­sif, sou­ligne Fré­dé­ric Huet. C'est un moyen de "ser­vi­cia­li­ser" peu à peu une offre. D'où notre pos­tu­lat : pour inté­grer les prin­cipes de l'économie de fonc­tion­na­li­té, un indus­triel doit repen­ser conjoin­te­ment la concep­tion de ses pro­duits et son busi­ness model. Nous avons donc conçu une métho­do­lo­gie per­met­tant d'avancer de front sur les pro­blé­ma­tiques tech­niques (l'écoconception du pro­duit) et éco­no­miques (le busi­ness model), tout en sti­mu­lant la créa­ti­vi­té des entre­prises pour ouvrir le champ des pos­sibles : quels ser­vices inno­vants appor­ter au client à la place de la pro­prié­té du bien, com­ment conce­voir le pro­duit pour le rendre évo­lu­tif, quelles moda­li­tés de rému­né­ra­tion ima­gi­ner, com­ment orga­ni­ser la pro­duc­tion, etc. ?"

     

    IDcy­clum s'est ache­vé en 2016. Cette méthode peut main­te­nant être expé­ri­men­tée sur un pro­jet indus­triel réel. 

    Ges­tion des actifs physiques 
    Ges­tion des actifs physiques 
    Jean-Pas­cal Foucault

    Villes, hôpi­taux, uni­ver­si­tés, aéro­ports, gares, usines, routes … Il est essen­tiel de pré­ser­ver les bâti­ments et autres infra­struc­tures urbaines exis­tantes le plus long­temps pos­sible. "D'abord parce que nous n'avons pas les moyens de les renou­ve­ler tous les cin­quante ans, explique Jean-Pas­cal Fou­cault, cher­cheur au labo­ra­toire modé­li­sa­tion mul­ti-échelle des sys­tèmes urbains (Ave­nues) de l'UTC. Ensuite, parce qu'il s'agit d'une authen­tique démarche de déve­lop­pe­ment durable per­met­tant d'économiser des maté­riaux et de l'énergie. Mais, pour cela, encore faut-il dépas­ser la vision clas­sique de la ges­tion des actifs phy­siques, qui se limite géné­ra­le­ment au cycle de vie des maté­riaux, c'est-à-dire aux opé­ra­tions de main­te­nance et de renou­vel­le­ment sys­té­ma­tique d'équipements."

     

    Ce que pro­pose le cher­cheur ? Des méthodes et des outils d'aide à la déci­sion inno­vants, qui conjuguent trois cycles de vie. Celui des maté­riaux, bien sûr, mais aus­si celui des usages : "Tout actif phy­sique est conçu pour répondre à des besoins. Or ceux-ci évo­luent dans le temps. Main­te­nir la valeur d'usage d'une infra­struc­ture sur le long terme (son uti­li­té par rap­port aux besoins) néces­site donc de l'adapter à ces muta­tions. Par exemple, le déve­lop­pe­ment de la prise en charge mul­ti­dis­ci­pli­naire des mala­dies chro­niques ou les trai­te­ments ambu­la­toires sup­posent de recon­fi­gu­rer les hôpi­taux." Enfin, troi­sième cycle de vie à prendre en compte : celui de la gou­ver­nance. Com­ment évo­luent les poli­tiques sociale, éco­no­mique et envi­ron­ne­men­tale des déci­deurs et com­ment y adap­ter les actifs physiques ?

     

    "Pour prendre les bonnes déci­sions, il faut faire dia­lo­guer ces trois cycles, explique Jean-Pas­cal Fou­cault. Et notam­ment trou­ver le point d'équilibre entre logiques indi­vi­dua­listes et inté­rêt col­lec­tif. Par exemple, avec la géné­ra­tion des papy-boo­mers, on observe une pres­sion crois­sante pour cli­ma­ti­ser les chambres d'hôpitaux, ce qui va à l'encontre de la tran­si­tion éner­gé­tique. Quels méca­nismes inci­ta­tifs mettre en place pour dépas­ser les logiques de cava­lier seul de ce type sans tom­ber dans un col­lec­ti­visme pur et dur qui confi­ne­rait à la dic­ta­ture ? C'est sur cette dia­lec­tique que je tra­vaille depuis vingt ans."

     

    Des recherches qui ont don­né nais­sance à une entre­prise : tbmaes­tro. Implan­tée en France et au Cana­da, elle aide les acteurs publics et pri­vés à opti­mi­ser la ges­tion de leurs actifs phy­siques en s'appuyant sur des solu­tions conçues par le cher­cheur et les équipes de l'entreprise.

    Milieux Hétérogènes 
    Milieux Hétérogènes 
    Kha­shayar Saleh

    Du sucre au com­bus­tible des cen­trales nucléaires en pas­sant par les fards à pau­pières, les pein­tures auto­mo­biles ou les médi­ca­ments, les poudres sont omni­pré­sentes. "Selon les sec­teurs indus­triels, entre 70 % et 90 % des pro­duits sont condi­tion­nés sous cette forme à un moment de leur cycle de vie, même si le pro­duit final n'est pas une poudre", sou­ligne Kha­shayar Saleh, spé­cia­liste de la phy­sique et de la chi­mie des poudres et des pro­cé­dés solides divi­sés au labo­ra­toire Trans­for­ma­tions inté­grées de la matière renou­ve­lable (TIMR) de l'UTC. Cet état divi­sé de la matière offre en effet quan­ti­té d'atouts, notam­ment en termes de sto­ckage et de dura­bi­li­té. Le lait en poudre a par exemple un volume 90 % plus faible que le lait liquide et se conserve plus longtemps.

     

    Pour autant, les poudres demeurent dif­fi­ciles à maî­tri­ser. "Ce sont des milieux hété­ro­gènes, com­po­sés de par­ti­cules de formes et de tailles dif­fé­rentes qui inter­agissent entre elles, explique le cher­cheur. Les lois phy­siques aux­quelles ils obéissent sont dif­fé­rentes de celles des solides non divi­sés, des liquides ou des gaz, et res­tent lar­ge­ment mécon­nues." Consé­quence : on ne sait pas modé­li­ser et donc pré­voir le com­por­te­ment des poudres, et leur mise en œuvre indus­trielle peut poser nombre de pro­blèmes, sur les­quels TIMR a déve­lop­pé une exper­tise rare. "Par­mi les plus récur­rents figurent la cou­la­bi­li­té des poudres (leur capa­ci­té à s'écouler régu­liè­re­ment) ou bien le mot­tage (l'agglomération non vou­lue des par­ti­cules), qui peuvent notam­ment entraî­ner la mise au rebut des pro­duits et des arrêts des chaînes de pro­duc­tion, note Kha­shayar Saleh. Le mot­tage, par exemple, est un phé­no­mène inévi­table : c'est juste une ques­tion de temps, nous cher­chons donc à le retar­der. C'est un sujet sur lequel nous menons des recherches pour des sec­teurs aus­si divers que l'industrie cos­mé­tique et phar­ma­ceu­tique, l'agroalimentaire ou encore l'énergie."

     

    Mais la dif­fi­cul­té vient aus­si de la sophis­ti­ca­tion crois­sante des poudres, notam­ment avec la vogue des pro­duits 2 en 1 ou 3 en 1, qui, en outre, peuvent inté­grer des sub­stances anta­go­nistes. "Nous avons par exemple tra­vaillé sur une poudre de soins capil­laires com­bi­nant un oxy­dant et un anti­oxy­dant, pour­suit Kha­shayar Saleh. Ces deux com­po­sants étant réac­tifs, il a fal­lu mettre au point un pro­cé­dé pour encap­su­ler leurs par­ti­cules. Un défi d'autant plus com­plexe que les cap­sules devaient être plus ou moins faci­le­ment solubles dans l'eau, de manière à relar­guer chaque sub­stance au moment vou­lu : l'oxydant dans un pre­mier temps, l'antioxydant ensuite."

    Interfaces 
    Interfaces 
    Isa­belle Pezron

    Les crèmes cos­mé­tiques, la mousse au cho­co­lat, les pein­tures… De nom­breux pro­duits se com­posent d'au moins deux phases non mis­cibles, dont l'association génère une émul­sion (une dis­per­sion de gout­te­lettes dans un autre liquide), une mousse (une dis­per­sion de bulles de gaz dans un liquide ou un solide) ou une sus­pen­sion (une dis­per­sion de par­ti­cules solides dans un liquide ou un gaz).

     

    Au labo­ra­toire Trans­for­ma­tions inté­grées de la matière renou­ve­lable (TIMR) de l'UTC, l'équipe inter­faces et milieux divi­sés s'intéresse aux phé­no­mènes se pro­dui­sant aux inter­faces entre ces phases. "Un sys­tème dis­per­sé tend à reve­nir plus ou moins rapi­de­ment vers un état dans lequel les deux phases sont sépa­rées, explique Isa­belle Pez­ron, pro­fes­seur dans cette équipe. Dans le cas d'un pro­duit fini, telle une émul­sion cos­mé­tique, il faut retar­der au maxi­mum cette sépa­ra­tion. Très sou­vent, on ajoute pour cela des com­po­sés ten­sio­ac­tifs. A la fois hydro­philes (affi­ni­té avec l'eau) et lipo­philes (affi­ni­té avec l'huile), ces com­po­sés ont en effet la capa­ci­té de s'adsorber (se fixer) aux inter­faces (par exemple à la sur­face de gouttes d'eau dis­per­sées dans de l'huile), en for­mant un film pro­tec­teur. De ce fait, ils faci­litent la for­ma­tion et la sta­bi­li­sa­tion des dis­per­sions, ce qui leur confère des pro­prié­tés fonc­tion­nelles très inté­res­santes : mous­sante, émul­si­fiante, déter­gente… Dans d'autres appli­ca­tions, il s'agit au contraire d'accélérer la sépa­ra­tion des phases. C'est le cas des émul­sions de pro­duc­tions pétro­lières, qu'il faut cas­ser pour récu­pé­rer des phases eau et pétrole les plus pures pos­sibles, ou des mousses se for­mant lors du trai­te­ment bio­lo­gique des eaux usées. Nous cher­chons alors à fra­gi­li­ser le film inter­fa­cial."

     

    Pour réduire l'impact envi­ron­ne­men­tal des pro­duits, on s'oriente de plus en plus vers le déve­lop­pe­ment de ten­sio­ac­tifs bio­sour­cés, issus de matière renou­ve­lable végé­tale ou pro­duits par des micro-orga­nismes. Un domaine dans lequel TIMR est très actif, notam­ment dans le cadre du pro­gramme de recherches de l'Institut Pivert* (un des Inves­tis­se­ments d'avenir). "Notre objec­tif est de mieux com­prendre les liens entre la struc­ture molé­cu­laire des ten­sio­ac­tifs bio­sour­cés et leurs pro­prié­tés, sou­ligne Isa­belle Pez­ron. L'intérêt est de pou­voir iden­ti­fier en amont les molé­cules qui rem­pla­ce­ront effi­ca­ce­ment les ten­sio­ac­tifs issus de la chi­mie du pétrole, tout en limi­tant les expé­ri­men­ta­tions longues et fas­ti­dieuses. "

     

    * Pivert : Picar­die inno­va­tions végé­tales, ensei­gne­ments et recherches technologiques 

    Jeu de for­mu­la­tions pour une ali­men­ta­tion saine 
    Jeu de for­mu­la­tions pour une ali­men­ta­tion saine 
    Claire Ros­si

    Cher­cheuse au labo­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC) de l'UTC, Claire Ros­si étu­die les béné­fices pour la san­té des actifs d'origine végé­tale pré­sents dans l'alimentation : les pro­prié­tés anti­tu­mo­rales de cer­tains pig­ments, la capa­ci­té des pec­tines de pomme à pré­ve­nir les cal­ci­fi­ca­tions vas­cu­laires… Mais elle met aus­si ses connais­sances au pro­fit de la recherche appli­quée, avec une ligne direc­trice : pro­mou­voir une nour­ri­ture saine… mais gour­mande ! C'est l'enjeu de la plate-forme science des ali­ments du centre d'innovation de l'UTC.

     

    "Ce pla­teau tech­nique dédié à la for­mu­la­tion de pro­duits ali­men­taires inno­vants sert en par­ti­cu­lier aux trans­ferts de tech­no­lo­gies vers l'industrie, explique la jeune femme. Avec un par­te­naire indus­triel, nous avons par exemple conçu un plat à la fois goû­teux et adap­té aux besoins nutri­tion­nels des per­sonnes âgées, et des pâtes à tar­ti­ner allé­gées. Avec une start-up, nous créons des repas com­plets à boire, notam­ment des­ti­nés aux actifs qui n'ont pas le temps de déjeu­ner ou aux spor­tifs. Le repas se pré­sente sous la forme d'une poudre à mélan­ger avec de l'eau, qui offre tous les apports nutri­tion­nels néces­saires, mais aus­si des pro­prié­tés gus­ta­tives attrayantes, avec toute une gamme d'aromatisations dif­fé­rentes."

     

    Autant d'innovations qui font une place de choix aux com­po­sants végé­taux : déri­vés d'algues ou de plantes tel le maïs employés comme sub­sti­tuts aux matières grasses ; fibres et pro­téines végé­tales uti­li­sés pour amé­lio­rer le pro­fil nutri­tion­nel des pro­duits… "Sur un repas, nous avons une tren­taine de cri­tères nutri­tion­nels à res­pec­ter, sou­ligne Claire Ros­si. Il faut régu­ler cha­cun des ingré­dients pour que leur somme y réponde exac­te­ment, tout en tenant compte de cri­tères de goût et de tex­ture, ce qui est com­plexe. Pour par­ve­nir à la solu­tion opti­male, nous fai­sons des essais en tes­tant tout un jeu de for­mu­la­tions et nous uti­li­sons des trai­te­ments sta­tis­tiques pour défi­nir dans quelle plage de quan­ti­tés peut se situer chaque ingré­dient pour obte­nir le goût, la tex­ture et le pro­fil nutri­tion­nel visés."

     

    Éclair sans sucre ni glu­ten ; crème gla­cée allé­gée en matière grasse, sans œuf ni sucre ajou­té ; hachis par­men­tier végé­ta­rien mimant le goût et la tex­ture de viande… : la plate-forme per­met aus­si de for­mer les étu­diants de l'UTC à la for­mu­la­tion d'aliments inno­vants. Et, chaque été, elle accueille une école inter­na­tio­nale : des étu­diants du monde entier y revi­sitent des plats de la gas­tro­no­mie fran­çaise pour amé­lio­rer leur pro­fil nutri­tion­nel, là encore sans alté­rer leurs ver­tus gustatives. 

    Kine­ma­tics of the human body 
    Kine­ma­tics of the human body 
    Fré­dé­ric Marin

    Cher­cheur au labo­ra­toire Bio­mé­ca­nique et bioin­gé­nie­rie (BMBI) de l'UTC, Fré­dé­ric Marin explore la bio­mé­ca­nique des mou­ve­ments du corps humain. Son outil de tra­vail : une plate-forme de cap­ture de mou­ve­ment (MoCap) de trente-six camé­ras, per­met­tant la cap­ta­tion de mar­queurs rétro­ré­flé­chis­sants pla­cés sur un indi­vi­du, afin d'obtenir les ciné­ma­tiques de ses seg­ments cor­po­rels en trois dimen­sions. "Quan­ti­fier la ciné­ma­tique du corps per­met d'obtenir un indi­ca­teur sur l'état de san­té ou la per­for­mance du sys­tème neu­ro­mus­cu­los­que­let­tique", explique ce scien­ti­fique, dont les tra­vaux concernent trois types d'applications.

     

    Côté cli­nique, il s'agit d'optimiser l'évaluation fonc­tion­nelle des patients. Dans le cadre de l'institut Faire Faces (une struc­ture dédiée à la chi­rur­gie maxil­lo-faciale et à la prise en charge des cas de défi­gu­ra­tion, asso­ciant notam­ment le CHU d'Amiens et l'UTC), il tra­vaille ain­si sur la bio­mé­ca­nique du visage : "Nous quan­ti­fions la reprise fonc­tion­nelle après une para­ly­sie faciale, due par exemple à un AVC, ou après une trans­plan­ta­tion du visage, le tout pour bâtir un réfé­ren­tiel des mou­ve­ments de la face qui ser­vi­ra à ajus­ter au mieux la réédu­ca­tion des patients."

     

    Second champ d'application : l'ergonomie. Sur ce front, le cher­cheur étu­die entre autres les mou­ve­ments qui peuvent être source ou consé­quence de troubles mus­cu­los­que­let­tiques. Dans un tout autre registre, il a aus­si contri­bué au pro­jet Man­da­rin, qui réunis­sait plu­sieurs par­te­naires dont le CEA et Renault : "L'objectif était de conce­voir un gant hap­tique per­met­tant d'assembler les pièces vir­tuelles d'une maquette numé­rique en ayant les mêmes sen­sa­tions de tou­cher et de retour d'effort que s'il s'agissait de pièces réelles. Nous avons ana­ly­sé la bio­mé­ca­nique des mou­ve­ments de la main pour y adap­ter le gant, puis vali­dé qu'il n'y avait pas d'interférences entre le gant et la main."

     

    Enfin, troi­sième domaine d'investigation : le mou­ve­ment en tant que vec­teur cultu­rel. Aux côtés d'ethnomusicologues, Fré­dé­ric Marin par­ti­cipe au pro­gramme geste – acous­tique – musique du col­le­gium Musicæ de Sor­bonne Uni­ver­si­tés (le grou­pe­ment d'universités dont fait par­tie l'UTC). Objec­tif : mesu­rer la ges­tuelle de musi­ciens experts et non experts de dif­fé­rents groupes eth­no­cul­tu­rels, afin de mieux com­prendre ce qui dif­fé­ren­cie les vir­tuoses des autres et en quoi leur jeu (par exemple, leur manière de poser les doigts sur l'instrument) peut varier selon les cultures. 

    Ludification 
    Ludification 
    Domi­nique Lenne

    Com­ment don­ner au public et sur­tout aux jeunes l'envie d'approfondir leur culture artis­tique en visi­tant un musée ? Pour Domi­nique Lenne, cher­cheur au labo­ra­toire Heu­ris­tique et diag­nos­tic des sys­tèmes com­plexes (Heu­dia­syc) de l'UTC, la réponse passe entre autres par la ludi­fi­ca­tion : l'intégration d'une dimen­sion ludique dans les audioguides.

     

    C'est une des voies explo­rées dans le cadre du pro­jet CIME (Contex­tual Inter­ac­tions for Mobi­li­ty in Edu­ca­tion), qu'il a coor­don­né : "Les audio­guides actuels sont loin d'exploiter toutes les pos­si­bi­li­tés offertes par les tech­no­lo­gies de l'information et de la com­mu­ni­ca­tion pour favo­ri­ser l'apprentissage infor­mel. L'objectif pre­mier de CIME était donc d'étudier une appli­ca­tion plus évo­luée, sur tablette ou smart­phone, qui pro­pose au visi­teur un par­cours sur mesure en fonc­tion de ses centres d'intérêt et du contexte : par exemple, s'il s'arrête devant une pein­ture, elle lui recom­mande d'autres œuvres du musée en lien avec ce tableau. Mais, pour rendre cet outil encore plus attrac­tif et pro­pice à l'apprentissage, nous y avons ajou­té un jeu, avec des QCM sur l'art. Tout comme le par­cours sug­gé­ré au visi­teur, le ques­tion­naire n'est pas pré­dé­ter­mi­né : il se construit de façon dyna­mique et per­son­na­li­sée selon les œuvres qu'il a déjà vues et celles qui s'en rap­prochent, mais aus­si selon ses réponses, qui déter­minent le niveau de dif­fi­cul­té du jeu."

     

    CIME s'appuie pour cela sur une onto­lo­gie : une repré­sen­ta­tion des connais­sances sur l'art intel­li­gible par une machine, qui a la forme d'une arbo­res­cence et dont les branches cor­res­pondent aux liens entre les infor­ma­tions (tel tableau a été peint à telle date par tel artiste, qui appar­tient à telle école sty­lis­tique…). "L'un des enjeux du pro­jet était de déve­lop­per des méca­nismes de cal­cul per­met­tant de rap­pro­cher dif­fé­rentes œuvres et artistes figu­rant dans l'ontologie et d'établir, par exemple, que Léo­nard de Vin­ci est plus proche de Raphaël que de Van Gogh, explique Domi­nique Lenne. C'est grâce à ces cal­culs que l'outil peut aiguiller le visi­teur vers des tableaux en rap­port avec ceux qui l'ont inté­res­sé et lui poser des ques­tions per­ti­nentes par rap­port au contexte."

     

    Finan­cé par l'ex-région Picar­die, CIME, qui asso­ciait l'UTC, l'université de Picar­die Jules Verne, le musée du Palais impé­rial de Com­piègne et le ser­vice patri­moine et tou­risme d'Amiens métro­pole, s'est ache­vé fin 2016. Il a fait l'objet d'un démons­tra­teur et pour­ra don­ner lieu à des appli­ca­tions pour la décou­verte de musées, mais aus­si de sites touristiques. 

    Micro­sys­tèmes pour micro-usines 
    Micro­sys­tèmes pour micro-usines 
    Chris­tine Prelle

    Ima­gi­nez une ligne de pro­duc­tion minia­ture conçue pour fabri­quer ou assem­bler de minus­cules pièces, tels de petits engre­nages d'horlogerie ou des micro­com­po­sants élec­tro­niques. Une "usine" dont la taille serait à l'échelle des élé­ments qu'elle fabrique, qui se trans­por­te­rait d'un site à l'autre, per­met­trait d'automatiser des tâches manuelles fas­ti­dieuses, de pro­duire de façon flexible de très petites séries customisées…

     

    "Pour l'instant, les recherches sur ce concept portent prin­ci­pa­le­ment sur les micro­ma­chines de pro­duc­tion, note Chris­tine Prelle, du labo­ra­toire Méca­nique, éner­gie et élec­tri­ci­té (Rober­val) de l'UTC. Notre équipe a choi­si de se concen­trer sur d'autres briques de la micro-usine." À son actif : une micro­ma­chine de mesure tri­di­men­sion­nelle sans contact pour contrô­ler les cotes des com­po­sants fabri­qués – tech­no­lo­gie jusqu'à pré­sent inac­ces­sible pour de toutes petites pièces de l'ordre du mil­li­mètre cube. Mais aus­si un micro­sys­tème de convoyage des pièces entre les machines, qui offre l'avantage de la flexi­bi­li­té. "Sa tra­jec­toire n'est pas pré­dé­fi­nie, mais pro­gram­mée avec un logi­ciel en fonc­tion des besoins, sou­ligne la cher­cheuse. Selon les pièces à pro­duire, il peut par exemple aller de la machine A à la B puis à la C ou direc­te­ment de A à C. Ou encore reve­nir en arrière pour rap­por­ter à la machine d'usinage des pièces sur les­quelles la machine de mesure a détec­té des défauts et qu'il faut retou­cher."

     

    Parce qu'il est dif­fi­cile de câbler des sys­tèmes de très petite taille, l'équipe étu­die éga­le­ment des tech­no­lo­gies sans fil inno­vantes pour action­ner micro­ma­chines et micro­con­voyeurs. "Nous tra­vaillons sur des action­neurs en alliage à mémoire de forme, explique Chris­tine Prelle. Ils se déforment lorsqu'on leur applique un effort, mais retrouvent leur forme ini­tiale quand on les chauffe et, ce fai­sant, actionnent le sys­tème. Pour les déclen­cher sans connec­tique, nous les chauf­fons à dis­tance par laser et nous fonc­tion­na­li­sons le maté­riau des action­neurs avec des filtres optiques pour qu'ils ne soient sen­sibles qu'à cer­taines lon­gueurs d'ondes de laser : si le laser émet une radia­tion rouge, par exemple, l'actionneur dont le filtre bloque cette cou­leur ne réagit pas ; celui dont le filtre bloque une autre cou­leur se met en marche." Une approche ori­gi­nale que Rober­val doit à la pré­sence de spé­cia­listes de pho­to­nique dans ses rangs. 

    Réso­nance magné­tique Nucléaire 
    Réso­nance magné­tique Nucléaire 
    Lumi­ni­ta Duma

    Son­der l'infiniment petit. C'est l'objet de la réso­nance magné­tique nucléaire (RMN), une tech­nique spec­tro­sco­pique qui exploite les pro­prié­tés magné­tiques de cer­tains noyaux d'atomes pour four­nir des infor­ma­tions sur les molécules.

     

    Cher­cheuse au labo­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC), Lumi­ni­ta Duma en est une spé­cia­liste. Elle déve­loppe de nou­velles appli­ca­tions de la RMN, notam­ment pour l'étude des pro­téines mem­bra­naires : "Ces pro­téines consti­tuent des portes dans la mem­brane des cel­lules des orga­nismes vivants. À tra­vers elles, des nutri­ments, des ions, des déchets peuvent péné­trer dans la cel­lule ou la quit­ter, ce qui garan­tit son inté­gri­té et son bon fonc­tion­ne­ment. Elles jouent donc un rôle clé dans la fonc­tion cel­lu­laire et leurs ano­ma­lies sont à l'origine de nom­breuses mala­dies, ce qui en fait des cibles très inté­res­santes pour les médi­ca­ments. La RMN est une tech­nique pro­met­teuse pour carac­té­ri­ser ces molé­cules dif­fi­ciles à étu­dier. Elle peut appor­ter des infor­ma­tions sur leur struc­ture dans l'espace (la posi­tion des atomes qui les com­posent) : ces don­nées sont indis­pen­sables pour conce­voir des médi­ca­ments plus effi­caces, or, aujourd'hui, nous ne connais­sons la struc­ture que de 1 % des pro­téines mem­bra­naires. Elle per­met éga­le­ment d'explorer leur dyna­mique locale (com­ment les noyaux bougent-ils ?), ce qui est essen­tiel pour mieux com­prendre la fonc­tion de la pro­téine."

     

    Lumi­ni­ta Duma s'intéresse en par­ti­cu­lier à la TSPO (trans­lo­ca­tor pro­tein), une pro­téine mem­bra­naire prin­ci­pa­le­ment expri­mée dans les cel­lules syn­thé­ti­sant les hor­mones sté­roï­diennes (cor­ti­coïdes, hor­mones sexuelles, etc.), dont le cho­les­té­rol est un pré­cur­seur : "Cette spé­ci­fi­ci­té indique qu'une de ses fonc­tions est de trans­por­ter le cho­les­té­rol dans les cel­lules. Je sou­haite donc mettre au point un pro­to­cole d'étude par RMN per­met­tant non seule­ment de déter­mi­ner la struc­ture de la TSPO, mais aus­si d'analyser la mobi­li­té des noyaux de la molé­cule en la pré­sence et en l'absence du cho­les­té­rol, pour confir­mer son rôle dans le trans­port de cette sub­stance."

     

    Pour cela, il faut d'abord expri­mer la pro­téine par culture bac­té­rienne et ensuite conce­voir un modèle mem­bra­naire : une mem­brane sim­pli­fiée, com­po­sée d'une bicouche de dif­fé­rents lipides mimant la mem­brane réelle des cel­lules, afin d'y incor­po­rer la pro­téine. C'est le pre­mier défi du pro­jet, car il s'agit de recons­ti­tuer l'environnement dans lequel la pro­téine aura la confor­ma­tion et le com­por­te­ment les plus proches pos­sibles de ceux qu'elle a dans le milieu vivant. 

    Objets bio­mé­di­caux connectés 
    Objets bio­mé­di­caux connectés 
    Dan Istrate

    Balance connec­tée pour sur­veiller son indice de masse cor­po­relle, bra­ce­let connec­té pour mesu­rer son pouls et les calo­ries brû­lées lors d'un jog­ging… Dans le champ de la san­té, les appli­ca­tions de l'Internet des objets se can­tonnent avant tout à l'hygiène de vie. Au labo­ra­toire Bio­mé­ca­nique et bioin­gé­nie­rie (BMBI) de l'UTC, Dan Istrate et son équipe tra­vaillent à les étendre au sui­vi médi­cal des patients à dis­tance. "C'est un domaine très pro­met­teur, dont l'enjeu est triple, explique le cher­cheur : amé­lio­rer la prise en charge des per­sonnes, tout en leur per­met­tant de vivre le plus nor­ma­le­ment pos­sible et notam­ment d'éviter les hos­pi­ta­li­sa­tions, ce qui contri­bue­ra aus­si à maî­tri­ser les dépenses de san­té."

     

    Par­mi les inno­va­tions à l'étude : des dis­po­si­tifs assu­rant la télé­sur­veillance des troubles de la déglu­ti­tion consé­cu­tifs à un AVC ou bien celle des contrac­tions de l'utérus d'une femme pré­sen­tant un risque d'accouchement pré­ma­tu­ré. Mais aus­si des sys­tèmes de cap­teurs pla­cés dans l'environnement d'une per­sonne âgée pour télé­dé­tec­ter au plus vite les situa­tions de détresse : malaise, chute… Sans comp­ter un jeu sérieux grâce auquel un patient pour­ra faire des exer­cices de réédu­ca­tion fonc­tion­nelle des membres infé­rieurs ou supé­rieurs chez lui, entre deux séances de kinésithérapie.

     

    Ce jeu figure aujourd'hui par­mi les pro­jets les plus avan­cés de l'équipe et repose sur une approche tota­le­ment inédite. Les gestes que fait le patient sont enre­gis­trés par une camé­ra et des accé­lé­ro­mètres pla­cés sur son corps et l'application les com­pare auto­ma­ti­que­ment aux mou­ve­ments qu'il devrait faire, en s'appuyant sur un modèle de fonc­tion­ne­ment du sys­tème neu­ro­mus­cu­los­que­let­tique éla­bo­ré par les bio­mé­ca­ni­ciens de BMBI. De ce fait, elle peut le gui­der pour se corriger.

     

    "Nous l'avons tes­tée auprès de vingt patients du CHU de Limoges et les retours ont été très bons, tant de la part des malades que de celle des kiné­si­thé­ra­peutes, constate Dan Istrate. Jeunes ou moins jeunes, les uti­li­sa­teurs ont appré­cié le côté ludique de l'outil, qui per­met de se réédu­quer sans s'en rendre compte. Et, à mesure du jeu, ils ont amé­lio­ré leurs per­for­mances." Avan­tage sup­plé­men­taire : à terme, le jeu étant connec­té, le kiné­si­thé­ra­peute pour­ra suivre les pro­grès de son patient et choi­sir les exer­cices à lui pro­po­ser à distance. 

    Pathogénicité 
    Pathogénicité 
    Yan­nick Rossez

    La résis­tance crois­sante des bac­té­ries aux anti­bio­tiques figure par­mi les menaces les plus graves pesant sur la san­té de la popu­la­tion mon­diale : à l'horizon 2050, si rien n'est fait pour l'enrayer, elle pour­rait entraî­ner quelque dix mil­lions de décès par an sur la pla­nète*, davan­tage que toutes les formes de can­cers réunies.

     

    Au labo­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC) de l'UTC, Yan­nick Ros­sez tra­vaille sur cet enjeu majeur. Son ambi­tion ? Trou­ver une alter­na­tive à ce type de trai­te­ments : "Les bac­té­ries, qui ont des mil­liards d'années d'adaptation der­rière elles, sont capables de déve­lop­per en per­ma­nence de nou­velles stra­té­gies pour sur­vivre. Plu­tôt que d'essayer de les tuer avec des anti­bio­tiques aux­quels elles par­viennent à s'adapter de plus en plus vite, l'idée est de les empê­cher de deve­nir patho­gènes."

     

    Concrè­te­ment, pour pro­vo­quer une mala­die, il faut d'abord que les micro-orga­nismes adhèrent à un tis­su cel­lu­laire, qu'ils vont ensuite colo­ni­ser en se mul­ti­pliant et en se col­lant les uns aux autres. Ils forment alors un bio­film qui contri­bue éga­le­ment à leur sur­vie. Car non seule­ment les anti­bio­tiques se heurtent à la résis­tance natu­relle des bac­té­ries, mais elles ne peuvent pas atteindre toutes celles qui com­posent le bio­film. "Pour empê­cher ce pro­ces­sus, la solu­tion la plus effi­cace serait de le blo­quer dès sa phase ini­tiale, explique Yan­nick Ros­sez. Autre­ment dit, de chas­ser les micro-orga­nismes avant qu'ils n'adhèrent au tis­su, ce qui sup­pose de bien com­prendre les méca­nismes en jeu. Cer­taines bac­té­ries, par exemple, dis­posent de fla­gelles : de petits ten­ta­cules leur per­met­tant de se mou­voir dans un milieu liquide, mais aus­si de son­der un sup­port et de s'y accro­cher. Nous étu­dions le méca­nisme de péné­tra­tion du fla­gelle dans un tis­su, mais aus­si l'évolution du méta­bo­lisme de la bac­té­rie lorsqu'elle adhère au tis­su pour voir si elle libère des molé­cules spé­ci­fiques. Ensuite, il s'agira de syn­thé­ti­ser des molé­cules chi­miques résis­tantes capables d'inhiber ce pro­ces­sus et face aux­quelles les bac­té­ries auront beau­coup plus de mal à déve­lop­per une stra­té­gie d'adaptation que lorsqu'on cherche à les tuer avec un antibiotique."

     

    * Source : The review on anti­mi­cro­bial resis­tance, sous la direc­tion de Jim O'Neill, mai 2016. 

    Qua­trième révo­lu­tion industrielle 
    Qua­trième révo­lu­tion industrielle 
    Benoît Eynard

    Les fran­çais parlent d'industrie du futur, les alle­mands d'industrie 4.0… Car c'est bien une qua­trième révo­lu­tion indus­trielle qui s'annonce : celle de la trans­for­ma­tion numé­rique de l'industrie. Entre autres enjeux : gagner en agi­li­té pour mettre plus vite sur le mar­ché des biens tou­jours plus inno­vants et per­for­mants, mais aus­si pro­duire à moindre coût, y com­pris de très petites séries.

     

    Au labo­ra­toire Méca­nique, éner­gie et élec­tri­ci­té (Rober­val), Benoît Eynard et son équipe mènent des recherches sur un des piliers de cette révo­lu­tion : la conti­nui­té numé­rique de l'information. "Nous conce­vons des solu­tions contri­buant à flui­di­fier les échanges de don­nées numé­riques entre métiers, en par­ti­cu­lier dans l'ingénierie et l'industrialisation, pré­cise le cher­cheur : des outils per­met­tant de trans­for­mer des don­nées en connais­sances et de mieux capi­ta­li­ser les exper­tises pour tra­vailler de manière plus effi­cace et coor­don­née."

     

    Le pro­jet Lucid (labo­ra­toire d'usinage par carac­té­ri­sa­tion intel­li­gente des don­nées), qui réunit plu­sieurs par­te­naires, en est une illus­tra­tion. Sa fina­li­té : faci­li­ter le tra­vail des pro­gram­meurs de machines-outils qui, à par­tir du modèle 3D d'une pièce, éla­borent sa stra­té­gie d'usinage (choix des outils cou­pants, défi­ni­tion de leurs tra­jec­toires…) et la trans­posent en un pro­gramme pilo­tant une machine-outil. Cette tâche est en effet com­plexe et, quoiqu'il existe des logi­ciels pour simu­ler et vali­der vir­tuel­le­ment un pro­gramme d'usinage, il faut géné­ra­le­ment usi­ner un cer­tain nombre de pièces réelles avant de par­ve­nir au résul­tat recher­ché. "Lucid vise à usi­ner la bonne pièce du pre­mier coup afin de réduire les délais et les coûts d'industrialisation", explique Benoît Eynard. Pour cela, il s'agit de conce­voir un sys­tème qui, en com­pa­rant le modèle 3D de la pièce à fabri­quer aux pièces de même type qu'un indus­triel a pu réa­li­ser par le pas­sé, pro­po­se­ra auto­ma­ti­que­ment les meilleures stra­té­gies d'usinage. Un objec­tif ambi­tieux, car il sup­pose de recons­ti­tuer l'historique des pro­grammes d'usinage de l'industriel en fai­sant par­ler des don­nées peu expli­cites, pro­ve­nant de fichiers hété­ro­gènes. C'est ce sur quoi tra­vaille Roberval.

     

    "Ce pro­jet est emblé­ma­tique de notre vision de la trans­for­ma­tion numé­rique de l'industrie, sou­ligne Benoît Eynard. Les acti­vi­tés répé­ti­tives seront certes de plus en plus auto­ma­ti­sées, mais les tâches com­plexes ne pour­ront pas l'être et les humains conti­nue­ront à jouer un rôle cen­tral. En revanche, il est pos­sible de leur four­nir des outils d'aide à la déci­sion. C'est un axe clé des tra­vaux de l'UTC sur l'industrie du futur."

    Réseaux élec­triques intelligents 
    Réseaux élec­triques intelligents 
    Manue­la Sechilariu

    En ville, la tran­si­tion éner­gé­tique devrait pas­ser par la mul­ti­pli­ca­tion des pan­neaux pho­to­vol­taïques, voire des microéo­liennes, et des véhi­cules élec­triques. Pro­blème : "Le réseau élec­trique natio­nal n'a pas été conçu pour absor­ber l'énergie pro­ve­nant d'une mul­ti­tude de sources décen­tra­li­sées et inter­mit­tentes et ne pour­ra pas résis­ter aux pics de consom­ma­tion que pro­vo­que­rait la recharge simul­ta­née de mil­lions de voi­tures en jour­née, sou­ligne Manue­la Sechi­la­riu, direc­trice du labo­ra­toire Modé­li­sa­tion mul­ti-échelle des sys­tèmes urbains (Ave­nues) de l'UTC. La seule solu­tion est de consom­mer sur place l'électricité renou­ve­lable pro­duite loca­le­ment, y com­pris pour la charge des véhi­cules. C'est l'enjeu des micro­ré­seaux élec­triques intel­li­gents sur les­quels nous tra­vaillons."

     

    À l'UTC, Ave­nues a mis en place un réseau de ce type à l'échelle d'un bâti­ment. Il asso­cie une microéo­lienne, des pan­neaux pho­to­vol­taïques, un géné­ra­teur die­sel et des moyens de sto­ckage de l'électricité. Mais, sur­tout, il s'appuie sur des outils infor­ma­tiques per­met­tant de pré­dire la consom­ma­tion et la pro­duc­tion éolienne et solaire en fonc­tion des pré­vi­sions météo, et de régu­ler intel­li­gem­ment l'offre et la demande en temps réel : ali­men­ter au maxi­mum le bâti­ment avec l'électricité renou­ve­lable, sto­cker les sur­plus plu­tôt que les injec­ter sur le réseau de dis­tri­bu­tion, pui­ser dans les bat­te­ries ou déclen­cher le géné­ra­teur die­sel quand les sources inter­mit­tentes font défaut… Et ne bas­cu­ler la charge sur le réseau natio­nal qu'en der­nier recours, de pré­fé­rence aux heures où l'électricité est moins chère.

     

    "L'objectif, avec cette plate-forme, est de tes­ter la fai­sa­bi­li­té des micro­ré­seaux intel­li­gents, explique Manue­la Sechi­la­riu. Pour l'instant, une des prin­ci­pales dif­fi­cul­tés concerne les modèles des météo­ro­lo­gistes. Les pré­vi­sions d'irradiation solaire, par exemple, sont loin d'être assez pré­cises pour opti­mi­ser en temps réel la conduite d'un micro­ré­seau inté­grant une pro­duc­tion pho­to­vol­taïque."

     

    Ave­nues a éga­le­ment éten­du l'expérimentation à la recharge des véhi­cules élec­triques, avec un second micro­ré­seau alliant une ombrière pho­to­vol­taïque ins­tal­lée sur neuf places d'un par­king de l'UTC et des moyens de sto­ckage. Là encore, il s'agit de déve­lop­per une inter­face intel­li­gente pour pri­vi­lé­gier l'utilisation de l'électricité solaire, mais aus­si pour com­mu­ni­quer avec les pro­prié­taires des véhi­cules et savoir s'ils acceptent de pas­ser de charge rapide en charge moyenne ou lente quand la pro­duc­tion pho­to­vol­taïque n'est pas suf­fi­sante ou que le tarif de l'électricité du réseau natio­nal est élevé. 

    Sûre­té de fonctionnement 
    Sûre­té de fonctionnement 
    Wal­ter Schön

    Maî­tri­ser les com­por­te­ments des sys­tèmes tech­no­lo­giques pour évi­ter les défaillances pré­ju­di­ciables à leur fia­bi­li­té, à leur dis­po­ni­bi­li­té et plus encore à leur sécu­ri­té. C'est tout l'enjeu de la sûre­té de fonc­tion­ne­ment… "Et un des grands défis du véhi­cule auto­nome, sou­ligne Wal­ter Schön, cher­cheur au labo­ra­toire Heu­ris­tique et diag­nos­tic des sys­tèmes com­plexes (Heu­dia­syc) de l'UTC. Sauf à rou­ler en site propre, ces voi­tures devront en effet gérer des situa­tions com­plexes, par­ti­cu­liè­re­ment en ville : prendre les bonnes déci­sions face à un flot hété­ro­gène de véhi­cules et à toutes sortes d'imprévus (un deux-roues qui grille un feu, un pié­ton qui tra­verse au rouge…). Pour cela, leur sys­tème de pilo­tage auto­ma­tique fera appel à de l'intelligence arti­fi­cielle. Or, garan­tir la sûre­té d'un logi­ciel à base d'intelligence arti­fi­cielle reste très com­pli­qué."

     

    Heu­dia­syc, qui a fait du véhi­cule auto­nome un de ses thèmes prio­ri­taires de recherche, s'est atta­qué à cette pro­blé­ma­tique clé. Objec­tif ? Ana­ly­ser la concep­tion de sys­tèmes de ce type avec des méthodes appro­priées, pour pro­po­ser si besoin des adap­ta­tions ren­for­çant leur sûre­té de fonc­tion­ne­ment. Mais aus­si étu­dier un com­po­sant de sécu­ri­té indé­pen­dant du pilote auto­ma­tique, qui sur­veille­rait son com­por­te­ment et inter­vien­drait en cas de pro­blème : par exemple, en empê­chant le véhi­cule d'accélérer s'il a atteint la vitesse limite.

     

    Un chal­lenge, car un tel dis­po­si­tif devra pou­voir détec­ter des situa­tions dan­ge­reuses là aus­si extrê­me­ment variées et sou­vent com­plexes : un chan­ge­ment de file ris­qué, une vitesse trop éle­vée à l'approche d'un obs­tacle… "Pour l'instant, nous sommes très très loin du but, recon­naît Wal­ter Schön. On peut certes consi­dé­rer qu'en cas de défaillance du pilote auto­ma­tique, l'automobiliste repren­dra la main. Mais si la situa­tion est vrai­ment périlleuse, il ne par­vien­dra pas for­cé­ment à maî­tri­ser le véhi­cule. De plus, à par­tir du moment où il délé­gue­ra la conduite à un sys­tème robo­tique, il sera sans doute moins vigi­lant que s'il condui­sait lui-même. À mes yeux, en tous cas, les véhi­cules auto­nomes res­te­ront inac­cep­tables tant qu'ils ne feront pas mieux que l'humain en toutes cir­cons­tances. Et nous avons encore bien des ver­rous à lever pour y par­ve­nir."

    Thé­ra­pies vasculaires 
    Thé­ra­pies vasculaires 
    Anne-Vir­gi­nie Salsac

    Leur champ d'investigation : la bio­mé­ca­nique des fluides appli­quée à la san­té. En cou­plant simu­la­tions numé­riques et tra­vaux expé­ri­men­taux, Anne-Vir­gi­nie Sal­sac et son équipe du labo­ra­toire Bio­mé­ca­nique et bio-ingé­nie­rie (BMBI) modé­lisent les écou­le­ments san­guins de la micro­cir­cu­la­tion à l'hémodynamique dans les grands vais­seaux, et mettent au point des tech­no­lo­gies inno­vantes, pour le trai­te­ment endo­vas­cu­laire et la carac­té­ri­sa­tion méca­nique par­mi d'autres. L'enjeu ? " Com­prendre les écou­le­ments tant phy­sio­lo­giques que patho­lo­giques, et contri­buer au déve­lop­pe­ment et à l'optimisation de tech­niques de diag­nos­tic et de trai­te­ment thé­ra­peu­tique par voie vas­cu­laire ", explique la chercheuse.

     

    L'équipe tra­vaille en effet sur les thé­ra­pies endo­vas­cu­laires, qui consistent à ame­ner des dis­po­si­tifs bio­mé­di­caux jusqu'à une zone cible via les vais­seaux san­guins pour per­mettre un trai­te­ment loca­li­sé et peu inva­sif. " Nos recherches portent notam­ment sur l'utilisation de micro­cap­sules comme vec­teurs pour trans­por­ter des sub­stances actives et sur l'étude de leur com­por­te­ment lorsqu'elles inter­agissent avec des écou­le­ments phy­sio­lo­giques, détaille Anne-Vir­gi­nie Sal­sac. Com­ment se déforme leur enve­loppe sous l'effet des forces de l'écoulement ? Com­ment contrô­ler le relar­gage de la sub­stance encap­su­lée en agis­sant sur les pro­prié­tés méca­niques de l'enveloppe ? Com­ment sti­mu­ler sa rup­ture, par exemple au moyen d'ultrasons ? Les tech­niques sophis­ti­quées de modé­li­sa­tion et carac­té­ri­sa­tion que nous déve­lop­pons ouvrent la voie à une opti­mi­sa­tion des micro­cap­sules pour cha­cune des appli­ca­tions envi­sa­gées. "

     

    L'équipe tra­vaille aus­si sur d'autres tech­niques thé­ra­peu­tiques comme l'embolisation endo­vas­cu­laire de vais­seaux anor­maux ou rom­pus néces­si­tant d'être obs­truc­tés. " Nous avons lan­cé un pro­jet sur l'utilisation cli­nique de colles chi­rur­gi­cales pour trai­ter des patho­lo­gies vas­cu­laires, pré­cise Anne-Vir­gi­nie Sal­sac. L'injection de colle est clas­sique en pra­tique cli­nique, mais n'a fait l'objet que de peu d'études fon­da­men­tales. Des ques­tions scien­ti­fiques res­tent ouvertes, quant à la réac­tion de la colle au contact du sang, le temps néces­saire à sa poly­mé­ri­sa­tion, l'influence de l'écoulement san­guin, etc. Pour une meilleure maî­trise du geste thé­ra­peu­tique, il est néces­saire de mieux com­prendre ces phé­no­mènes très com­plexes. "

     

    Les recherches plu­ri­dis­ci­pli­naires d'Anne-Virginie Sal­sac et de ses col­la­bo­ra­teurs sur l'étude des écou­le­ments san­guins et de la dyna­mique de micro­cap­sules sont mon­dia­le­ment recon­nues et ont per­mis à la jeune cher­cheuse d'être hono­rée de plu­sieurs prix et dis­tinc­tions, dont la médaille de bronze du CNRS et deux tro­phées des Femmes en Or, ceux de l'innovation et du public, en 2015, la médaille de l'Ordre Natio­nal du Mérite en 2016 et une bourse ERC Conso­li­da­tor en 2017. 

    Usages sociaux des technologies 
    Usages sociaux des technologies 
    Jérôme Val­luy

    Entre les pro­messes du numé­rique en matière de péda­go­gie et l'usage réel des outils pro­po­sés, il existe sou­vent… un fos­sé. "Sur les grandes plate-formes de MOOCs, par exemple, la part des ins­crits aban­don­nant avant d'avoir vali­dé leur for­ma­tion avoi­sine les 90 %, observe Jérôme Val­luy, du labo­ra­toire Connais­sance, orga­ni­sa­tion et sys­tèmes tech­niques (Cos­tech) de l'UTC. Mais ce constat ne doit pas conduire à renon­cer à toute inno­va­tion tech­no­lo­gique dans l'enseignement."

     

    Depuis deux ans, ce cher­cheur explore ain­si une nou­velle voie : réin­ven­ter le manuel uni­ver­si­taire. "Aujourd'hui, les étu­diants lisent beau­coup en ligne, mais avant tout des textes courts. Non seule­ment ils ont peu d'appétence pour les déve­lop­pe­ments plus étof­fés, ce qui pose pro­blème à par­tir d'un cer­tain niveau d'études, mais, sur Inter­net, il existe peu de livres en libre accès. D'où l'idée de déve­lop­per un pro­to­type de manuel numé­rique des­ti­né à les accom­pa­gner de la pre­mière année de licence à la fin du mas­ter."

     

    Inti­tu­lé Trans­for­ma­tions des États démo­cra­tiques indus­tria­li­sés, l'ouvrage est consa­cré à la science poli­tique, dis­ci­pline que Jérôme Val­luy enseigne à l'université Pan­théon-Sor­bonne, et com­por­te­ra à terme quelque cinq mil­lions de signes : l'équivalent d'une dizaine de livres, ras­sem­blant notam­ment l'ensemble de ses tra­vaux depuis une tren­taine d'années (thèse de doc­to­rat, cours, publications…).

     

    Pour être uti­li­sables en licence et en mas­ter, les conte­nus sont dis­tri­bués par niveaux (L1, L2, L3, M1, M2) et par thé­ma­tiques. Un même texte peut ain­si figu­rer au niveau L2 et s'insérer dans un déve­lop­pe­ment plus détaillé à la thé­ma­tique cor­res­pon­dante. Par ailleurs, pour en faci­li­ter l'accès et per­mettre aux étu­diants d'approfondir un sujet, les conte­nus seront peu à peu enri­chis d'éléments ico­no­gra­phiques, de défi­ni­tions, voire de courtes vidéos, mais aus­si de réfé­rences biblio­gra­phiques, d'articles, d'extraits de livres ou encore de liens vers des ouvrages en ver­sion inté­grale. "Outre un manuel, l'objectif est de leur pro­po­ser une sorte de biblio­thèque orga­ni­sée sur une thé­ma­tique spé­ci­fique, qui leur évite de se noyer dans l'océan du web en libre accès", explique le chercheur.

     

    Qu'il s'agisse d'explorer com­ment scé­na­ri­ser les conte­nus pour faci­li­ter les appren­tis­sages ou com­ment arti­cu­ler cours en pré­sen­tiel et tra­vail per­son­nel sur le manuel, Jérôme Val­luy dis­pose d'un ter­rain d'expérimentation pri­vi­lé­gié : ses étu­diants de l'université Pan­théon-Sor­bonne, avec les­quels il teste les usages de son prototype.

     

    Pour consul­ter le pro­to­type du manuel : http://www.hnp.terra-hn-editions.org/TEDI/

    Vision par ordinateur 
    Vision par ordinateur 
    Vincent Fré­mont

    Don­ner des "yeux" à un robot. Lui per­mettre d'analyser, trai­ter et com­prendre des images acquises avec des camé­ras pour qu'il puisse déci­der com­ment agir : c'est l'objet de ce qu'on appelle la vision par ordi­na­teur. Un sujet au cœur des recherches sur les véhi­cules sans conduc­teur, mais aus­si sur les mini­drones auto­nomes, dont les appli­ca­tions civiles devraient se mul­ti­plier : sur­veillance de sites sen­sibles, ins­pec­tion d'infrastructures telles que des voies fer­rées, détec­tion de feux de forêt, aide au sauvetage…

     

    "La dif­fi­cul­té, c'est qu'un mini­drone ne peut pas embar­quer une bat­te­rie et un cal­cu­la­teur très puis­sants, note Vincent Fré­mont, cher­cheur au labo­ra­toire Heu­ris­tique et diag­nos­tic des sys­tèmes com­plexes (Heu­dia­syc) de l'UTC. Ses capa­ci­tés de trai­te­ment d'images sont donc limi­tées. D'où l'idée d'utiliser une flotte de drones mutua­li­sant leurs moyens de cal­cul pour recons­truire leur envi­ron­ne­ment en 3D." Une approche inno­vante, qui fait l'objet d'un grand pro­jet : le Défi Divi­na, mené dans le cadre du Labo­ra­toire d'excellence Maî­trise des sys­tèmes de sys­tèmes tech­no­lo­giques (MS2T), qui asso­cie trois uni­tés de recherche de l'UTC dont Heudiasyc.

     

    L'enjeu ? Faire coopé­rer des mini­drones pour explo­rer et car­to­gra­phier en 3D un ter­ri­toire incon­nu, sans le sup­port du GPS pour se loca­li­ser. Par­mi les appli­ca­tions pos­sibles : la recon­nais­sance d'une zone dévas­tée par un trem­ble­ment de terre ou toute autre catas­trophe et dont les antennes GPS auraient été détruites, afin d'y orga­ni­ser les secours. "Les drones seront équi­pés de camé­ras pour se loca­li­ser les uns par rap­port aux autres, navi­guer et car­to­gra­phier leur envi­ron­ne­ment, explique Vincent Fré­mont, qui pilote le pro­jet. Leurs capa­ci­tés de cal­cul étant res­treintes, cha­cun ne pour­ra en recons­truire qu'une par­tie. Mais ils dis­po­se­ront de moyens de com­mu­ni­ca­tion pour échan­ger les don­nées trai­tées indé­pen­dam­ment les uns des autres, ce qui leur per­met­tra d'élargir leur champ de vision et de car­to­gra­phier l'ensemble de la zone visée."

     

    Un objec­tif qui sup­pose de rele­ver plu­sieurs chal­lenges. Entre autres, déve­lop­per des algo­rithmes de trai­te­ment d'images très éco­nomes en temps de cal­cul. Mais aus­si déter­mi­ner les infor­ma­tions les plus impor­tantes à échan­ger entre drones, afin de mini­mi­ser les temps de cal­cul et de ne pas satu­rer le réseau de communication. 

    Wikipédiens 
    Wikipédiens 
    Michaël Vicente

    Ils rédigent les conte­nus, les cor­rigent, traquent les contre-véri­tés et autres mal­veillances… Arché­type du nou­veau mode de créa­tion de valeur qu'est l'économie contri­bu­tive, Wiki­pé­dia mobi­lise des cen­taines de mil­liers de béné­voles dans le monde. Qui sont-ils, quelle flamme les anime ? Pour le savoir, le labo­ra­toire Connais­sance, orga­ni­sa­tion et sys­tèmes tech­niques (Cos­tech) de l'UTC et Télé­com Bre­tagne ont dres­sé le por­trait socio­lo­gique des acteurs du site fran­co­phone de l'encyclopédie et modé­li­sé les scé­na­rios de contri­bu­tion : com­ment et pour­quoi cer­tains d'entre eux contri­buent for­te­ment à Wiki­pé­dia quand d'autres n'y par­ti­cipent que très fai­ble­ment ou se contentent de l'utiliser ?

     

    "Nous avons tra­vaillé avec Wiki­mé­dia France, l'association légale du site en France, qui, voyant le nombre de contri­bu­teurs bais­ser, s'interrogeait sur leur pro­fil et leurs moti­va­tions, explique Michaël Vicente, socio­logue à Cos­tech. En 2011, nous avons mis en ligne un pre­mier ques­tion­naire qui a sus­ci­té plus de 13 000 réponses exploi­tables, dont plus de 5 000 éma­nant de contri­bu­teurs et le reste d'utilisateurs. Conclu­sion : les contri­bu­teurs sont à 80 % des hommes, plu­tôt jeunes, très majo­ri­tai­re­ment issus de caté­go­ries socio­pro­fes­sion­nelles éle­vées et diplô­més de l'enseignement supé­rieur. Par­mi eux, on trouve éga­le­ment nombre d'étudiants. Autre­ment dit, même dans une sphère comme Wiki­pé­dia, qui vise à démo­cra­ti­ser la construc­tion du savoir, les bar­rières sociales et de genre demeurent. Et ce n'est guère sur­pre­nant : pour contri­buer, il faut des connais­sances et des com­pé­tences, le niveau d'éducation et la classe sociale sont donc déter­mi­nants. Mais le sexe l'est aus­si. Avec Hélène Bour­de­loie, cher­cheuse asso­ciée de Cos­tech, nous avons pu mettre en avant que si les contri­bu­trices sont aus­si rares, alors qu'il ne s'agit pas d'une acti­vi­té tech­nique, c'est plus géné­ra­le­ment en rai­son de la ten­dance moindre des femmes à reven­di­quer une exper­tise."

     

    Autre constat : les acteurs les plus inves­tis agissent avant tout dans un but altruiste – créer un bien utile à tous et gra­tuit -, mais ne s'impliquent pas for­cé­ment dans la durée. "Beau­coup contri­buent for­te­ment sur un temps court pour pro­duire des conte­nus rele­vant de leur domaine d'expertise et, ensuite, aban­donnent, observe Michaël Vicente. Les contri­bu­teurs sur le long terme sont d'ailleurs plus nom­breux par­mi ceux qui cor­rigent et mettent en forme les textes ou luttent contre la mal­veillance."

     

    Afin de vali­der ces pre­miers résul­tats, les cher­cheurs ont à nou­veau dif­fu­sé un ques­tion­naire en 2014. Les résul­tats se sont révé­lés comparables. 

    Struc­tures XXL en condi­tions extrêmes 
    Struc­tures XXL en condi­tions extrêmes 
    Adnan Ibra­him­be­go­vic

    Com­ment réus­sir la concep­tion d'une méga­struc­ture ultra-légère et résis­tante ? La réponse réside peut-être dans l'utilisation d'un maté­riau com­po­site CFRP (Car­bon Fiber Rein­for­ced Poly­mere). En 2016, la chaire méca­nique de l'UTC a lan­cé un nou­veau pro­jet sur ce sujet. L'objectif : étu­dier si une méga­struc­ture en CFRP sou­mise à des contraintes extrêmes tien­drait le choc.

     

    "Deux appli­ca­tions, en par­ti­cu­lier, nous inté­ressent, explique Adnan Ibra­him­be­go­vic, titu­laire de la chaire. La pre­mière porte sur les éoliennes off­shore géantes du futur, qui pro­dui­ront plus de 10 MW – le double des ins­tal­la­tions actuelles en Europe. Leurs pales mesu­re­ront plus de 100 m. Les fabri­quer dans un maté­riau très léger per­met­trait d'augmenter la puis­sance de l'éolienne, mais encore faut-il qu'elles puissent résis­ter à des tem­pêtes majeures. La seconde appli­ca­tion concerne les avions gros por­teurs fabri­qués en com­po­site extrê­me­ment léger et résis­tant, ce qui per­met­trait de dépas­ser le plus grand avion actuel, l'Airbus A 380, dont les ailes de 80 m sont en alu­mi­nium. Ces gros por­teurs de demain devraient être équi­pés d'un sys­tème anti-crash pla­cé sous leur nez, capable de redres­ser l'appareil s'il pique à la ver­ti­cale après une perte de por­tance. Or, en pareil cas, les ailes seraient sou­mises à de très vio­lents efforts aéro­dy­na­miques."

     

    Aucun banc d'essais au monde ne per­met de repro­duire de telles contraintes sur des struc­tures de cette taille. En revanche, le labo­ra­toire méca­nique, acous­tique et maté­riaux (Rober­val) est équi­pé pour pro­duire et tes­ter des éprou­vettes en CFRP (des pièces de quelques cen­ti­mètres). L'équipe va donc d'abord mesu­rer la résis­tance à la rup­ture de ces modèles réduits, et sur­tout sa varia­bi­li­té. Tout com­po­site com­porte en effet de petits défauts en rai­son des­quels ses pro­prié­tés (contrainte de rup­ture…) peuvent varier d'un point à l'autre d'une pièce et ce, de façon tota­le­ment aléa­toire. Ensuite, les cher­cheurs s'appuieront sur le labo­ra­toire de mathé­ma­tiques appli­quées de l'UTC, le LMAC, pour pro­je­ter les résul­tats obte­nus sur une struc­ture XXL. "Le mode de rup­ture de deux pièces réa­li­sées dans un même maté­riau dif­fère selon leur taille, sou­ligne Adnan Ibra­him­be­go­vic. Afin de quan­ti­fier cet effet d'échelle, nous allons faire appel à de nou­velles méthodes pro­ba­bi­listes per­met­tant de dire com­ment s'amplifient les risques de rup­ture sur un élé­ment de 100 m de long." Une approche inédite pour un pro­jet à fort enjeu. 

    HYdro­gène
    HYdro­gène
    Mikel Letu­ria

    Auto­no­mie réduite, len­teur de recharge… Les bat­te­ries res­tent le talon d'Achille des véhi­cules élec­triques. L'alternative ? Une pile à com­bus­tible pro­dui­sant de l'électricité à bord, à par­tir d'hydrogène et de l'oxygène de l'air, sans émettre ni pol­luants ni CO2. Las, pour pou­voir embar­quer suf­fi­sam­ment d'hydrogène en phase gazeuse dans le véhi­cule sans que le réser­voir soit trop encom­brant, il faut le com­pri­mer for­te­ment, ce qui peut poser des pro­blèmes de sécu­ri­té. Un risque qui concerne aus­si le sto­ckage de ce gaz dans les sta­tions-ser­vices. Sans comp­ter le coût du déploie­ment de pompes à hydro­gène sur tout le territoire.

     

    La socié­té Aaqius a conçu une tech­no­lo­gie sup­pri­mant ces bar­rières, Stor‑H, et, pour en accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment, a lan­cé une thèse Cifre avec le labo­ra­toire Trans­for­ma­tions inté­grées de la matière renou­ve­lable (TIMR) de l'UTC. Le prin­cipe : sto­cker le gaz en phase solide dans une sorte d'éponge à hydro­gène – une matrice com­plexe mul­ti­ma­té­riau. "C'est un moyen de le condi­tion­ner sous une pres­sion beau­coup plus faible – donc sans risque – et dans un volume réduit, explique Mikel Letu­ria, cher­cheur à TIMR. Pour l'instant, l'objectif est d'atteindre 90 km d'autonomie sur un scoo­ter élec­trique, avec des car­touches d'hydrogène de moins de 10 cm de dia­mètre et envi­ron 20 cm de haut. Mais le concept est trans­po­sable à de mul­tiples appli­ca­tions – deux, trois ou quatre-roues." Autre atout, les car­touches Stor‑H n'exigeraient pas d'infrastructure de dis­tri­bu­tion spé­ci­fique : elles pour­raient être ven­dues en super­mar­ché, en ligne, via des dis­tri­bu­teurs automatiques…

     

    "Ces car­touches ne sont autres qu'un mini­réac­teur chi­mique capable d'absorber et désor­ber de l'hydrogène, sou­ligne Mikel Letu­ria. Les recherches menées avec Aaqius visent à opti­mi­ser ce dis­po­si­tif. Elles com­portent un volet expé­ri­men­tal des­ti­né à recueillir trois types de don­nées. D'abord, sur la mise en forme de la matrice mul­ti­ma­té­riau : jusqu'à quel point la com­pac­ter pour absor­ber le plus pos­sible de gaz sans pro­blème pour le relar­guer ? Ensuite, sur les aspects ther­mo­dy­na­miques : com­bien le solide absorbe-t-il et décharge-t-il d'hydrogène selon les condi­tions de tem­pé­ra­ture et de pres­sion ? Enfin, sur les aspects ciné­tiques : com­ment évo­lue la vitesse d'absorption et de désorp­tion selon la pres­sion ? A par­tir de ces don­nées, nous modé­li­se­rons le fonc­tion­ne­ment du réac­teur pour le simu­ler." Objec­tif : obte­nir une car­touche com­pacte, sto­ckant un maxi­mum d'hydrogène, se char­geant rapi­de­ment et se déchar­geant assez vite pour ali­men­ter cor­rec­te­ment la pile à combustible. 

    Z : une équa­tion stochastique 
    Z : une équa­tion stochastique 
    Niko­laos Limnios

    Les mathé­ma­tiques déter­mi­nistes per­mettent de modé­li­ser un phé­no­mène repro­duc­tible à l'identique, dont toutes les condi­tions sont fixées. Mais com­ment mettre en équa­tions un phé­no­mène aléa­toire comme la pro­pa­ga­tion des fis­sures dans un maté­riau ? "Sou­met­tez cin­quante pièces métal­liques stric­te­ment sem­blables au même pro­to­cole d'essai pour mesu­rer la vitesse à laquelle une fis­sure s'y pro­page, vous obtien­drez cin­quante résul­tats dif­fé­rents, sou­ligne Niko­laos Lim­nios, direc­teur du Labo­ra­toire de mathé­ma­tiques appli­quées de Com­piègne (LMAC) de l'UTC. Avec un modèle déter­mi­niste, nous n'aurions qu'une seule courbe et nous serions loin de la réa­li­té !"

     

    C'est là qu'entrent en jeu les mathé­ma­tiques dites sto­chas­tiques ou aléa­toires, dont ce cher­cheur est un spé­cia­liste : "Comme leur nom l'indique, elles offrent la pos­si­bi­li­té de prendre en compte les phé­no­mènes aléa­toires et donc de modé­li­ser le com­por­te­ment de sys­tèmes com­plexes de façon plus repré­sen­ta­tive du réel. Pour les sciences de l'ingénieur, ces méthodes, assez nou­velles et en plein essor, sont une vraie force."

     

    Leurs domaines d'application sont très variés. Niko­laos Lim­nios a notam­ment beau­coup tra­vaillé sur la pro­pa­ga­tion des fis­sures, sujet cru­cial dans nombre de sec­teurs – du nucléaire à l'aérospatial en pas­sant par le fer­ro­viaire : "grâce aux méthodes sto­chas­tiques, il est pos­sible d'estimer plus pré­ci­sé­ment le risque de rup­ture d'un maté­riau en rai­son de fis­sures, et donc sa durée de vie. Avec le CEA, nous avons par exemple modé­li­sé la pro­pa­ga­tion des fis­sures sur l'enceinte de confi­ne­ment des réac­teurs nucléaires, dans le cadre d'un pro­gramme de recherche sur la pro­lon­ga­tion de la durée de vie des cen­trales."

     

    Dans un tout autre registre, Niko­laos Lim­nios col­la­bore éga­le­ment avec l'université de Thes­sa­lo­nique sur une pro­blé­ma­tique de sis­mo­lo­gie : "L'objectif est d'explorer les rela­tions entre les varia­tions des ten­sions au sein de la croûte ter­restre et la fré­quence et l'intensité des séismes dans une région au cours du temps. Nous avons mis au point des modèles sto­chas­tiques très pous­sés qui mettent en évi­dence ces liens, plus ou moins forts selon les zones géo­gra­phiques."

    Aujourd'hui, le cher­cheur et son équipe sont de plus en plus sol­li­ci­tés par les labo­ra­toires de l'UTC et des acteurs externes pour leur appor­ter une exper­tise en cal­cul stochastique. 

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